Le pivot d'Héricy

Mes critiques littéraires

posté le 04-11-2017 à 06:57:29

Vers l'abîme d'Erich Kästner

 

Une belle découverte que ce roman dont l’auteur est plutôt connu pour l’écriture du roman de jeunesse « Emile et les détectives ».

Paru en Allemagne en 1931, une dizaine d’années après la première guerre mondiale, « Vers l’abîme » parait alors sous un autre titre, « Fabian »  dans une version épuré voulu par son éditeur, qui, outre le fait de modifier le titre, supprime tous les passages qui montrent la dépravation de la société allemande de l’époque, société qui souffre et a de la peine à se reconstruire après la première guerre mondiale : le chômage, l’inflation, la dépression post-guerre.

« Vers l’abîme », se déroulant principalement à Berlin, est le récit de Fabian, docteur ès Lettres, un jeune homme qui travaille ou tente de travailler dans la publicité. Avec son principal ami, un dénommé Labude, Fabian (prénom Jakob) parcourt la capitale allemande et y fait de multiples rencontres soit dans la quête d’un emploi, soit pour s’étourdir dans les différents lieux de débauche.

Sans véritable intrigue, avec un dénouement un peu brutal et curieux, peuplé de personnages récurrents qui apparaissent ou disparaissent, ce livre rend bien compte de la situation qui prépare à la montée du national-socialisme (création 1920) et à ses conséquences mais ça, Erich Kästner ne le sait pas encore. Et alors que c’est clairement un roman que l’on lit, aujourd’hui, lire « Vers l’abîme » devient finalement un témoignage historique dont l’intérêt est le parallèle que l’on peut faire entre le destin de ce jeune homme sympathique et la société allemande en pleine déliquescence. Rien n’est clairement dit à l’encontre des nazis ou de leur émergence (quelques événements de la vie de Fabian sont tout de même liés directement à des événements historiques de l’époque) mais on sent un contexte, un climat de tension permanent  et une chute de notre héros qui perd ses repères dans sa vie tout au long du livre jusqu’à retourner dans sa ville natale auprès de ses parents.

Autant dire que j’ai adoré lire ce livre sombre et atypique dont l’écriture n’est pas dénuée de jolis passages…Un roman dans lequel il faut se plonger…assurément !

 


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posté le 30-10-2017 à 18:32:46

Cevdet Bey et ses fils d'Orhan Pamuk

 

 

 

 

 

  On ne s'engage pas à la légère, dans ce pavé de 950 pages qui est le premier roman d'Ohran Pamuk, prix Nobel de Littérature 2006.

  Ce volumineux livre est une saga qui offre une belle immersion dans la Turquie du 20ème siècle. j'avais envie d'une longue histoire familiale pour ces vacances d'été.

 

 Début du livre, début du siècle, Cevdet Bey est un commerçant musulman qui développe son entreprise dans le domaine de la... quincaillerie! 1905, c'est encore le monde des sultans en Turquie. Installé à Istambul, Cevdet, dans la 1ère partie du livre, cherche à constuire sa fortune et sa famille. C'est encore la Turquie ancestrale et archaïque où règne les traditions séculaires de mariage arrangé. Cevdet s'unira avec alors avec Nigan qui lui donnera deux fils Osman et Refik et une fille Ayse. Puis le patriarche meurt, les deux fils reprenant l'affaire familiale. A noter l'excellent chapître qui met en scène la mort de Cevdet.

   Dans la 2ème partie du livre qui en constitue l'essentiel, on se retrouve en 1936 et la Turquie a basculé dans l'ère d'Attaturk et de la République. Le pays, au niveau des intentions politiques, est résolument tourné vers la modernité et l'Europe, mais dans les mentalités des gens, seuls les bourgeois peuvent envisager une évolution à leur avenir. Les fils Osman et Refik se marient, on cherche aussi un homme qui soit respectable pour la jeune Ayse; Osman reprend les rênes de la quincaillerie tandis que Refik, à l'instar de ses deux meilleurs amis, Muhittin et Omer, avec qui il a fait des études d'ingénieur à Londres, se pose des questions sur le sens à donner à sa vie. On suit l'amitié de ces trois jeunes gens, amitié qui va évoluer selon le contexte historique et politique de la Turquie. Chacun va choisir, bifurquer, tenter de donner un sens à sa vie, vivre sa "turquitude". à sa façon.

 La dernière partie de ce long roman un peu fastidieux met en scène la 3ème génération de la famille. Refik, le 2ème fils, a quitté le giron et s'est lancé dans le domaine de l'édition.  Il a aussi donné naissance à deux enfants, Melek l'aînée et un garçon Ahmet devenu artiste peintre et habitant un appartement au-dessus de celui de sa grand-mère, Nigan Ham qui n'est plus trop en forme. 

 L'ensemble, s'il dépeint l'évolution du pays et montre bien le tiraillement entre l'Orient et l'Occident, entre la tradition et la modernité, m'a semblé vraiment trop long; sans doute parce ce livre, avant de raconter une histoire, tente de raconter l'Histoire turque.

L'histoire de "Cevdet Bey et ses fils" -1er roman de l'auteur- ne m'a pas emballé mais Ohran Pamuk passe pour être un grand écrivain et peut-être un jour je me redonnerai une chance de mieux l'apprécier...

 


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posté le 25-03-2017 à 05:48:37

Un petit boulot de Iain Levison

  

 

  

Roman sorti en 2002, « Un petit boulot »a subi un joli lifting : format agréable en main, couverture rouge avec un bandeau publicitaire faisant référence au film du même nom,  dédicace de l’auteur en fin de livre, je l’ai trouvé placé astucieusement sur mon chemin dans une librairie, installé sur un présentoir. Et je ne l’ai pas regretté. Aux abords de Noël,  ça fait un joli produit, très attirant et pas excessif.  « Un petit boulot » est un beau petit cadeau.  (Julien, Nicolas et Patrick…vous me direz à l’occasion si vous avez aimé…).

 

  N’ayant pas vu le film sorti en 2015, je n’étais pas lié aux images, aucun lieu ni aucun acteur (Michel Blanc, Romain Duris) en tête et donc bien plus proche dans mon imaginaire du titre original « Since the layoffs » à traduire littéralement « depuis les licenciements ».  On est aux USA , dans le Middle West, une ville durement touchée par le chômage depuis la fermeture de l’usine qui employait la plupart de ses habitants. Jake Skowran a lui aussi perdu son emploi et se retrouve désoeuvré,  passant son temps à faire des paris sportifs. Par ailleurs, il n’a pas seulement perdu son job, il n’a plus de compagne, celle-ci l’ayant laissé pour vivre des jours meilleurs ailleurs. Heureusement, dans une vie qui part à vau l’eau, deux faits majeurs concomitants du livre vont venir chahuter la vie de Jake.

  Tout d’abord, pour couvrir ses dettes, un mafieux local nommé Gardocki, va lui proposer un job plutôt hors norme : tuer sa femme, Corinne Gardocki, une ancienne  strip teaseuse, et devenir donc un tueur à gages. Jake se voit obligé d’accepter pour effacer ses dettes, d’autant plus qu’en nous livrant son état d’esprit, on sent bien qu’il n’a plus rien à perdre : « De fait, je n’ai plus de morale. Ma vie a été enlevée par un coup du destin, un caprice de l’économie, un trait de plume dans un bureau de New York. Ma ville est détruite, ma copine est partie, mes amis et moi sommes fauchés en permanence. Des types nous ont tués, moi et ma ville, et je suis sûr que ça ne les empêche pas de dormir. Pourquoi je devrais m’arracher les cheveux à cause de Corinne Gardocki ? ».

  Au même moment, Jake se voit proposer par son cousin un nouvel emploi -un vrai celui-ci, et forcément sous-payé dans une station-service. Cette station, appartenant à une grande société et sans doute pas assez rentable, est menacée de fermeture. Chômeur de longue durée, Jake va-t-il réussir à concilier ses deux nouvelles opportunités ?

  Ce court roman franchement drolatique nous raconte les aventures de Jake, anti-héros et novice tueur à gages. Campé en plein marasme économique et industriel, le livre est une véritable peinture d’une société américaine en déclin avec tout son flot de chômage et de désespoir urbain.  « Je me rappelle que nous sommes vendredi après-midi, un jour de travail.[…]. Pour ces gens-là, ne pas travailler est devenu un mode de vie. Certains pourraient peut-être faire un travail de nuit, de gardiennage ou de service d’étage dans des hôtels chics qui s’ouvrent sur la plage, mais c’est fini pour eux. Ils ne possèderont ni ne construiront jamais rien et ne quitteront pas la rue. Personne ne leur donne plus la peine de leur mentir en leur disant qu’il y a un pays qui se soucie d’eux… ».

 

Finalement, un livre très social,  très actuel, malheureusement on pourrait dire qu’il n’a pas pris une ride, et, vu la personnalité de Jake ponctué de beaucoup d’humour, c’est un peu comme si au pays de Trump…Jean-Louis Mélenchon l’avait écrit… !
 


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posté le 27-12-2016 à 07:13:55

La garçonne et l'assassin de Fabrice Virgili et Danièle Voldman

  

  Cet essai historique sorti en 2011 raconte les vies de Paul Grappe  (1891-1928) et Louise Landy (1892-1949), héros d'un triste et cocasse fait divers qui a défrayé la chronique dans les années 20.

  Paul est originaire de l'Est de la France alors que Louise vient de l'Ardèche et c'est lors d'un cours de musique à Paris qu'ils vont se rencontrer en 1909. Ils se marieront deux ans plus tard en 1911. A cette époque, le service militaire dure 2 années et Paul est incorporé en 1912. Le couple vit chichement car la solde n'est pas bien élevée et il occupe une chambre de bonnes dans le 11ème arrondissement à Paris

  En août 1914, c'est le début de la Grande Guerre et Paul, devenu caporal, est envoyé sur le front où il sera blessé et même suspecté de s'être auto-mutilé pour fuir les combats. Toujours est-il qu'en mai 1915, Paul Grappe manque à l'appel et déserte.

 Pour échapper aux recherches et au peloton d'exécution, Paul va alors se travestir, enfiler des vêtements de femme et devenir ...Suzy Landgard jusqu'au dénouement de cette guerre. Le couple se reforme et peut vivre ouvertement en ménage unisexe, changeant régulièrement de logements; les deux femmes ne se font pas trop remarquer d'autant plus que durant la guerre, les hommes à la vie civile sont peu nombreux. 

  Il faudra tout de même attendre 1925 et une loi amnistiant Paul Grappe pour que celui-ci redevienne un homme. 10 ans dans la peau d'une femme pour échapper à la guerre !!! 

  L'histoire vraie de ce couple fusionnel est absolument incroyable - les épisodes particuliers qui la jalonnent et son dénouement tragique que je tairais - aussi.

  Raconté comme une enquête avec tout ce qu'il a de rocambolesque, ce livre est passionnant. Le sujet bien sûr, pour le moins déroutant et son traitement: on suit le travail des historiens dans leur recherche d'archives. Photos noir et blanc, lettres et toutes autres pièces de registre qui ont permis de reconstruire la vie du couple sont présentées.

Elles permettent aussi, par extrapolation, de comprendre la personnalité de Paul et Louise, avec toute la réserve d'une certaine subjectivité. Et puis, on trouve également dans ce livre des éclairages sur la vie du début du 20ème siècle qui sont particulièrement intéressants !

 En tout cas...quelle Histoire !!! 

 

PS et si la lecture de l'histoire sous forme de Bande Dessinée vous tente:

 

 

 

 

 

 


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posté le 24-12-2016 à 05:35:24

Vera Kaplan de Laurent Sagalovitsch

  

 

 

 

Cher Laurent,

  Désolé pour toi Laurent (on est frère de prénom, ne t'en déplaise), Monsieur Sagalovitsch ( un peu de civilité tout de même...), je ne serai pas aussi dithyrambique qu'à l'accoutumée après la lecture de ton nouveau roman "Vera Kaplan".

  En 1996, il y a 20 ans déjà,  tu publiais "Dade City" et je lisais ta première parution après m'être délecté de ta trilogie. J'y avais noté ceci, à savoir que quand tu ne mettais pas de toi-même dans le récit, j'y prenais moins de plaisir...Avec Vera Kaplan, et meme si c'est un sujet qui te touche et ô combien compliqué...je suis resté un peu sur le bord de la page. Le sujet? Possible.

  C'est lors d'un petit séjour à Bruxelles que je découvrais ton nouveau roman au bas d'un rayonnage de la FNAC, -tu mérites tout de même la tête de gondole- et je m'enthousiasmais de pouvoir te lire à nouveau.

  Ce livre, immédiatement chéri entre mes mains, je ne résistais pas à la tentation d'en lire les premières pages dès la première bière hors les murs de la Fédération Nationale d'Achats. Le résumé au dos était saisissant: il me faisait comprendre que tu t'étais attaqué à raconter la vie de Stella Goldschlag durant la guerre 39-45, une femme juive qui a dénoncé d'autres juifs pour pouvoir vivre.

  Tout de suite, je retrouvais ton style et un peu de toi dans l'annonce de ce roman. C'était bien de parler avec nostalgie de "ta" mère disparue, beaucoup d'émotion transparaissait quand tu lançais le roman; la réception de cette lettre venue d'Allemagne destinée à "ta" maman qui t'apprenait le décès de sa mère: Vera Schwartz alias Vera Kaplan ( alias Stella Goldschlag!).

  Il fallait remonter le temps et découvrir la vie délirante de "ta" grand-mère. C'était pas vraiment "ta" grand-mère, mais tu dois bien y avoir songé quand même pour écrire ce livre. C'était alors la première partie du livre: Vera parle longuement -un peu trop peut-être? à sa fille Paula : il y a un peu de tout alors...l'explication du contexte historique, la montée du nazisme, l'enfance de Vera, une confession post traumatique, une tentative de justification pour expliquer ses gestes et son "combat" peu glorieux et qui met mal à l'aise..." Et si oui, je les ai aidés en pleine conscience à remplir leurs wagons d'autres Juifs, c'est que je savais que ces Juifs-là avaient renoncé depuis bien longtemps à se comporter comme de véritables Juifs. La plupart d'entre eux, à l'image de mes parents, de mes amis, de mes fréquentations se cachaient juste pour retarder le moment où ils épouseraient leur mort. Cette mort, ils l' abritaient en eux. (...) Ce furent eux, les véritables complices, ce furent eux, qui par leur passivité criminelle colleborèrent avec leurs assassins. Eux et pas moi."

  Bon...difficile de juger, mais Vera Kaplan / Stella Goldschlag a-t-elle vraiment pensé ceci? Il y a de quoi ressentir un malaise à la lecture de tes lignes, Laurent, mais j'imagine que tu y as passé du temps à y réfléchir. 

  Dans la troisième partie du roman, tu nous emportes un peu plus fort, un peu plus loin et nous donnes le tournis puisque c'est le journal de Vera du 2 mars au 19 juin. On est en 1944 (?) à l'hôpital juif de Berlin. Vera a été arrêtée par la Gestapo avec ses parents et, pour éviter leur déportation, elle fera tout, tout ce qu'on lui sous-entend de faire, tout ce qu'elle peut faire, être la pire des êtres humains à s'en dégouter de vivre...dénoncer d'autres Juifs. C'est la partie du roman la plus terrible, la plus poignante et la plus réussie.

  Voilà Laurent ce qu'il me vient d'écrire. Ca n'a pas été simple car je suis un peu mitigé. Mon affection envers toi est toujours grande et j'adore ton style. Ton livre est aussi un bel objet, j'ai apprécié de l'avoir entre mes mains, il rejoindra tes autres opus dans ma maigre bibliothèque. Même si j'aime les récits historiques romancés ou pas, le personnage ambigü et sa vie extraordinaire m'ont plongé dans des abîmes...Tâche s'il te plait de choisir un sujet plus drôle et moins épineux pour la prochaine fois (... l'ASSE?).

 

                                                 Affectueusement, Laurent. 

 


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posté le 31-10-2016 à 07:48:11

Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre

 

 

  Un livre somptueux qui offre à l'Histoire une belle histoire ...à moins que ce ne soit le contraire. La remarquable écriture de Pierre Lemaitre alliée à un scénario absolument original fait de ce livre un énorme roman, le prix Goncourt est largement à la hauteur (une fois de plus...après Gaudé, Rufin, Ferrari ou Houellebecq) d'autant plus qu'il se situe dans une période historique qui me plait particulièrement.

  Nous sommes à quelques jours de la fin de cette horrible guerre , la Grande Guerre, et le livre commence par une scène de combat autour de la colline 113 qu'il faut reprendre aux allemands...A l'issue de ce dernier assaut qu'un lieutenant aux dents longues nommé d'Aulnay Pradelle ordonne, va se nouer l'amitiè indéfectible entre deux hommes, deux Poilus, Albert Maillard et Edmond Péricourt. Deux hommes pourtant aux profils si différents mais dont les stigmates d'après-guerre vont unir pour se sortir de cette guerre.

  Revenus meurtris du front, dans une France qui ne les attend pas, les deux compères vont alors monter une gigantesque arnaque pour se donner encore le goût de vivre et pour se venger de ce qu'ils ont subis.

En parallèle de cette intrigue, dans cet après 14-18, une deuxième trame est tissée autour du lieutenant devenu capitaine, Henrid'Aulnay Pradelle.

  Difficile de dévoiler plus de ce magnifique roman "Au revoir là-haut"...traité un peu comme un polar, le livre offre de multiples rebondissements, des scènes d'une émotion terrible, une galerie de personnages dont la psychologie est largement décrite, le tout dans un contexte historique superbement restitué. Le style est brillant, parfois l'auteur se permet une drôlerie, (et ça m'a rappelé Echenoz !)

Et même si la fin est un peu traitée rapidement, - celle de cette critique  sera elle sans finesse...-, ce livre de Pierre Lemaitre est un ...coup de maître ! (bof, bof...)

 

PS: et alors que je terminais cette lecture, par le plus grand des hasards  et pour en renforcer l''ntensité, je visitais le cimetiére de Saint-Laurent Blangy (prés d'Arras). D'un côté les anglophones et de l'autre, plus de 30 000 soldats allemands. Absolument édifiant et tragique...un lieu de mémoire assurément.

 

 

 http://www.cheminsdememoire-nordpasdecalais.fr/les-chemins/le-front/necropole-militaire-allemande-de-saint-laurent-blangy.html

 

 

 


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posté le 24-09-2016 à 06:35:49

Pike de Benjamin Whitmer

 

  

  Je n'ai pas eu un énorme plaisir à lire ce polar et cela se vérifie car je n'ai pas une envie démesuré de me jeter sur l'écriture de la critique. Pas d'envie de conseiller la lecture de ce roman.

  Bon, pourtant "Pike" c'est accrocheur et les précédents titres que j'ai lus dans cette collection laissait présager un bon moment...

  L'histoire se déroule en plein coeur des Etats-Unis sales et glauques, Cincinnati ne fait pas rêver: ville industrielle, pauvre et au tiers peuplée de noirs américains. Benjamin Whitmer y trouve les éléments de son polar plus noir que noir. C'est d'ailleurs la qualité essentielle de ce roman: l'ambiance générale. Le style et l'atmosphère de l'auteur sont souvent comparés à ceux d'un maître du noir, Jim Thompson.

  Tout commence avec une bavure policière qui met un quartier noir à ébullition : c'est à cause de ce sale flic véreux appelé Derrick Krieger qui préfère faire justice lui meme. Et puis, on enchaîne directement avec le fameux Pike - ancien truand reconverti dans les petits boulots et petites combines- qui apprend la triste nouvelle de la mort de sa fille Sarah...par overdose. Une fille camée et qui, de temps à autre, se prostituait et qu'il avait abandonnée des années auparavant. Bon, mauvaise, très mauvaise nouvelle, d'autant plus que Pike se voit récupérer sa petite file Wendy (la fille de Sarah donc...), jeune ado au fort caractère. La problématique est donc là : s'il ne s'est pas occupé d'elle durant sa vie, Pike va devoir mené l'enquête pour élucides les causes de la mort de sa fille. Aidé d'un jeune boxeur Rory qui combat dans des salles obscures et rêve d'un destin professionnel, le héros va donc croiser le monde des truands et de la prositution, obligé de s'allier à des véreux, tout une galerie de personnages scabreux et misérables.

  Composée de courts chapitres, le livre est bien rythmé, mais je n'ai pas trouvé une véritable continuité dans l'histoire. L'écriture de Whitmer est sèche et parfois affutée comme une lame de couteau. Quelques passges sont cinglants et la mise en scène noire est très cinématographique. mais...je dirais que trop de "sombritudes" fait qu'on n"y croit plus d'autant que l'intrigue n'est pas fabuleuse. 

  Bon, finalement, le "noir" ...c'est terne ! 

   

 


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posté le 06-08-2016 à 07:18:18

Family Life d'AKhil Sharma

 

 

C'est à l'occasion de mes vacances en Irlande que j'ai découvert ce livre. Descendant pour faire chauffer l'eau du café dans cette maison AirBnb, -il fallait utiliser la cafetière à piston-, je me rendais dans le salon de Caroline (mon hôte). Je balayais alors du regard l'ensemble de sa bibliothèque, m'intéressant aux objets décoratifs, aux photos, à son univers. Posé à plat sur une pile, je me saisissais du petit livre jaune et en lisais la 4ème de couverture.

  Quelques jours plus tard, je me retrouvais nez à nez avec le même ouvrage dans une librairie de Sligo, au Nord-Ouest de l'Irlande. Je n'hésitais plus, mon destin croisant par deux fois l'auteur Akhil Sharma, j'achetais le livre en V.O.

  Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu de livre en anglais (le dernier devant être un Agatha Christie..), l'idée me plaisait bien d'autant plus dans le contexte du voyage. Et puis l'histoire démarrait d'Inde... 

  Family Life est l'histoire -en grande partie autobiographique- de la famille Mishra, une famille indienne qui émigre aux Etats-Unis. Tout d'abord le papa s'installe seul puis un an plus tard, il fait venir sa femme et ses deux enfants, Birju et Ajay. L'histoire de cette immigration est racontée à la 1ère personne par Ajay, qui a 8 ans au début du roman.

  Changer de vie, améliorer sa vie, ce sont les moteurs de la famille Mishra. Mais passer de la société indienne et hindouiste au modèle américain n'est pas chose aisée. Déjà, pour le jeune Ajay, faire un trait sur son passé, abandonner ses jouets et ses grands-parents lui parait bien compliqué. L'arrivée aux USA le plonge dans un monde qui apparait comme une fiction, comme s'il était dans un film, s'étonnant des ascenseurs ou de la hauteur des immeubles, on pourrait imaginer que les Etats-Unis sont un monde féérique et idyllique, Malheureusement, et alors que le grand frère Birju connait une belle réussite scolaire, un accident terrible va transformer la vie de toute la famille. Ne supportant plus leur destinée tragique, les parents se déchirent: le pére se met à boire excessivement tandis que la maman se replie sur le pauvre frére handicapé. Confronté au racisme et au  retranchement communautaire -les passages concernant les rites et croyances religieux sont excellents-, Ajay fera tout pour réussir sa scolarité et sa vie...mais l'ascension sociale est-elle synonyme de bonheur? 

  Family Life m'a vraiment plu, et pas seulement comme exercice de lecture en anglais. Le fait que ce soit un récit autobiographique et qu'il évoque l 'Inde n"est pas étranger å cela. Akhil Sharma fait passer beaucoup d'émotions dans ce roman et surtout l'amour entre les 4 membres de la famille est intense malgré la tragédie qui y est vécu. Une très bonne lecture surprise, je le recommande ...en attendant qu'il soit traduit en français..!

 

 


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posté le 18-06-2016 à 07:25:34

Exécutions à Victory par S. Craig Zahler

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 Un roman de la collection Neonoir de chez Gallmeister on ne peut plus ...Noir à tel point que l'on se retrouve à la limite du roman un peu glauque et dégoulinant, le mot exact qui me vient serait "trash"...a-t-il une traduction en français?. Ames sensibles s'abstenir.

 

  L'inspecteur Jules Bettinger est le héros de cette histoire violente. Suite au suicide d'un de ses prévenus (le beau-frère du maire...) dans son bureau, Bettinger est muté loin de l'Arizona.  

Pas facile de quitter le soleil du sud des Etats-Unis avec toute sa petite famille pour rejoindre la ville glaciale de Victory dans le Missouri. L'annoncer à sa femme n'est pas une chose facile mais Bettinger ne mâche pas ses mots et voici le tableau qu'il lui présente: "Le nom de la ville c'est Victory. Pense au pire bidonville que tu aies jamais vu, chie dessus depuis quarante ans et tu auras une idée de ce à quoi ça ressemble." Voila, c'est dit ! Finalement, et vu l'irrévocabilité de la chose, le départ est décidé et pour préserver un peu sa femme Alyssa et les enfants Gordon et Karen, la famille s'installe à Stonesburg situé à 120 km de Victory.

  La prise de contact avec son supérieur le capitaine Zwolinski montre à quel point on ne rigole pas à Victory. Bettinger, qui est un flic expérimenté et intelligent, se voit associer un des pires flics du commissariat, le dénommé Dominic Williams qu'on a rétrogradé au rang de sergent. Pourquoi? Nous l'apprendrons plus tard. Zwolinski lui indique également qu'il ne chômera pas dans cette ville où règne les gangs et la violence et où on a plus de chance de rouler sur un pigeon mort que dans une flaque d'huile...Le premier dossier à traiter sera donc un meurtre qui s'est transformé en actes multiples de nécrophilie! Cette première sombre histoire donnera une idée du ton du livre et de l'ambiance de violence et de chaos qui règne à Victory. Puis Bettinger et Williams vont alors être diligentés sur l'enquête de deux flics assassinés. Les exécutions promises dans le titre vont vraiment commencer...et alors là...l'auteur Zahler passera à la vitesse supérieure pour terminer par moments dans une presque sauvagerie (ce fameux côté "trash" du roman....). 

  Ce roman est assez atypique car donc extrêmement violent, voire "gore". L'auteur oscille entre un roman noir réaliste et des passages où il se régale et se complait à décrire le chaos urbain et la brutalité des gens qui y habitent...et c'est parfois un peu trop à mon avis. Les chapitres sont courts, c'est très fluide, notamment avec pas mal d'humour et de métaphores originales. Les scèes d'action dans la première partie du livre sont très cinématographiques, Toute la première partie du livre est haletante, l'inspecteur Bettinger est un personnage très crédible, très professionnel et aussi sensible vis-à-vis de sa famille. Le duo qu'il forme avec son équipier Williams est très complice bien que rival et rappelle quelques couples célèbres que l'on peut croiser dans des films ou séries.

Toute la dernière partie du livre par contre est assez ennuyeuse, une chasse à l'homme où l'on se perd dans le froid et dans un univers de fin du monde aux abords de Victory. La succession de paysages glauques  et la morbidité permanente font qu'on a alors hâte d'arriver au dénouement. S.Craig Zahler aurait peut-être dû raccourcir et "pasteuriser" son récit...

 Donc du bien et du moins bien pour ce polar qui a des qualités tout de même et qui est vraisemblablement destiné à être adapté au cinéma...pour amateurs de thrillers et d'émotions fortes !

 


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posté le 06-05-2016 à 06:50:58

L'étrangleur d'Edimbourg de Ian Rankin

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 Ian Rankin est un auteur écossais spécialiste de la littérature policière dont j'ai lu quelques titres avant l'ouverture de mon blog. Il y eut notamment "La colline des chagrins" ou plus récemment "On ne réveille pas un chien endormi". Je lus aussi autrefois "L'étrangleur d'Edimbourg", premier volume publié en 1987.

 

  Pourquoi relire ce livre...? C'est une question, (...bonne, non car on s'en fiche un peu) et elle serait sans doute irrésolvable pour le fameux flic ténébreux de la série de livres écrits et mis en scène par Ian Rankin.

  John Rebus a tout de l'anti-héros: buveur de whisky, fumeur invétéré, peu respectueux de sa hiérarchie, c'est un personnage à part, solitaire, blessé par la vie. On lui connait un passe temps: noyer ses sombres pensées dans les pubs d'Edimbourg. Ancien militaire des forces spéciales, les souvenirs de l'armée le hantent. 

  Le livre commence par des enlèvements de petites filles. Deux, puis bientôt trois sont enlevées et tuées sauvagement par étranglement... Rebus est donc largement concerné par l'affaire puisque à chaque crime, il reçoit un message du tueur, à savoir une cordelette avec un noeud (d'où le véritable nom du roman " Knots and crosses"). L'assassin veut entrer en communication avec lui...mais pourquoi? Et pourquoi lui?

Inutile d'en dire plus sinon que le lien est probablement lié au passé de John Rebus. On cherche à lui faire payer quelque chose surtout que la quatrième vitime n'est autre que sa....mais déjà, j'en ai trop dit.

   Mettant en place (peut-être sans le savoir vraiment), les pièces récurrentes d'une série à venir, l'écrivain présente également d'autres personnages: à commencer par le frère de Rebus, Michael Rebus qui est un hypnotiseur assez connu; le coéquipier de Rebus, Jack Morton; la policière chargée de la communication avec la Presse et avec qui il a une liaison, Gill Templer et le journaliste Jim Stevens qui lui, a repéré un drôle de trafic de la part du frère de Rebus. Tous ces personnages gravitent autour du héros et de l'intrigue mais sans être véritablement essentiels.

 Parallèllement à cette trame et et à l'enquête menée, Ian Rankin nous fait part de son lien avec sa ville Edimbourg, même si les lieux sont présentés succintement. On trouve dans ce roman de rapides descriptions des quartiers et de la misère d'Ecosse, loin des zones touristiques de la ville.

  Un bon roman pour entamer la série des Rebus avec une intrigue intéressante -jusqu'où va aller le sérial killer?-, un mobile très en lien avec notre héros, une ambiance réaliste assez noire. Peut-être est-ce un peu court et trop d'entrées à la périphérie du héros sont présentées sans être développées: la personnalité de Rebus est très détaillée mais finalement, il n'agit pas beaucoup dans la résolution de l'affaire.  

  "L'étrangleur d'Edimbourg" entame la série des Rebus avec réussite; naturellement, c'est un peu comme un premier album d'un groupe de rock qui cherche son style, ça manque un peu de matière mais laisse augurer d'un bel avenir. A lire une fois, mais peut-être pas deux comme je l'ai fait ! 

 


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posté le 19-04-2016 à 05:39:38

L'enfer de Church Street de Jake Hinkson

 

Vraiment un superbe thriller ...un roman qui s'avale d'une traite ou deux. publié chez Gallmeister dans la collection "néonoir", il a la particularité de posséder une couverture cartonnée légérement plastifié et douce comme une feutrine et très agréable à toucher. Une véritable addiction sensitive !!!

  L'histoire démarre à cent à l'heure et dès la troisième page le contexte du roman, de tout le roman, est donné.

  Un repris de justice qui sembl être un vrai méchant décide de braquer quelqu'un. Il trouve sa victime sur le parking d'un supermarché: ce sera un...gros, "trop gros pour pouvoir porter des vêtements normaux".  Mais naturellement, la victime nommée Geoffrey Webb n'est pas la victime idéale car elle refuse d'être dépouillée sans une certaine contrepartie. Montant dans sa voiture, un pistolet  pointé sur lui,  Webb propose à son agresseur: " C'est qu'il faut que vous compreniez, c'est que je n'ai rien contre l'idée de vous donner de l'argent. Je peux vous donner trois mille dollars tout de suite. Mais je veux quelque chose en échange. ...Juste me tenir compagnie un moment. Oui. Je dirais trois ou quatre heures, au plus." Les deux hommes vont alors quitter l'Oklahoma pour la petite ville de Little Rock située dans l'Arkansas (...géographie à réviser!).

 L'histoire de " L'enfer de Church Street" va donc être la confession de Geoffrey Webb, le récit d'un jeune homme tourné vers la religion -et à priori le "bien"- qui va raconter comment l'amour porté à une jeune fille va le pousser à vivre la spirale de la violence et l'horreur. Un livre haletant, épatant, qui nous entraine dans cette dérive du "jusqu'où..?"...

 J'ai adoré ce roman noir, très psychologique où le narrateur partage son récit entre les faits du passé et ses réactions sentimentales et psychologiques. Un court extrait, sans rien dévoiler, suite aux prémices du bain de sang: " La véritable importance de tout cela ne m'apparut que plus tard, mais tandis que j'étais allongé là, pendant les premières heures silencieuses du jour,...je ne parvenais pas à chasser cette idée de mon esprit. Je n'étais pas pétri de culpabilité, comprenez-moi bien. J'aimerais bien dire que je l'étais, mais ce n'était pas le cas....Il se trouvait juste que ça s'était passé comme ça. Et j'y pensais en ces termes....Je ne parvenais pas à croire que c'était arrivé.

  Et pourtant si.

  Allez-y alors, n'hésitez pas à vous faire happer par ce livre vraiment très fort. Du Ellory à son meilleur niveau, un peu de cinéma comme peuvent le faire les frères Cohen (la description d'une certaine Amérique puritaine)...c'est un livre inoubliable ! 

  A noter une autobiographie de l'auteur sur le site de Gallmeister

http://www.gallmeister.fr/auteurs/fiche/58/jake-hinkson 

 


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posté le 27-03-2016 à 05:59:40

Envoyée spéciale de Jean Echenoz

 icones  

  Un des plus volumineux roman de Jean Echenoz, ça fait du bien ! 300 pages, on n'est plus habitué ! L'auteur nous offre 300 pages en passant par Paris, la Creuse et la Corée du Nord. Il faut déjà reconnaître l'atypisme des lieux.

  L'Envoyée Spéciale s'appelle Constance et c'est cette femme dont on va suivre le destin pendant un an. "Je veux une femme, a proféré le général." Kidnappée, Constance, qui mène une vie plutôt ennuyeuse dans les beaux quartiers de Paris, va découvrir la vie de séquestrée, entourée par des geôliers bruts de décoffrage, les finalement sympathiques Christian et Jean-Pierre. On ne sait pas trop si cet enlèvement est lié à la criminalité ou à une toute autre raison au début du livre, en tout cas, on demande une rançon auprès de son mari, le dénommé Tausk, une sorte de pendant de Patrick Hernandez -le fameux compositeur de Born to be alive-. Un Tausk que l'inspiration a fui et qui ne trouve plus les clefs des mélodies qui fonctionnent...pas plus qu'il ne cherche à payer la rançon d'ailleurs, suivant les conseils de son demi-frère Georges-Hubert Coste, un riche avocat extraverti. 

  Constance se retrouve à la campagne et voici Echenoz qui nous régale.

" Nous revoici dans le département français de la Creuse. Avant-dernière dans le classement national des densités de population, la Creuse compte de vastes pans inoccupés voire, dans le sud, quasiment déserts. Les landes y alternent avec les hauts plateaux, les forêts avec les tourbières. Il n'y a personne, rien à manger pour personne, que des champignons en automne, mais nous ne sommes pas en automne et nous nous méfions des champignons, ainsi que des baies que seuls savent choisir les partisans  du retour à la nature. En forêt, hormis quelques bêtes sauvages, -loups sans affect, cerfs ombrageux, sourcilleux sangliers - qui cherchent elles aussi de quoi manger, vous-même à l'occasion, il est d'autant plus rare de croiser une présence humaine que la région se dépeupleà vue d'oeil. Et moins il y a de monde, on le sait, plus il y a de forêt." Juste un extrait pour dire que l'auteur n'a rien perdu de sa qualité d'écriture, de son style inimitable et de sa dose d' humour que l'on retrouve tout au long du roman.

  Délaissant par moments la Creuse, l'action du roman se situe alors à Paris et on suit les errements de la vie de Tausk - notamment à travers la complicité d'avec son parolier dépressif Franck Pélestor; pour les deux hommes comme je le disais, c'est la panne musicale. On remonte aussi le temps et un autre personnage atypique lié au tumultueux passé de Tausk va réapparaître, un certain Clément Pognel. Celui-ci va reprendre contact avec Tausk par l'intermédiaire de sa coiffeuse remplaçante, Marie-Odile Zwang. Et puis, on retrouvera Pognel bien plus loin dans le livre, mais inutile d'en découvrir plus...

  Les actions s'enchainent et on se délecte des croisements des multiples personnages inventés par Echenoz: la pauvre et effacée Lucile, son amie Nadine Alcover, un agent des renseignements nommé Lessertisseur, un autre espion qu'on nommera, en fonction, Paul ou Victor Objat, un conducteur de bus bricoleur appelé Hyacinthe...galerie non-exhaustive qui garnit ce roman d'espionnage au scénario digne du Tarantino de Pulp Fiction ! (la comparaison s'arrêtera là...par moment, on est plutôt proche des Tontons Flingueurs !)

  Les chapitres sont assez courts et denses, ponctués de dissensions menées par le jeu de l'écriture et l'amour des mots. Et puis souvent, pour terminer ces chapitres, Monsieur Echenoz achète la complicité de son lecteur en s'adressant à lui directement, le prenant à témoin pour telles considérations ou prises de position dans le cours de l'histoire. Personnellement, j'adore !

  Le livre se termine de façon rocambolesque en Corée (du Nord? du Sud? à vous de lire...) et puis par le passage en revue de la majorité de ses personnages après toutes ses péripéties. On a passé un bon moment et peu importe si on ne sait si Tausk trouvera l'inspiration au Zimbabwe ou ailleurs, ni non plus si Constance continuera ses aventures avec l'homme qui l'aborde et lui demande son chemin pour la rue Pétrarque...le voyage est fini, vivement le suivant !

 


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posté le 23-02-2016 à 21:44:35

Flaubert à la Motte-Picquet de Laure Murat

 

  Un livre offert (...merci !) qui a surtout le mérite d'être court. C'est dommage d'écrire cette première phrase péremptoire qui casse un peu ce minuscule opuscule car son sujet était très prometteur. Mais je l'ai trouvé vraiment mal traité (maltraité?) ...et pourtant son auteure est professeur d'université. 

  Laure Murat propose de nous faire découvrir ses pérégrinations dans les métros de Paris, (principalement) Los Angeles et New York (rapidement) en répertoriant les livres lus par les passagers.  Elle nous confie d'ailleurs dans le chapître 1 qu'elle a piqué l'idée en regardant par-dessus l'épaule d'un voyageur du métro qui notait dans un carnet les titres des livres de ses voisins de banquettes.

Le bandeau de la jaquette dit pour nous allécher "Qui lit quoi dans le métro? Je m'attarde sur les quais, je rôde dans les couloirs avec des yeux de mouche...". Et bien Laure Murat aurait bien fait de flâner un peu plus...de s'attarder un peu plus sur les quais et tout simplement de prendre plus souvent le métro !!!

  Cela lui aurait permis d'être plus concentrée sur son sujet et de moins  discourir dans tous les sens et parfois carrément hors contexte ! Son propos est aussi tellement critique, aigri et râleur...Tout y passe: la littérature Harlequin (Madame Murat nous fait savoir qu'elle consulte Wikipédia pour savoir qui est Nora Roberts, sans doute est-elle tellement au-dessus de ce genre littéraire...?), la bibliothèque nationale de France est qualifiée d'immonde; notre auteure règle ensuite ses comptes avec les écrivains Eric-Emmanuel Schmidt à qui elle donne des conseils de scenario et à David Foenkinos à qui elle consacre un chapitre entier pour le vilipender pour son comportement lors du salon du livre (!); pire, au chapitre 17, elle prend même un lecteur de Foenkinos à témoins pour le dézinguer...; la SNCF en prend aussi pour son grade lorsqu'elle compare la durée de son trajet de Montmartre à Blois à un vol pour New York. Affligeant.

  Il y a aussi ses prises de position, ses points de vue qui n'engagent qu'elle (l'intérêt pour les tablettes, la fin annoncée de la télévision...?) Et aussi un manque de poésie, de simplicité évident dans l'écriture. Un chapitre est lamentable c'est le 7ème qui commence par ces mots "J'avais besoin d'un titre." Deux pages (heureusement les chapitres sont courts...) à accoler de grands écrivains français à des stations de métro  (Rimbaud à Bir-Hakeim, Aragon à Stalingrad...).

  J'ai aussi beaucoup détesté le chapitre12 où Laure Murat rapproche ses relevés (elle a comptabilisé 172 livres dans le métro) d'une étude IPSOS faite quelques mois plus tard et qui analyse le lectorat français. Des statistiques donc...mais quel est l'intérêt?

  Le chapitre 15 aborde le "reading"...où elle nous explique vaguement ce que peut être la "distant reading" et la "close reading"...très didactique, certes. Mais peu intéressant, le lecteur n'est pas sur les bancs de l'université de Californie.

  Bon j'arrête, j'essaie de positiver. J'ai bien aimé ces mots page 49 quand l'auteure revient à Paris mais ne s'y sent plus très bien. " Paris est devenu un décor, trop intime pour être surprenant, trop distant pour être familier. Je n'ai ni la mélancolie de l'autochtone, ni le frisson de l'autochtone. Me voilà à la pliure de la page, zone franche."

  A mon sens, il y avait vraiment vraiment mieux à faire avec ce thème, il aurait fallu vraiment se pencher derrière, au-dessus des épaules de lecteurs. J'aurais tant aimé voir de l'humanité derrière ces livres lus dans le métro, lire des lignes qui imaginent des vies associées à des lectures. Et même si Laure Murat s'en rend compte page 58 " Il faudra que je fasse plus attention aux lectrices et aux lecteurs". C'est alors trop tard pour un bien triste aveu.

 


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christineb  le 20-03-2016 à 21:34:46  #   (site)

Je me souviens d'une époque où dans le métro parisien, beaucoup lisait un livre, souvent un livre de gare, mais aussi les Éditions de Minuit ou Gallimard. C'est vrai qu'avec les smartphones ou les tablettes on ne sait plus qui lit quoi. Est-ce moins bien ou pareil? Je n'en sait rien. Merci pour vos articles, toujours intéressants.

 
 
posté le 22-02-2016 à 22:04:57

A l'intérieur du camp de Drancy d'Annette Wievorka et de Michel Laffitte

 

  Ce livre particulièrement bien documenté raconte l'histoire des 80 000 personnes définies comme juives qui ont séjourné dans le triste camp de Drancy. Annette Wievorka est directrice de recherche au CNRS et est une spécailiste du génocide sur les juifs en France.

  A l'origine, le camp de Drancy est situé dans une cité (la cité de la Muette) construite dans les années 30 (et détruite en 1976) dans le but d'améliorer les conditions d'habitat de centaines de personnes. Ce sont les premiers gratte-ciel français. Le projet est ambitieux pour l'époque: 5 grandes tours de 14 étages sont baties côte à côte avec alignés dans un axe perpendiculaire, 10 immeubles plus petits et une grande cour en forme de "u" terminant l'ensemble. Même si la cité constitue pour l'époque une avancée en terme de qualité de logement (eau courante, chauffage, évacuation des déchets, ascenseur...), elle ne sera pas réellement fonctionnelle et utile, notamment à cause de la crise économique qui rend la location des logements inabordables pour les ouvriers. D'autre part, la finition laisse à désirer, les blocs de béton se désolidarisant de la charpente métallique, le système de chauffage ne résistant à l'hiver 39 rigoureux...

  Après avoir logé principalement des gendarmes, la cité de la Muette devient en juin 1940 le Frontstalag 111 permettant aux soldats de la Wehrmacht de se loger. Puis, rapidement, des prisonniers de guerre français et anglais y seront internés avant que la cité (équipée de miradors et entourée de barbelés) ne devienne un camp d'emprisonnement. L'auteure donne le nom de "camp de représésailles" au camp de Drancy pour la période allant d'août 1941 à juin  1942. 

  Ce camp que l'on estime "pire qu'à Dachau" renferme jusqu'à 4000 hommes (les femmes et enfants seront emprisonnés plus tard) qui vont vivre dans des conditions particulièrement inhumaines: avec des rations alimentaires insuffisantes pour subsister, sans chauffage, sans hygiène, sans soin (la tuberculose s'y développe, il y a des épidémies de diarrhée). " ...les hommes conservent leur linge de corps et prennent leur repas dans des boîtes de conserve vides, rouillés, en se servant des doigts...". Dans les chambres surpeuplées, les lits sont remplis de punaise. La Croix-Rouge essaie d'intervenir mais c'est insuffisant. A ces conditions de vie s'ajoute le problème du marché noir nourri par le système pervers mis en place par les nazis. Ceux-ci permettent l'envoi de colis (cigarettes, pain, savon...) aux détenus qui monnaient alors la moindre denrée. Au passage, les gendarmes français se servent aussi. Drancy est le lieu de tous les trafics, subsister est primordial.

  Les nazis vont permettre à l'UGIF ( union générale des israélites de France) de remplacer la Croix-Rouge pour pallier aux éventuels services de l'état Français: visite, prise en charge des soins et hospitalisation, ravitaillement par les colis. Ce système mis en place par les allemands est d'autant plus pervers qu'il fait penser que les juifs sont eux-mêmes responsables de leurs atroces conditions. Et qu'à l'intérieur du camp,  les dissensions peuvent se créer entre les différentes communautés de juifs. Tout le monde n'est pas "logé" à la même enseigne, notamment pour les premières déportations... il y a les Juifs des Pays de l'Est, ceux des pays alliés à l'Allemagne, les Juifs Français et ceux qui sont mariés à des Aryens qui eux, peuvent espérer échapper à la déportation.

  A partir de juillet 1943, le camp de Drancy devient un camp de déportation. C'est sous la houlette d'un officier SS Aloïs Brunner nommé par Eichmann que le camp va prendre une nouvelle forme: les gendarmes français sont chassés, les SS décident de placer une administration juive pour gérer le camp. Ils entreprennent des travaux pour le rendre fonctionnel. Les juifs sont classés (A,B, C1 à C5, D,E,F), ce qui place certains en position imminente de départ pour Auschwitz ou ailleurs et protège d'autres. La terreur est de mise, les brutalités nombreuses, c'est par la violence que les SS organisent les déportations. Des trains bondés (c'est environ 1 000 personnes- hommes, femmes, enfants_- à chaque départ) prennent la direction de l'Est pour une "évacuation", en tout près de 80 000 juifs seront déportés et cruellement assassinés. La Shoah aux portes de Paris.

  A la Libération, retournement de situation, le camp de Drancy deviendra alors un camp pour les "collaborateurs" qui seront sans doute mieux traités que les précédents occupants ...A partir de 1946, Drancy servira de logement collectif. Réhabilité, le lieu devient par la suite un véritable enjeu de la mémoire historique, - la SNCF est même mise en accusation pour son rôle dans la déportation des Juifs de France; finalement y sera construit un Centre sous la rsponsabilité du Mémorial de la Shoah qui présente l'histoire du camp de Drancy.

  Une histoire terrible qu'il ne faut pas oublier. 

 


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posté le 31-12-2015 à 05:13:24

Monsieur le commandant de Romain Slocombe

 

 

  La collection "Les Affranchis" des éditions du NiL fait une demande à ses auteurs: "Ecrivez la lettre que vous n'avez jamais écrite."

  Pour ce roman, la lettre est adressée au Sturmbannführer H.Schöllenhammer d'Andigny (Eure) le 4 septembre 1942 par un écrivain français membre de l'Académie Française, le renommé Paul-Jean Husson.    Cet homme de lettres est un partisan du Maréchal Pétain et exprime de forts sentiments antisémites. Pour situer le contexte, le processus d'extermination des juifs est déjà engagé et ceux-ci, à la date de la lettre, sont tenus de s'être faits connaître et doivent porter l'étoile jaune.

 Le contenu de la lettre écrite par Husson est en fait le récit de la vie de la famille Husson depuis 1932, date à laquelle la splendide blonde allemande Ilse Wolffsohn rencontre Olivier, le fils de Paul-Jean Husson. Jusqu'à 1934, tout va bien et même très bien puisque l'écrivain obtient le succès littéraire et la reconnaissance de ses pairs; par ailleurs, il devient grand-père. Olivier et Ilse - une femme qu'il trouve splendide- se marient et ont leur premier enfant, Hermione.

  Et puis, deux tragiques événements viennent endeuiller la famille Husson: les morts de la femme et de la fille de Paul-Jean Husson. Tragiques, terribles pertes de ces êtres chers, mais finalement, ce ne sont que des détails comparativement à ce qui va suivre dans le roman. 

  Le climat politique est de plus en plus tendu (1936) et l'écrivain devient farouchement antisémite et anti-communiste. Pour lui, les Allemands et Pétain ne sont donc qu'une conséquence bienheureuse à la situation de la France. Parallèllement à cela, sa petite fille Hermione, qui ne ressemble pas à sa mère mais qui -selon lui- aurait des traits dit juifs, pose le problème des origines de Ilse. Husson va donc dépêcher des détectives en Allemagne pour en savoir plus sur la famille Wolffsohn. et il se trouve que la famille Wolffsohn est juive...

  Que va donc faire Paul-Jean Husson avec ses profondes convictions politiques antisémites? Dénoncer sa bru ? Ce serait terrible d'autant plus qu'il finit par tomber sous le charme de la jeune allemande...La protéger alors des SS et de la milice française qui traquent les juifs?

  Je n'en dis pas plus sur le dénouement de l'histoire car elle est pleine de suspense, d'un terrible suspense et les événements narrés vont finir par être dérangeants. Les chapitres 22, 23, 24 sont d'une intensité et d'une grande violence alors que la fin est psychologiquement difficile.

  Bien documenté et raconté comme une confession, ce livre épistolaire ne laisse pas indifférent par le malaise qu'il produit. Et on est sûr et certain que Romain Slocombe n'avait jamais écrit une telle lettre auparavant. Mission...missive réussie !

   

 


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christineb  le 01-01-2016 à 21:19:44  #   (site)

Des livres passionnants effectivement, même si a priori j'aurais choisi le précédent: mais c'est effectivement peut-être juste une histoire d''a priori. Bonne année et bonnes lectures, continuez à nous faire découvrir d'autres livres!

 
 
 

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