Le pivot d'Héricy

Mes critiques littéraires

posté le 27-12-2015 à 22:57:11

J'avais huit ans dans le ghetto de Varsovie de Régine Frydman

 

 

 

 

Un livre extraordinaire sous forme de témoignage. Abram Apelkir nait en 1910 à Varsovie et raconte le périple de sa vie de juif durant la deuxième guerre mondiale. Tailleur dans les années 30, il fréquente le monde du spectacle et des gens d'un niveau social élevé : c'est ce qui lui permettra entre autre de réussir à vivre durant la guerre et les atrocités des nazis. Il faut rappeler que l'Allemagne envahit la Pologne en 1939 et commença alors son génocide envers les juifs. Auschwitz et Treblinka, sinistres camps d'extermination, sont situés à l'ouest et à l'est du territoire polonais.

Marié à Bella et père de deux filles en bas âge, Reina (Régine) et Natalia, toute la famille va devoir supporter de vivre dans le ghetto juif de 1940 jusqu'à 1944. Cachant  son identité lors de ses sorties pour faire du marché noir, Abram Apelkir va braver la mort des dizaines de fois pour nourrir les siens. Il va aussi connaître les violences physiques lors d'arrestations, les privations et la faim, subir les rafles des allemands lors de transport vers les camps dans des wagons à bestiaux, et, animé par une énergie et une force de vivre incroyable, il va toujours réussir à s'en tirer.

Ce livre sur l'holocauste est absolument à lire pour tous les passionnés d'Histoire, les curieux de l'extrême antisémitisme, ceux qui ne veulent pas oublier ce que peut être ou à pu être notre société, jusqu'où l'Homme-si l'on peut encore appeler comme ceci ces êtres barbares qui se sont livrés à de tels actes - a pu aller dans l'horreur. Certains passages sont très durs, bien sûr; on comprend mieux pourquoi beaucoup de juifs rescapés préféraient se taire car la réalité est à peine croyable.

Écrit à deux mains, ce texte est exceptionnel de véracité et de précision factuel. A lire absolument.

 

PS: j'ai eu la chance de lire ce livre lors de mon voyage à Varsovie, le récit n'en prenant que plus de sens. 

 


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posté le 28-11-2015 à 06:41:07

On ne réveille pas un chien endormi de Ian Rankin

 

  L'inspecteur Rebus est de retour et c'est tant mieux ! Le chien, c'est lui et il revient en force avec sa réintégration dans la brigade criminelle d'Edimbourg. Juste une interrogation me vient, c'est qu'on peut se demander pourquoi les traducteurs ne sont pas restés fidèles au titre original ...à savoir..."Saints of the shadow bible". Peu importe, le contenu en tout cas est très agréable à lire.

 

  Deux semaines pour cette enquête c'est le temps que mettra Rebus à résoudre l'énigme de cette histoire découpée en 14 journées de recherche.   Tout commence par un banal accident de voiture qui provoque l'hospitalisation d'une jeune fille, Jessica traynor, étudiante en Histoire de l'Art et fille d'un riche homme d'affaires anglais. Très choquée, la jeune fille ne semble pas avoir dit toute la vérité à propos de cet accident ce qui pousse Rebus et son ex-subalterne Siobhan Clarke -devenue sa supérieure hiérarchique- a enquêté auprès des jeunes amis co-locataires...Il se trouve que le petit ami de Jessica n'est autre que Forbes McCuskey, fils du ministre de la Justice et partisan du Scottish National party favorable à l'indépendance écossaise et que sa meilleure amie semble bien trop secrète pour être honnête ! Nulle crainte, Rebus va y voir clair là où d'autres passeraient à côté.

 Inutile de dévoiler toute l'enquête qui va prendre un degré d'importance supplémentaire lorsque le fameux ministre va être hospitalisé après le cambriolage de sa maison...y aurait-il un lien avec l'accident de voiture? 

  Rebus est un acharné mais malheureusement,on va lui mettre quelques bâtons dans les roues, -lui le simple sergent va même se faire retirer l'enquête-, empêtré dans une vieille affaire qui date de son entrée dans la police écossaise...une sorte de "casserole" qui traîne derrière lui.

  En effet, parallèllement à l'affaire McCuskey, Rebus va devoir répondre aux questions d'un enquêteur appelé Malcolm Fox, inspecteur en qui il n'a qu'une infime confiance. Ce Fox enquête sur ses débuts au CID (la crim' écossaise) et sur les méthodes peu orthodoxes employées à l'époque (les années 80) pour faire emprisonner les criminels. Vu l'ancienneté de la recherche, tous les autres membres de ce service (qui s'appelaient entre eux les Saints de la bible d'ombre...d'où le titre original!) sont soit morts, soit à la retraite...et il n'y a plus que Rebus qui peut faire le lien avec la très vieille affaire Saunders qui va revenir sur le tapis! 

  Voici donc les deux trames principales de ce polar vraiment captivant, raconté dans une ambiance très "scottish"; il y est beaucoup question d'indépendance, sujet brûlant au nord du mur d'Hadrien!-, et puis, Rebus ne manque jamais d'aller boire une bière I.P.A. au Pub et ça...c'est plutôt très typique ! De quoi étancher sa soif de lecture !

 


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posté le 09-10-2015 à 06:51:47

Jolie Blon's Bounce de James Lee Burke

  

 Cette histoire se déroule en Louisiane, berceau du blues cajun. D'ailleurs le titre du roman n'est autre qu'une vieille chanson (1946) de ce genre musical (violons, guitares, voix rocailleuse et ambiance moite...). (à écouter sur Youtube, c'est assez atypique !)

   Le récit commence par le meurtre sauvage d'une adolescente de 16 ans appelée Amanda. On la retrouve violée et assassinée dans un champ de canne à sucre. Tout laisse à penser que c'est un jeune looser noir, Tee Bobby Hulin; musicien de blues et drogué, qui a fait le coup.        Mais pour le flic Dave Robicheaux (le genre de policier solitaire, incorruptible et hanté par ses démons....alcool...guerre du Vietnam...) dont c'est la onzième aventure et pour sa coéquipière Helen Soileau, rien n'est moins sûr. 

  L'enquête démarre puis c'est au tour d'une prostituée, fille d’un mafieux local, de subir le même sort. Robicheaux fait des liens pour ces deux histoires, mais il devient de plus en plus difficile de croire à la culpabilité de Hulin. Par ailleurs, il se trouve que l’avocat du jeune suspecté Hulin n’est autre que Perry LaSalle, qui appartient à une riche famille de planteurs de New Iberia et qui dispose presque des pleins pouvoirs sur la région. Cette famille, les LaSalle, Robicheaux les connaît, et surtout, il connaît la sinistre réputation de l’homme qui fut leur contremaître autrefois dans la plantation: un être sadique nommé Legion Guidry. Voici donc le policier Robicheaux obligé de fouiller dans le passé pour résoudre cette affaire.

  Ainsi dans ce roman, l'auteur James Lee Burke puise au coeur de la Louisiane ce qui fait l'intérêt de cette intrigue policière: contexte social, racial et historique. Les personnages sont forts, certains personnages mineurs déroutent et étourdissent un peu la lecture ...sans compter que le policier Robicheaux est un sacré mec !

  L'Amérique du bayou tient en haleine, c'est au final un bon policier noir !

 

 


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christineb  le 13-10-2015 à 21:34:41  #   (site)

Contente de voir que vous reprenez vos articles. J'ai bien envie de lire ce livre.

 
 
posté le 01-05-2015 à 18:36:18

Expo 58 de Jonathan Coe

 

 

  Ce roman évoque l'exposition Universelle et internationale qui s'est déroulée à Bruxelles en 1958. Manifestation devant fédérer les peuples et promouvoir l'unité à la sortie de la guerre, l'expo 58 va être un haut-lieu de l'espionnage découlant de la guerre froide que se livre l'Est et l'Ouest.

 

  L'Angleterre comme chaque pays se doit d'y être représenter et c'est par l'intermédiaire du jeune et sympathique Thomas Foley qu'elle le sera. Faisant partie du Bureau Central d'Information et participant au projet de l'Expo, il sera choisi pour ses ascendances belges et pour le fait que son père tenait...un pub dans sa jeunesse !!!  Thomas Fowley est donc pressenti pour être le rapporteur des activités du "Britannia", le seul pub du site de l'Exposition Universelle de Bruxelles, événement destiné à la rencontre entre tous les peuples de la planète. Quel autre endroit qu'un lieu de débauche houblonné pourrait mieux permettre l'intrusion des agents secrets de l'Est ou de l'Ouest?

 Le héros, personnage plutôt discret menant une existence rangée, hésite un peu à accepter la mission et puis finit par accepter. Il va donc devoir quitter sa banlieue londonienne et sa famille à laquelle il n'est pas vraiment attaché. Sylvia, femme au foyer et jeune maman, n'est pas l'épouse de ses rêves et l'opportunité de voyager et vivre à Bruxelles l'emporte. Thomas, bien que culpabilisant à l'idée de partir loin du foyer est rassuré par la présence de son voisin, ce qui donnera lieu à des scènes très comiques et des quiproquos rigolos (...oh !oh!oh!ça rime !).

  Déboulant sur le Continent pour une durée de 6 mois, notre jeune et presque naïf héros ne va pas tarder à mener une existence plus palpitante, faite de rencontres internationales et d'épisodes comiques (...spécialité de l'écriture de Jonathan Coe). L'auteur fait alors approcher du jeune Thomas tout une galerie de personnages: la jeune Anneke, l'hôtesse blonde belge pour qui il craquerait bien mais..., un compagnon de chambrée et de pintes Tony -mais qui est aussi responsable technique de la ZETA (machine à fusion nucléaire...), un journaliste russe dénommé Chersky,(mais ne serait-il pas agent secret ?), deux agents secrets anglais assez typiques. Le lieu central du roman est donc le "Britannia", pub ou la bière délie les langues et où Thomas met la main à la pâte. Disons plutôt à la pinte d'ailleurs car le responsable Rossiter a bien du mal à tenir son bar jusqu'aux soirées. Et tout ce petit monde s'entrecroise dans cette atmosphère festive au milieu des enjeux de la guerre froide impliquant espionnage et contre-espionnage.

  Ce livre oscille entre sérieux et divertissement et est vraiment très agréable à lire. Le personnage de Thomas manque peut-être un peu de coprs mais ses rapports avec sa femme dans l'échange de leurs lettres est tout simplement hilarant !

  Sans atteindre la qualité des livres qu'il a écrits précédemment, Jonathan Coe signe ici un roman encore une fois très original, facile à lire dans un contexte un peu old-fashioned...un vrai bon moment de nostalgie!

 

 

 


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posté le 11-01-2015 à 21:18:19

Charlotte de David Foenkinos

1/2

 

Les cadeaux de Noël offrent toujours leur lot de surprises et celle-ci en est presque une bonne. Je ne pense pas qu'en cé début d'année 2015 derechef et de mon propre chef je me serai projeté vers les écrits de David Foenkinos, écrivain médiatique voire mondain il me semble. A ce titre et pour cette découverte, il est bien parfois de se sentir un peu guidé, de s'imposer une lecture proposée.

 

   Presque une bonne surprise oui, car à la sortie de la lecture de "Charlotte", je ne sais si ce livre m'a plu ou bien s'il me laisse un peu sur ma faim.

  "Charlotte " est écrit en vers. Enfin, plutôt en lignes, à savoir que Foenkinos s'est livré à un exercice de style. Voici un peu ce que cela donne:

Charlotte est à présent une jeune fille de seize ans.

Sérieuse, elle mène une scolarité très brillante.

On la trouve parfois mystérieuse.

Sa belle-mère la juge surtout effrontée.

Elles ne s'entendent plus si bien.

Albert est toujours obsédé par ses explorations médicales. 

 

  Evidemment, la lecture est donc un peu déroutante. La succession de ces courtes phrases majoritairement composées selon la forme sujet,/verbe/complément m'a littéralement happée lors de la prise en main du roman. Car chaque ligne, chaque vers souligne son unicité et revêt une véritable importance, les mots de chaque ligne semblent capitaux.

  Ce roman biographique retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre juive née en 1917 et morte en 1943 à Auschwitz. Forcément une histoire tragique. Au-delà du contexte historique, la vie de Charlotte, qui est une jeune fille tourmentée et solitaire, est fortement marquée par le destin familial, une sorte d'inéluctabilité du suicide: sa tante Charlotte tout d'abord, sa mère et aussi sa grand-mère...Elevée par un père trop absent, elle sera marquée par son premier amour dont elle se verra malheureusement séparée. Charlotte trouvera dans les Arts et dans la peinture un refuge pour lutter contre ses démons. 

  Ce qui fait l'originalité de ce roman est que David Foenkinos participe et intègre le récit en expliquant sa passion pour l'histoire de Charlotte. Il visite son quartier à Berlin, il marche sur ses pas dans le sud de la France, il essaie de retrouver les lieux de sa vie, des enfants de gens l'ayant connue mais...malheureusement, ces quelques petites interventions, une fois la surprise passée de ce décalage et ce saut dans le temps, laissent un peu sur leur faim.

  Comme ce roman...plus attaché à mon avis à la forme qu'au fond; j'ai un peu cru lire un devoir sur table évoquant la romance tragique de Charlotte Salomon avec des liens tirés tout droit de Wikipédia...

Mi-figue, mi-raisin donc pour ce roman qui a obtenu le Prix Renaudot et le Prix Goncourt des Lycéens 2014.

 

J’ai tenté d’écrire ce livre tant de fois

Mais comment ?

Devais-je être présent ?

Devais-je romancer son histoire ?

Quelle forme mon obsession devait-elle prendre?

Je commençais, j’essayais, puis j’abandonnais.

 David Foenkinos 

 

 

 


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christineb  le 14-06-2015 à 22:14:06  #   (site)

Je viens de lire ce roman et je suis aussi perplexe!

 
 
posté le 29-12-2014 à 21:13:28

La fille de mon meilleur ami d'Yves Ravey

  

 

 

Ce petit roman est vraiment une très bonne surprise. Un régal, absolument ! Surprenant et minimaliste par son style. Drôle et énigmatique par l'histoire et ses personnages simples mais venus de nulle part ailleurs. Sans doute la façon de les présenter de quelques attributs seulement. De les faire vivre et parler dans la narration. Il faut certes s'y habituer et ça fait ça:

" Elle m'a demandé si je regrettais la promesse faite à son père. Elle me connaissait si bien ! Et elle le savait : Je m'en voulais d'avoir accepté. J'ai répondu : C'est pas le moment, Mathilde, de me casser les pieds avec tes questions ! Elle s'est penchée vers moi. J'ai frissonné : Tu sais que je ne regrette jamais rien, Mathilde." 

  Un roman du genre "nouveau roman" mâtiné de thriller provincial, un peu du roman noir, un peu de farce et d'inattendu. J'ai adoré... ! Ayant goûté au style d'Yves Ravey avec "Un notaire peu ordinaire"qui était un coup d'essai pour moi, cette fois-ci, c'est un coup de maître !

  L'histoire se déroule entre Montceau-les Mines et Savigny-sur-Orge. Mais d'abord, on est à Montauban: William Bonnet assiste son meilleur ami Louis sur son lit de mort. Celui-ci lui demande de retrouver sa fille Mathilde qu'il a perdue de vue, il sait juste qu'elle a fréquenté l'asile psychiatrique. Alors, pour son vieil ami d'Afrique, William Bonnet promet. "Et c'est bien par elle que tout a commencé."

  A priori William Bonnet est une bonne âme, il rend service.

  Une bonne situation aussi: Directeur financier des cycles Vernerey, Montceau-les-Mines, c'est ce qui est écrit sur sa carte de visite. Enfin, une de ses cartes de visite.

  Bonne moralité également: l'ayant promis à son père mourant,  William retrouve Mathilde la déjantée et accepte également sa demande faite depuis l'hôpital (...qu'on suppose psychiatrique) : retourner à Savigny-sur-Orge pour voir son fils qui vit avec son père et une femme prénommée Sheila. Cela bien sûr, vu l'énergumène Mathilde, sans autorisation du juge.

  Voilà. Au début on en est là. Mais cette entrée en matière n'est qu'un prétexte. Car William n'a pas que des qualités et est un bien curieux directeur commercial. Une suite d'événements inattendus vont le détourner de sa promesse...

  Je recommande vivement ce livre, il faut juste se laisser mener par Yves Ravey qui tisse l'intrigue dans un style d'une delicieuse fraîcheur !

 

Merci les Editions de Minuit ! 

   

 


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christineb  le 31-01-2015 à 21:13:14  #   (site)

depuis je l'ai lu: je dirai un roman habile, agréable à lire, mais tout de même un peu léger...

christineb  le 30-12-2014 à 21:44:52  #   (site)

Une amie me l'a aussi recommandé mais je ne l'ai pas encore lu. Je vous souhaite une bonne année avec de belles lectures!

 
 
posté le 26-12-2014 à 06:30:35

Le complexe d'Eden Bellwether de Benjamin Wood

     

 

 

  Si je me suis penché sur ce roman, c'est pour deux raisons: une jaquette plaisante aux éditions  Zulma (la fameuse Lettre à Helga de Begsveinn Birgisson) et puis un prix décerné, le prix du roman FNAC 2014.

  Et puis je me suis plongé dans cette lecture avec un certain engouement: le prélude est particulièrement alléchant avec deux corps morts qui sont donnés à retrouver aux médecins tandis qu'une ambulance emmène le survivant qui est Eden Bellwether. "C'est terminé maintenant"écrit l'auteur. Et bien non, ça commence...

  Nous sommes à Cambridge, lieu très fréquenté par les privilégiés anglais et les étudiants de bonne famille mais Oscar Lowe qui est le véritable héros du roman, est plutôt éloigné de ce milieu. Il a vingt ans et est aide soignant à la maison de retraite de Cedarbrook. Dans son quotidien, il est particulièrement attaché au vieux docteur Paulsen, homme érudit chez qui il puise de nombreux livres pour parfaire l'éducation littéraire qu'il n'a pu connaître dans sa jeunesse, venant d'un milieu très populaire. 

  Un soir, rentrant de Cedarbrook, alors qu'il n'avait que l'envie de se coucher, en passant devant la chapelle de King's College, Oscar entend une musique lithurgique qui l'interpelle. Fasciné, Oscar entre dans l'église, écoute et alors...il y découvre une ravissante jeune femme prénommée Iris. Elle lui présente son frère qui est l'organiste et éminent musicien: Eden Bellwether. Puis Oscar retrouve Iris lors d'une soirée et où il peut mieux faire connaissance de ce jeune homme très hautain qu'est Eden. La différence sociale entre les Bellwether et Oscar est nette mais l'attrait entre Iris et Oscar certain. Peu à peu, Oscar intègre le groupe d'étudiants amis d'Iris, -Yin, Marcus et Jane-, qui se regroupent autour du charismatique Eden lors de soirées musicales ou culturelles.

  Un jour, Oscar accepte de se livrer à un jeu en présence du groupe et sous le contrôle d'Eden qui semble doué de pouvoirs étranges. En effet, Oscar est hypnotisé par la musique que joue Eden et se retrouve avec un gros clou planté dans le doigt...aucune douleur cependant. Il décide de ne plus jamais revoir Eden, le prend pour un véritable "malade"...mais il est amoureux d'Iris et accepte pour elle de chercher à comprendre voire à aider son frère dément, anormal, génial?...

  Parallèllement à ce début de roman inquiétant, Oscar accompagne le docteur Paulsen à un rendez-vous à l'extérieur de la maison de retraite. Paulsen doit retrouver son ancien compagnon, Herbert Crest, un spécialiste en psychologie qui a écrit de nombreux livres, notamment sur les cas de narcissisme sévère, un trouble peut-être proche du cas Eden Bellwether. Malheureusement Crest est en petite forme, atteint d'une grave maladie, un glioblastome multiforme dont il n'a aucune chance d'en réchapper. 

  Le deal qui vient à l'esprit d'Oscar est donc de proposer une thérapie de la dernière chance à Herbert Crest en échange de l'analyse que celui-ci pourra faire d'Eden Bellwether...Crest qui est prêt à jouer le tout pour le tout va donc suivre les conseils et soins prodigués par le prodige lors de moments musicaux relevant du sacré...va-t-il sauver Herbert Crest par ses dons d'hypnotiseur?

  Voici donc le décor planté du premier roman de Benjamin Wood. Je ne peux pas dire qu'il m'a particulièrement plu, même si je lui reconnais des qualités, notamment pour l'écriture. Mais après un bon départ, ce roman traine un peu, il ne s'y passe finalement pas grand-chose et une sorte de froideur mystérieuse due au contexte et au personnage particulier d'Eden Bellwether m'a laissé sur ma faim. Eden est certes très désagréable, mais il est trop effacé à partir du milieu de l'histoire. Et on ne s'attache pas vraiment non plus à Oscar, ni à Iris et pour aucun d'entre eux je n'ai pu avoir une véritable empathie...Quant au dénouement, il manque de panache et de piment. ceci n'est bien sûr qu'un humble avis puisque les critiques sgénérales autour de ce roman sont plutôt très positives.

  Pour finir sur une bonne note, j'ai tout de même aimé la très grande originalité des sujets abordés: les thèmes du génie et de la folie, du narcissisme, de la guérison par les médecines alternatives, de l'effet psychologique que peuvent avoir certaines personnes ou certaines thérapies (Eden avec la musicothérapie), le tout dans une atmosphère so british !!!

   

  

 


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posté le 23-12-2014 à 08:22:42

Katiba de Jean-Christophe Rufin

1/2

 

 Publié en 2010 ce roman traitant du terrorisme "religieux"par le grand Homme qu'est Jean-Christophe Rufin n'a pas pris une ride. Au contraire, on peut dire qu'il n'a jamais été autant d'actualité que récemment avec les assassinats perpétrés par AQMI (Al Qaida au Maghreb Islamique) ou Daech.

  L'auteur fait alterner le récit de ce thriller entre l'hémisphère Nord et l'hémisphère Sud, entre l'Europe et l'Afrique et les deux religions dominantes (même si celles-ci sont peu abordées); on est toujours entre l'Occident des riches capitalistes et l'Afrique sub-saharienne où dans l'immensité du désert se mettent au point les attaques des jihadistes. Et ce sont souvent dans les "katiba" justement, ces camps de terroristes islamistes que les actions des fanatiques sont préparées. Et avec, en relais, une organisation secrète avec des points d'ancrage en Occident.

 Jasmine Lacretelle est l'héroïne du livre, une héroïne très complexe puisque travaillant au Quai d'Orsay, elle est veuve et a été mariée à un consul officiant en Mauritanie. De plus, ses origines sont partagées entre deux cultures, française par son père et algérienne par sa mère. Quoi de plus normal pour elle que d'endosser le rôle d'agent infiltré oeuvrant pour les terroristes d'AQMI? Et lorsque l'agence privée de renseignements Providence constate quelques voyages en Mauritanie et des liens avec des activistes potentiellement dangereux, il est clair qu'elle est à surveiller.

  Providence qui oeuvre dans l'ombre met sur la piste de Jasmine un jeune aventurier prénommé Dimitri...qui ne tarde pas à s'éprendre de Jasmine. Dimitri, tombant sous son charme en Afrique d'abord, retrouve cette femme mystérieuse à Paris. Mais qui est donc vraiment Jasmine? Pour qui travaille-t-elle?Les terroristes ou... est-elle un agent double travaillant pour l'Occident?

  Ce roman remarquablement construit, qui délivre son histoire un peu comme un film en multipliant les acteurs, les lieux de récits et les contexte, permet de découvrir le monde des mouvements islamistes: dans des camps perdus dans le désert, des hommes réunis par des convictions religieuses sont armés de Kalashnikovs; ils viennent de Mauritanie ou d'Afghanistan, du Soudan ou du Nigéria et la rivalité entre leurs chefs est féroce; par ailleurs, les trafics sont nombreux et certains groupes sont juste chargés de récolter de l'argent en contrôlant les échanges commerciaux ou bien se comportent comme de véritables pirates des temps modernes.

  Le dernier point de vue du roman est le récit des acteurs de l'ombre, les services secrets. Dans ce roman palpitant, on comprend que même si la menace pèse sur l'Occident et qu'on n'est à l'abri d'aucun attentat, la surveillance est permanente et qu'entre différents états, la lutte contre le terorisme est un enjeu politique.

 Ce roman très original et au sujet brûlant d'actualité m'a plu bien sûr (c'est du Rufin ...quand même !) et m'a permis de rappeler à ma mémoire certaines images de mon voyage à Nouakchott et à Nouadhibou il y a fort longtemps... mais j'avoue que j'y ai trouvé une certaine froideur. La multiplicité des personnages et la multiplicté des contextes fait qu'on ne réussit pas vraiment à s'attacher à l'histoire d'amour, et Dimitri et Jasmine sont un peu perdus dans ce maelstrom intriguant qu'est Katiba. Par contre, J. C. Rufin livre un roman superbement ficelé et véritablement ...renseigné. 

  Une sorte de mention.."Bien" mais pas ..."Très bien" ! 

 


Commentaires

 

jakin  le 24-12-2014 à 09:58:28  #   (site)

Compliments pour la photo du jour et pour le rappel de cet ouvrage éclairant....Bonnes fêtes.....smiley_id210602

elena13  le 24-12-2014 à 09:37:12  #   (site)

Bonjour "Le pivot d'Héricy", je vous dit bravo pour la photo du jour....

 
 
posté le 11-11-2014 à 07:31:00

Rue des boutiques obscures de Patrick Modiano

 

 

                                          

 

 

 

Un roman heureusement pas trop long dans lequel je ne suis pas entré du tout. Franchement, comme son titre l'indique, très...obscur... Après l'enthousiasme du premier roman lu ("La place de l'étoile"), je suis très déçu.

 

  Sans raconter le roman car ce serait redondant et rébarbatif, c'est l'histoire d'un homme à la recherche de son passé. Ayant été frappé d'amnésie, cet homme, devenu détective privé et à qui on a attribué une nouvelle identité, cherche à découvrir qui il était auparavant. Il rencontre alors une multitude de personnes qui lui font imaginer qui il a pu être. Et c'est souvent par l'intermédiaire de photos ou bien grâce à quelques témoignages que Guy Roland (le héros) recueille des informations. 

  Ce roman n'est donc qu'une recherche évasive, une accumulation de rencontres qui font imaginer au héros qui il a pu être. A trop passer de scènes en scènes, de possibilités en interrogations sur une vie passée, on finit par se lasser. Aucune avancée réelle, tout est flou, flouté, dans un brouillard vaporeux d'irréalité. Et tout cela m'a laissé bien loin de l'émotion éventuelle et d'une envie de savoir. Trop de froideur et de dépersonnalisation. C'est sans doute dommage car l'entame était plutôt intéressante.

 Ce roman, auréolé du prix Goncourt 1978 - qui pourtant est un gage de qualité -, m'a vraiment laissé sur ma faim. En lisant des critiques par ailleurs, j'ai été un peu rassuré car il semble que je ne sois pas le seul qui n'encense pas ce roman. Et apparemment, toute l'oeuvre de Modiano est un peu de la même veine, peu de chance donc que je revienne vers le prix Nobel 2014, il ne faudrait pas qu'une chance devienne un risque...

 


Commentaires

 

christineb  le 12-11-2014 à 20:55:19  #   (site)

Mais il peut y avoir des pépites dans une œuvre... Je n'ai pas encore lu le dernier Modiano, mais j'ai bien envie tout de même. Bon jeudi.

christineb  le 12-11-2014 à 20:54:54  #   (site)

Mais il peut y avoir des pépites dans une œuvre... Je n'ai pas encore lu le dernier Modiano, mais j'ai bien envie tout de même. Bon jeudi.

 
 
posté le 30-10-2014 à 21:28:17

La place de l'étoile de Patrick Modiano

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Un étonnant roman que j'ai lu en deux fois. Commencé dans la soirée, fini au matin. C'est absolument rare, très rare. Je me suis senti happé par ce livre, complètement hors norme. 

  L'actualité m'a poussé vers cette lecture et j'avoue que...si l'oeuvre est à la hauteur du premier roman de Patrick Modiano alors...il mérite véritablement son Prix Nobel (...et son million de dollars qui va avec... !). Et m'encourage à lire le livre "Rue des boutiques obscures" pour lequel il a reçu le Prix Goncourt en 1978. 

  Il est difficile de présenter ce roman hallucinant, complètement fou sans être loufoque: une sorte d'errance. L'errance d'un personnage dénommé Raphaël Schlemilovitch qui va naviguer entre événements réels et pure fiction. L'errance d'un anti-héros juif qui revêt tous les costumes, celui du juif persécuté, du martyr et celui du "bon juif", celui qui collabore et pactise avec l'ennemi. En plusieurs épisodes successifs, Modiano va étourdir le lecteur...j'en suis..j'en suis... tout retourné !!!

  Pour le début du roman, cet homme, Raphaël Schlemilovitch -qui est un peu de...sinon... l'auteur Patrick Modiano- commence par décrire sa jeunesse qu'il passe entre Deauville et la Suisse. Elevé dans les hautes sphères de la société par une gouvernante appelée Miss Evelyn, il est habitué à cotoyer les joueurs de polo et les aristocrates émigrés. Il se lie d'amitié avec Jean-François des Essarts et déserte Lausanne pour Genève où il investit sa fortune dans des antiquités (les bronzes 1900). Schlemilovitch est juif, Des Essarts et est goye, les deux hommes sont épris de Littérature...et la guerre éclate. 

  Les deux hommes rencontrent alors l'érudit Maurice Sachs (écrivain français, propagandiste anti-allemand puis juif collabo) qui leur ouvre les pages d'écrivains oubliés. Schlemilovitch alors dit " Pour ma part, j'ai décidé d'être le plus grand écrivain juif français après Montaigne, Marcel Proust et Louis-Ferdinand Céline." Rien que ça ! 

  Après que ses acolytes disparaissent, le héros (ou l'anti-héros...) se souvient d'un père parti faire fortune en Amérique.  Un exploit quand même, ce père réussit à vendre la forêt de Fontainebleau aux Allemands. (Modiano, lui mème, n'a pas pas connu son père). Le fils accueille le père pour lui léguer 350 000 fancs, son affaire de kaléidoscope périclitant. Voici le discours d'un fils à son père: " A-t-on idée d'être PDG de Kaleidoscope Ltd? [...] Et puis, je vais vous parler franchement, : vous êtes juif, par conséquent, vous n'avez pas le sens des affaires. Il faut laisser ce privilège aux Français !..." Excellent ! Un peu plus loin: " On ne parlera jamais assez du côté m'as-tu-vu des juifs. D'ailleurs, il éprouvait pour les Allemands une certaine sympathie puisqu'ils avaient choisi ses endroits de prédilection: le Continental, le Majestic, le Meurice..." Quelle superbe auto-dérision !

 Les épisodes suivants verront Schlemilovitch visiter Bordeaux où il sera khâgneux et affrontera ses pairs Français pure souche qui s'élèveront contre leur professeur anglophobe et pétainiste !!! " Schlemilovitch, vous êtes un vrai camelot du Roi ! Ah si tous les Français de souche vous ressemblaient !" Puis, le hasard le fera rencontrer un vicomte juif appelé Lévy-Vendôme , spécialisé dans la traite des blanches. Ses hommes de main s'appellent Mouloud et Mustapha. Il travaillera alors pour lui en Savoie où il devra trouver une jeune montagnarde charpentée et brune puis en Normandie où là, il devra dénicher une aristocrate distinguée ! La province lui plait énormément: "...je garderai toute ma vie un souvenir attendri du colonal Aravis. Chaque petit Français possède , au fond de la province, un grand-père de cet acabit. Il en a honte. Notre camarade Sartre veut oublier le docteur Schweitzer, son grand-oncle."

  Après d'autres péripéties à Vienne où le héros se trouve être l'amant d'Eva Braun, Schlemilovitch prend le bateau pour l'Israël. Là; soupçonné d'être un juif européen trop marqué par ses appartenances, il est envoyé au kibboutz pénitentiaire. On s'y perd enfin complètement quand au chevet du héros fatigué se trouve Sigmund freud !!!

  Hallucinant...!

 

 Finalement, le prix Nobel a du bon. Il m'a permis de découvrir cet auteur et ce livre. Une sorte de truc à part, un OVNI littéraire, une lecture enflammée surprenante. Bravo.... !!!  

 


Commentaires

 

christineb  le 09-11-2014 à 08:30:44  #   (site)

J'aime bien Modiano, pour sa "petite musique", même si après j'ai du mal à me souvenir du contenu précis de ses romans. Bon dimanche.

 
 
posté le 25-10-2014 à 18:40:25

La blonde en béton de Michael Connelly

 

 

 

 

 

Michael Connelly est le créateur du personnage Harry Bosch ou plus exactement de Hyeronymus Bosch, un inspecteur du LAPD (Los Angeles Police Department). Depuis plus de 20 ans, l'ex-journaliste et chroniqueur judiciaire fait vivre son personnage récurrent en racontant des polars captivants; il m'est arrivé d'en lire plusieurs, occasionnellement et, à chaque fois, j'y ai retrouvé un véritable plaisir de lecture. "La blonde en béton" est le troisième roman où Bosch est impliqué, il a été publié en France en 1996.

  Tout commence sur les chapeaux de roues dans cette histoire, puisque dès le prologue, Bosch tente d'arrêter un dangereux serial killer - le Dollmaker- et malheureusement abat  son suspect qui tentait de...récupérer sa perruque caché sous son oreiller...

  Cet homme appelé Norman Church, et au demeurant bien sous tout rapport, est soupçonné ou plutôt a été soupcçonné d'avoir tué 11 femmes, toutes des call-girls, des actrices de porno ou des prostituées occasionnelles. Chacune d'entre elles a été assassinée selon un rituel bien précis puisque Church les maquillait et leur dessinait une croix sur un orteil...Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes pense t'on sauf que, sauf que...

 ... La justice s'en mêle car la culpabilité de Church n'est pas totalement prouvée et Harry Bosch a exécuté un homme sans défense et sans être en situation de légitime défense. On se retrouve donc  4 ans plus tard lors du procès de l'inspecteur qui est accusé d'avoir tué un innocent, tué seulement pour mettre fin à cette affaire et calmer les esprits...de plus, d'une façon personnelle, Harry Bosch pourrait  s'être véngé par rapport  à son passé...sa mère...elle-même fut assassinée...

  Harry Bosch se retrouve confronté à Honey Chandler, la redoutable avocate de Church qui va porter le doute dans son esprit. D'autant plus que dès le départ du procès, des événements (dont je tairais la nature...) tendent à prouver qu'il y a eu une erreur dans l'enquête Norman Church...

  Harry Bosch reprend l'affaire en mains, armé de nouvelles informations autour de ces 11 assassinats, se demandant s'il n'a pas raté quelque chose...c'est très perturbant d'autant plus qu'il a contre lui une avocate extrêmement douée et un avocat commis d'office plutôt pâlot ! Le roman alterne des scènes de plaidoiries où Bosch est l'accusé et des chapitresou Bosch redevient l'enquêteur solitaire mais attachant.

  Etant donné la longévité du personnage dans l'oeuvre de Connelly, on se doute bien qu'il va s'entirer...n'empêche...et s'il avait tué un innocent?

  Un bon polar bien haletant qui m'a beaucou plu...d'une part pour le style, vif, très porté sur les faits, quelques phrases très "punchline" avec des formules métaphoriques qui claquent, et puis un scénario bien construit autour d'un inspecteur crédible plein d'humanité.  

 


Commentaires

 

christineb  le 25-10-2014 à 21:06:55  #   (site)

Contente de pouvoir à nouveau lire vos critiques.

 
 
posté le 18-10-2014 à 21:17:46

La malédiction d'Edgar de Marc Dugain

    

 

 

 

  Plus je lis Marc Dugain et plus je l'apprécie c'est un fait. Jamais déçu. 

Par sa façon d'aborder des sujets insolites, par son côté didactique et informatif, par son choix des sujets et de ces héros, vitrines de ces romans mi faits divers, mi-historique, cet auteur rend ses livres passionnants.

  Le personnage central de ce roman historique est John Edgar Hoover, le 1er directeur du célèbre Fédéral Bureau of Investigation. Nommé en 1924 directeur du B.O.I. ( l'ancetre du F.B.I.) par le président américain Coolidge, il restera à la tête de l'agence de renseignements pendant 48 ans et connaîtra 8 presidents différents et non des moindres Roosevelt... Truman, Kennedy, Nixon. Un personnage un peu dans l'ombre du "très" grand public (dont je fais partie) mais tellement important dans l'Amérique du vingtième siècle.

  Pour nous présenter et nous proposer son personnage, Marc Dugain choisit de relater sa vie en se plaçant dans la peau de Clyde Tolson et rend de ce fait un roman apocryphe plutôt convainquant. Mais qui est Clyde Tolson? D'ailleurs, n'est-ce finalement pas lui le héros de ce roman?

 Cet homme a été le collaborateur éternel d'Hoover et on soupçonne même qu'il a pu être son amant, il a partagé sa vie, ses repas, vécu les mêmes passions, a été dans le secret des Dieux pendant presque un demi-siècle. Clyde Tolson a donc été le numéro 2 du F.B.I. de 1930 à 1972, puis il en assura un bref intérim histoire de passer les dossiers au patron suivant.

  Cotoyant les plus grands responsables du plus grand et plus important pays du monde, se faisant aimer ou se faisant craindre d'eux, voici ce qui peut imager la pensée d'Hoover dans un extrait où il s'adresse à son complice Toison : " La bataille du temps, on la gagne par la postérité. En se mettant au service des idées qui ont le plus de chances de triompher. Si par bonheur elles sont en harmonie avec tes propres convictions, alors tant mieux. Tous ceux qui ont de grandes ambitions le savent. [...] Combien de temps ça dure? Une, deux, trois générations peut-être. Pour nous le problème ne se pose pas, nous n'avons aucune descendance. [...] Nous avons surgi des ténèbres de l'Amérique profonde et silencieuse, et personne ne pourra jamais nous contraindre à y retourner. Nous tournons résoluement le dos à la résignation des gens ordinaires."

 Voici la destinée de ces deux hommes parfaitement explicites: ils seront parmi les plus grands du monde, armés des renseignements sur les plus hauts placés, les plus puissants. Durant 50 ans, Edgar Hoover va donc oeuvrer ou manoeuvrer pour être au courant de tout; il va établir ou faire établir des dossiers sur tous, sur ses propres collaborateurs, sur chaque homme politique, jusqu'à même connaître les moindres détails ou travers des différents présidents qui successivement le nommeront à la tête du renseignement des USA. Craint et respecté, il valait mieux avoir Hoover avec soi que contre...

  Et c'est un personnage complètement dévoué à sa cause -la défense de son pays contre la menace communiste- et habité d'une morale presque sans faille que Marc Dugain nous propose dans ce roman plongé au coeur des grands hommes et des grands événements de l'histoire des Etats-Unis. Traversant le siècle et notamment la guerre froide, Marc Dugain évoque alors longuement l'emblématique famille Kennedy avec ses frasques, ses trames et ses drames, l'influence et le pouvoir de la Mafia, le MacCarthysme, l'assassinat de Martin Luther King, la baie des Cochons ou l'affaire du Watergate...

  Un roman à lire pour ceux qui aiment l'Histoire contemporaine et les États unis.

 

 


Commentaires

 
 
 
posté le 02-08-2014 à 09:28:13

Agaves féroces de Nicolas Marchal

  

   

 

 

Une histoire un peu loufoque, atypique, un peu "barrée" et particulièrement enlevée !! Avec des passages à se tordre de rire...

  L'histoire démarre quand un assistant d'un professeur de faculté,- un peu condescendant avec ses étudiants et ses collègues plumitifs, et écrivant une thèse sur son icône Malcolm Lowry et son chef d'oeuvre "au-dessous du volcan"-, est invité à rejoindre son Professeur de Lettres en vacances. Celui-ci lui indique qu'il est dans le sud de la France et qu'il a découvert le Rocher des Vierges...qui " présentent d'étranges similitudes avec ce que Lowry dit du paysage mexicain" dans son bouquin.Ni une, ni deux, Yves file à Arboras, petit village sudiste français.

  Notre héros, Yves, ne porte assurément pas dans son coeur le Professeur: " Avec ses livres farauds et ses articles de pacotille. Et surtout, avec sa saleté de saloperie de bigre de Nom de Dieu de cours à 60 heures, suivi passionnément par plus d'étudiants qu'en comptait la faculté, à tels points que les travées étaient combles, les escaliers, les appuis de fenêtres occupés, tout ça pour quoi, pour une farce, un sous-produit de bazar, une grotesque mascarade ! La littérature volcanique: lire ou vivre Lowry. Littérature volcanique ! Je vous demande un peu ! Sale type de Professeur et ses métaphores vaseuses pour masquer son incompétence ! ". Yves connait tout de Malcolm Lowry et de "au dessous du volcan" alors..il ne supporte pas qu'un bellâtre galvaude son oeuvre préférée...et le héros part dans de très mauvaises dispositions: " Et puis, à vrai dire, je déteste voyager. Je détestais la châleur, le Sud de la France, le vent , le Professeur, et tout ce qui emportait les feuilles de ma thèse."

  Il s'installe dans son logement, dans cette villa où il est invité et...rien ne va plus: " Et puis, il faisait si chaud. Je me sentais comme pris sous une aisselle." ! [...] "Moi, seul dans la cour de cette grande maison, dans ce village perdu, peuplé de rares vignerons et de vieillardes qui sentaient l'ail." Et alors qu'il aperçoit un scorpion et qu'il se débat avec une mouchette, toujours dans le réflexe de l'analyse diachronique et synchronique propre au thésard en Lettres qu'il est, Yves a une vision: " Ma tête effectua un quart de tour vers la porte, et j'ai vu la plus belle femme du monde. De tous les mondes connus, et des autres." Yves rencontre Rose et en est particulièrement troublé. d'autant plus qu'il ne l'imagine pas avec le Professeur... Mais qui est cette femme...?

  Yves, prenant le rôle de touriste étranger, va donc découvrir Arboras, ce lieu très éloigné de lui-même. " Dans ces villages incrustés à flanc de montagne, les couloirs étroits qui servent de rues ont été tracés expressément pour punir les hommes de leur outrecuidance d'être nés. [...] Comme toujours en montagne, tout semblait proche. C'est le côté sale garce de petite allumeuse d'une montagne."  Et à Arboras, il y a aussi des personnages hauts en couleur: des vieillards assis sur un banc, les chasseurs, l'anglais qui a racheté la plus belle maison du coin...Yves observe et découvre tout ce petit monde... et c'est franchement hilarant !

 Dans ce roman, on suit donc le récit de Yves, un brin décontenancé par la découverte d'Arboras et tout étourdi par cette fameuse Rose...mais les chapitres sont entrecoupés de descriptifs et de réflexions autour du film de John Huston, le fameux..."Au-dessous du volcan". Dans ces intermèdes, l'auteur nous parle aussi des...agaves, d'où, le titre du roman mais ça, c'est une autre histoire.

  En tout cas, un roman emballant jusqu'à un point d'orgue qui se situe à mon avis à partir de la page 99 qui annonce la "Grande brasucade de la Saint-Laurent du 10 août, animation musicale : Rose et ses chicanos"... Page 121/122:

  " Soudain il y avait une foule bien compacte. Qui grouillait de conversations, qui bourdonnait, qui éclatait de rire çà et là. Bien entendu, nul Professeur. Je n’aurais jamais cru qu’Arboras comptait autant d’êtres humains. Sans doute avait-il fallu rappeler le ban et l’arrière-ban, les cousins exilés à Montpellier, les petites filles montées à Lyon, pour rassembler un tel monde. Je cherchais Rose du regard. Elle n’était pas encore là. Les gens semblaient tous bien se connaître. D’ailleurs, ils se ressemblaient tous. J’avais la désagréable impression de débarquer au milieu d’une fête familiale en parfait étranger.

Nulle cruche d’eau. Du vin. Et encore du vin.

  Où me mettre ? Comment me tenir ? Mains dans les poches ? L’air détaché ? Près de la table où l’on a servi l’apéritif ? Le long du muret ? Les édiles locaux serraient des mains et badinaient bruyamment. Les femmes formaient un groupe autonome et se complimentaient sur leurs toilettes. Des enfants couraient. Des chiens grattaient leurs croûtes sous les tables. L’assemblée se dilatait et se contractait au rythme des nouvelles arrivées, des nouvelles bouteilles ouvertes. Les trois vieillards étaient assis sur leur banc, que personne n’aurait songé à leur disputer, et il semblait que la fête du village se déroulait chaque année où ces trois antiquités trônaient, et non l’inverse.

  Je devais me montrer poli pour prouver que, malgré ma supériorité intellectuelle évidente, je ne méprisais pas les autochtones. Parce qu’il fallait que je gagne leur confiance. Peut-être cette réjouissance folklorique me permettrait-elle d’interroger l’un ou l’autre villageois à propos de mon trajet de retour, mis en verve à la faveur de cette fameuse désinhibition qu’entrainent les festivités en général, et les festivités locales en particulier...Nom de Dieu de nom de Dieu ce que j'avais soif."

  Voila, bon je ne vais pas recopier tout le texte mais c'est un bon aperçu du style et de l'humour de Nicolas Marchal dans le contexte de cette fête de village et tout ce passage est franchement excellent !!! Et finalement, comme à l'image de ce roman...original, frais, drôle et bien écrit... !

 Après "Les conquêtes véritables", c'est le deuxième livre que je lis de cet auteur belge, un auteur à découvrir d'une façon diachronique ou synchronique, c'est comme vous voulez... !

 

* "Agaves féroces" est paru aux éditions ADEN, collection La rivière du cassis.

 

 

 

 


 

 


Commentaires

 

christineb  le 24-09-2014 à 21:33:52  #   (site)

Plus d'article? La Malédiction d'... ? C'est dommage!

christineb  le 05-08-2014 à 21:25:59  #   (site)

Décidément cet auteur doit être intéressant. je vais le lire. Bon mercredi.

 
 
posté le 29-06-2014 à 06:03:44

Les conquêtes véritables de Nicolas Marchal

 

          

 

   C'est le premier roman de cet écrivain belge wallon que je découvris avec "Agaves féroces". (sorti en janvier 2014), un roman qui m'a beaucoup plu pour son originalité et son style. "Les conquêtes véritables " date de 2008 et est paru aux éditions namuroises...pas vraiment grand public. Mais l'auteur gagne vraiment à être connu.

Ce roman raconte l'histoire (plus ou moins autobiographique?) d'un jeune écrivain qui occupe avec sa famille la maison du grand-père de sa femme récemment décédé (le grand père pas la femme...), la sienne étant en travaux (la maison...toujours pas la femme !).

  Dans cette belle demeure bourgeoise, il tente vainement de trouver l'inspiration parmi les livres, claquemuré dans l'immense bibliothèque, dans cette odeur de vieux et de renards empaillés, contemplant les rayonnages et buvant des thermos de café. La bibliothèque n'a qu'un seul thème: elle n'est composée que de livres traitant de Napoléon, de Bonaparte, du petit corse, il n'y en a que pour lui, on y trouve le récits, les descriptifs de toutes ses batailles, Waterloo morne plaine, bien sûr, bien sûr, tous ces généraux, et Blücher et Grouchy, et Cambronne et aussi Joséphine, on sait tout de ses maîtresses, de son art de la guerre, de ses pensées, fictives ou réelles, vous l'avez donc compris, la bibliothèque est peuplée exclusivement de livres, revues, études qu'on a fait sur l'Empereur. Bon, c'est tellement monomaniaque que s'en est stressant pour notre jeune auteur, rêvant de trouver un livre sur un sujet différent...par exemple le macramé...pourquoi pas?

  Et c'est d'autant plus stressant pour le jeune écrivain que le grand-père a réussi, lui, juste avant sa mort à écrire un ouvrage.

  Le roman est composé de petits textes de deux pages, de quelques paragraphes très vifs, très denses et très drôles, faisant alterner le récit historique de la vie des soldats ou de Napoléon il y a deux siècles et  les affres de ce jeune écrivain, coincé dans cette maison qu'il occupe comme un bernard l'hermite. Et l'écrivain a bien du mal à trouver sa voie, à trouver le fil conducteur de son futur roman, il aimerait rendre hommage à son aïeul, au vieil écrivain, se placer dans le contexte de tous ces livres, de toute cette bibliothèque...mais le poids de Napoléon est écrasant. Qu'écrire qu'il n'a pas narré, qu'écrire pour être lu, être intéressant et à la hauteur?

  Comme c'est dit dans la préface, l'écrivain se laissent alors aller à des " rêveries et réflexions volontiers incongrues, extravagantes. Et qui ne demandent qu'à s'emballer et extravaguer davantage." Et tout n'est alors "qu'un flux de digressions, divagations, anachronismes loufoques, inventions, exagérations, histoires à dormir debout, coq-à-l'âne et autres élucubrations." On se régale de l'inspiration de Nicolas Marchal évoquant son héros qui en manque cruellement. C'est vraiment très drôle et très surprenant. Tenez quelques exemples...très difficiles à extraire, il y a tant de passages extras !

  Le chapitre 20 notamment, là où l'écrivain parle de ses fameux livres qui l'entourent et le hantent..."Ca oui ils ricanent de me voir tout penaud soupirant très emmerdé devant mon écran. Il me pousse des envies." Alors il veut les détruire.." Je te les embarque en bloc dans une camionnette banalisée et j'en fais des paquets que je sers sur une brocante miteuse"...[...] même ceux dont personne n'a voulu je les déglingue dans la Meuse nuitamment plic ploc des petits bruits de merde molle qu'ils feraient dans l'eau sale et les poissons les accueilleraient fraîchement dans l'eau sale vous pouvez me croire [...]... je m'en garderais une dizaine enfin pour les brûler page par page les suicider d'une falaise [...] les pendre au bout d'une corde imbibée de curare dans une cave gazée au monoxyde de carbone, les cribler de balles neuf millimètres ou plus si je trouve, les faire bouffer aux chiens d'un casseur de voitures du côté de Sar-Saint-Laurent (c'est vous dire) les enterrer vifs dans un champ de colza, les déposer sur la Nationale 4 puis les écraser rouler dessus avec un pick-up rouge tout plein de flammèches jaunes [...] tout en klaxonnant ma rage, ou alors, ces maudits bouquins, mais alors là ça serait tout à fait ignoble, je pourrais les lire (carrément)." Quelle inspiration, et quelle pirouette !

  Un peu plus loin, l'auteur nous parle de l'enfermement du passionné des livres..." Le livre. Juste au mitan d'un splendide paradoxe. La passion (pour Napoléon, mais encore pour la chasse, les bateaux-mouches, la forme, les déesses incas, les boutons de culotte des plus de 120 kilos, les bardes gaéliques, les voitures de sport rouges) a ceci de particulier que, quand on s'y enfonce: plus on peut la communiquer et moins on peut la communiquer."

 Et puis alors? Pourquoi ce titre?  Nicolas Marchal, en évoquant Napoléon parle de ces conquêtes militaires mais il parle surtout de l'écrivain avec ses recherches d'inspiration, de style et de sujet. Etre armé devant une page blanche comme devant un champ de guerre?    Certains se passionnent pour les batailles de Napoléon, d'autres tout simplement pour les mots...Ceux de l'auteur, avec toute son ironie et sa verve, sont particulièrement plaisants. Ce livre se dévore. Délivrant son message,-son amour de la littérature-, Nicolas Marchal a écrit son premier livre qui est bien plus qu'une grande farce littéraire. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire les réflexions, le cheminement mental, les délires de cet auteur ...

Vive la Belgique !!!

 


Commentaires

 

christineb  le 29-06-2014 à 21:47:22  #   (site)

Un roman assez étrange, il me semble, que je lirai peut-être, à moins que je ne l'offre à un admirateur de Napoléon. merci pour ce partage.

 
 
posté le 14-06-2014 à 08:50:20

Caprice de la reine de Jean Echenoz

 

 

 

 

  Un peu moins enthousiaste qu'à l'habitude avec ce recueil de nouvelles. L'éditeur s'est offert quelques ventes avec cette compilation de textes que j'ai trouvés plutôt inégale. On dirait presque un livre posthume qui s'attacherait à reconstituer toute l'oeuvre de l'écrivain. Donc, 7 nouvelles publiées dans des périodiques entre 2002 et 2014, écrites spécialement pour certaines personnes (Patrick Deville) ou certaines occasions.

  Tout commence plutôt bien avec "Nelson", la première histoire narrée par Jean Echenoz. Concision stylistique, précision du vocabulaire, humour non-feint pour retracer en quelques pages la vie du célèbre manchot amiral.

  Puis c'est le "Caprice de la reine". Jean Echenoz décrit un paysage depuis une hauteur. Placé à tel endroit de son jardin, il fait le tour de son champ de vision pour aller de l'infiniment grand et lointain jusqu'à la description de sa proximité.Tournant autour ce cette maison, il finit par regarder à ses pieds et, juste là, il y a une reine. C'est assez étrange comme texte, la fin est amusante. L'auteur a toujours cette façon de surprendre son lecteur, c'est un peu comme un exercice littéraire avec le simple plaisir des mots. Mais bon, pas vraiment passionnant.

  "A Babylone"  a été écrite pour la sortie d'un disque d'Haendel. Il s'agit de retracer et de commenter les écrits qu'a pu faire le père de l'Histoire, le grec Hérodote. Grand voyageur, Hérodote a décrit la cité Babylone, une des 7 merveilles du monde. Jean Echenoz fait avec imagination, et comme il sait si bien le faire, revivre un personnage réel (voir son oeuvre avec Ravel, Zatopek, Cesna...). "Mais Hérodote s'en fout, en attendant il va et vient, se promène dans les rues de la ville et dans ses environs, regarde autour de lui, se documente, essaie dans son mauvais assyrien de discuter avec les gens qu'il rencontre[...] On tente d'imaginer l'explorateur recueillant ces informations. Les inscrivant dans sa mémoire avant de les transférer sur papyrus  ou de les graver sur des tablettes d'argile recto verso, comme procèdent les Babyloniens qui les conservent telles quelles ou qui, par précaution, quand ces informations sont importantes, les font cuire." Très historique donc, Jean Echenoz finit par convenir que l'oeuvre d'Hérodote manque parfois de précisions, d'informations. " Le seul problème avec lui, c'est qu'il va parfois un peu vite  de sorte que pour entendre son propos, parfois, certains développements manquent, certains détails." Forcément, cette remarque ne surprend pas de la part d'un tel maître des mots qu'est l'auteur, lui qui donne au regard du lecteur tant d'exactitude et de netteté.

  La nouvelle suivante n'en est pas vraiment une. "20 femmes dans le jardin du Luxembourg" et dans le sens des aiguiles d'une montre" n'a de bon que le titre en fait. Description des reines et autres duchesses de l'Histoire de France statufiéees dans le célèbre jardin. Rien de notable, c'est un texte écrit pour la revue "Paris-Musées en 2002.

 Puis vient "Génie civil". La nouvelle la plus aboutie, celle où l'on retrouve le meilleur de l'écrivain. 30 pages tout de même, il y a du contenu. C'est l'histoire d'un ingénieur des Ponts et Chaussées, veuf, qui parcourt le monde pour voir, admirer les...ponts. " Gluck a entrepris de ne plus se consacrer qu'à eux, de poursuivre et pourquoi pas finir son existence en leur seul compagnie.". De la page 57 à la page 62, on profite d'un régal avec l'Abrégé d'histoire générale des ponts. C'est délicieux, cette histoire du franchissement fait par l'homme. 

Gluck, lui, continue sa quête " "Ses voyages vers les ponts l'avaient amené partout où il s'en trouve et Dieu sait s'il y en a, que ce soit  au-dessus des détroits de Kurushima, de Messine, du Grand Belt et de Neko, des gorges de Salgina, de l'estuaire de Severn, du canal Kap Shui Mun, du lac Maracaibo, du Bosphore et du Gange, des flots de l'Elbe ou du Guadalquivir ou des bras de mer qui séparent les îles Falster et Faro. Gluck les vit tous, [...] devenu collectionneur de ponts comme d'autres collectionnent les aquatintes ou les ennuis.".

Le sens de sa vie ne s'en trouve pas pour le moins résolu et Jean Echenoz livre alors un fort beau paragraphe:" Ce n'est donc pas son premier déplacement, il en a fait bien d'autres depuis qu'il a pris le parti d'arpenter le monde. Mais ces mouvements, il ne les a pas entrepris dans le seul but de se changer les idées après son veuvage; de tels voyages tournent d'ordinaire à vide, se bornent à vous faire tourner vous-même en rond, on ne respire pas mieux la distance, on ne s' y sent pas plus libre ni souverain ni dégagé qu'ailleurs, on ne s'en sort pas. A peine peut-on se dire qu'on est loin, cela grise quelques minutes pendant lesquelles on voit ou croit voir les choses neuves d'un oeil neuf: c'est un leurre, un malentendu, car c'est moins une région que l'on découvre que son nom, c'est lui qu'on parcourt plutôt qu'elle. On s'admire surtout de l'occuper, d'arpenter les syllabes exotiques de ce nom plutôt que les panoramas du pays lui-même, qui devient vite à vrai dire un bled comme un autre où l'on ne pense bientôt plus qu'à retourner dans le sien, rentrer chez soi où l'on sait bien aussi d'ailleurs qu'on ne sera pas mieux, bref on n'est guère avancé.
  On ne saurait donc se mouvoir qu'avec un but, un axe, un cap, une idée fixe en tête, sinon mieux vaut rester derrière ses fenêtres."
 

Dans la nouvelle, on est en 1980 et Gluck se rend en Floride. Il a rdv avec Valentine Anderson sur le Sunshine Skyway. Malheureusement, il y a une forte tempête....

  Ensuite, c'est "Nitrox". Très étrange texte. Là le personnage principal c'est une femme dénommée Céleste Oppenheim qu'on retrouve en petite tenue dans un cube sans fenêtre, une sorte de cellule. Deux hommes viennent la chercher et elle s'extrait du...sous-marin pour explorer les profondeurs océanes...

  On finit avec "Trois sandwiches au Bourget", l'histoire d'un homme qui décide d'explorer...la banlieue Nord de Paris, du Bourget au Blanc-Mesnil, il a comme exceptionnel projet de manger des sandwiches...!!! C'est un projet qu'il mène depuis un an...Ce texte est une sorte d'errance répétée dans la banlieue, une escapade par les transports en commun, sans doute un brin autobiographique puisque le narrateur a souvent des soucis avec son stylo qui tombe en panne. Comme à son habitude, les descriptions sont très fines, apportant une touche, une atmosphère un peu désuète à cette banlieue tristounette. Pas mal, et bien dans la veine Echenoz même si cette histoire ne mène nulle part... un dimanche matin d'hiver... en fin de matinée... banlieue Nord-Est...

 


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