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Titre du blog : Le pivot d'Héricy
Auteur : laugo2
Date de création : 12-04-2009
 
posté le 24-12-2016 à 05:35:24

Vera Kaplan de Laurent Sagalovitsch

  

 

 

 

Cher Laurent,

  Désolé pour toi Laurent (on est frère de prénom, ne t'en déplaise), Monsieur Sagalovitsch ( un peu de civilité tout de même...), je ne serai pas aussi dithyrambique qu'à l'accoutumée après la lecture de ton nouveau roman "Vera Kaplan".

  En 1996, il y a 20 ans déjà,  tu publiais "Dade City" et je lisais ta première parution après m'être délecté de ta trilogie. J'y avais noté ceci, à savoir que quand tu ne mettais pas de toi-même dans le récit, j'y prenais moins de plaisir...Avec Vera Kaplan, et meme si c'est un sujet qui te touche et ô combien compliqué...je suis resté un peu sur le bord de la page. Le sujet? Possible.

  C'est lors d'un petit séjour à Bruxelles que je découvrais ton nouveau roman au bas d'un rayonnage de la FNAC, -tu mérites tout de même la tête de gondole- et je m'enthousiasmais de pouvoir te lire à nouveau.

  Ce livre, immédiatement chéri entre mes mains, je ne résistais pas à la tentation d'en lire les premières pages dès la première bière hors les murs de la Fédération Nationale d'Achats. Le résumé au dos était saisissant: il me faisait comprendre que tu t'étais attaqué à raconter la vie de Stella Goldschlag durant la guerre 39-45, une femme juive qui a dénoncé d'autres juifs pour pouvoir vivre.

  Tout de suite, je retrouvais ton style et un peu de toi dans l'annonce de ce roman. C'était bien de parler avec nostalgie de "ta" mère disparue, beaucoup d'émotion transparaissait quand tu lançais le roman; la réception de cette lettre venue d'Allemagne destinée à "ta" maman qui t'apprenait le décès de sa mère: Vera Schwartz alias Vera Kaplan ( alias Stella Goldschlag!).

  Il fallait remonter le temps et découvrir la vie délirante de "ta" grand-mère. C'était pas vraiment "ta" grand-mère, mais tu dois bien y avoir songé quand même pour écrire ce livre. C'était alors la première partie du livre: Vera parle longuement -un peu trop peut-être? à sa fille Paula : il y a un peu de tout alors...l'explication du contexte historique, la montée du nazisme, l'enfance de Vera, une confession post traumatique, une tentative de justification pour expliquer ses gestes et son "combat" peu glorieux et qui met mal à l'aise..." Et si oui, je les ai aidés en pleine conscience à remplir leurs wagons d'autres Juifs, c'est que je savais que ces Juifs-là avaient renoncé depuis bien longtemps à se comporter comme de véritables Juifs. La plupart d'entre eux, à l'image de mes parents, de mes amis, de mes fréquentations se cachaient juste pour retarder le moment où ils épouseraient leur mort. Cette mort, ils l' abritaient en eux. (...) Ce furent eux, les véritables complices, ce furent eux, qui par leur passivité criminelle colleborèrent avec leurs assassins. Eux et pas moi."

  Bon...difficile de juger, mais Vera Kaplan / Stella Goldschlag a-t-elle vraiment pensé ceci? Il y a de quoi ressentir un malaise à la lecture de tes lignes, Laurent, mais j'imagine que tu y as passé du temps à y réfléchir. 

  Dans la troisième partie du roman, tu nous emportes un peu plus fort, un peu plus loin et nous donnes le tournis puisque c'est le journal de Vera du 2 mars au 19 juin. On est en 1944 (?) à l'hôpital juif de Berlin. Vera a été arrêtée par la Gestapo avec ses parents et, pour éviter leur déportation, elle fera tout, tout ce qu'on lui sous-entend de faire, tout ce qu'elle peut faire, être la pire des êtres humains à s'en dégouter de vivre...dénoncer d'autres Juifs. C'est la partie du roman la plus terrible, la plus poignante et la plus réussie.

  Voilà Laurent ce qu'il me vient d'écrire. Ca n'a pas été simple car je suis un peu mitigé. Mon affection envers toi est toujours grande et j'adore ton style. Ton livre est aussi un bel objet, j'ai apprécié de l'avoir entre mes mains, il rejoindra tes autres opus dans ma maigre bibliothèque. Même si j'aime les récits historiques romancés ou pas, le personnage ambigü et sa vie extraordinaire m'ont plongé dans des abîmes...Tâche s'il te plait de choisir un sujet plus drôle et moins épineux pour la prochaine fois (... l'ASSE?).

 

                                                 Affectueusement, Laurent.