♥♥♥♥
Il m'a été un peu difficile d'entrer dans cette histoire malgré une accroche originale. Dans la première partie de ce livre dont l'auteur est japonais, on découvre "Le dépotoir": un vieil homme appelé Chûichi Shimoyama habite un quartier résidentiel et entasse depuis des années toutes sortes d'objets hétéroclites dans sa maison et sur le terrain alentour.
" Un fatras indescriptible était entassé autour de la maison, jusqu'à dépasser les fenêtres de l'étage. Les volets étaient fermés, et des futons et des matelas étaient étendus sur l'avant-toit du rez-dechaussée, eux-mêmes maintenus par des sacs en plastique de contenu indéterminé, comme des aliments sur claie en train de sécher.[...] Du côté nord se trouvait une friche...Des objets indéfinissables y étaient entassés, certains attachés par des cordons de vinyle, certains couverts de sacs plastique, d'autres pas, entassés à la diable.[...] Dans ce quartier résidentiel, le dépotoir dépareillait et dégageait une impression angoissante."
Evidemment un tel dépotoir suscite l'agacement du voisinage " ...et la réponse de madame Yoshida, c'était de détester son voisin." Un début d'incendie ainsi qu'une ignoble puanteur qui règne autour du lieu déclenche la curiosité de la télévision qui propose un reportage sur cet étrange personnage qui ne sort qu'à la nuit tombée... Un reportage qui finit par faire sensation et provoquer l'intérêt des badauds autour de cette maison. "Les jours fériés, un embouteillage se formait sur la route devant chez les Yoshida " (une famille voisine). Les autorités ne peuvent rien faire pour empêcher Chûichi de pratiquer la conservation d'objets puisqu'il le fait sur sa propriété mais...la question suivante posée par l'auteur c'est: pourquoi fait-il cela? Qu'est-ce qui l'y pousse?
On aborde en fait l'explication dans la deuxième partie du livre intitulée "La famille". L'auteur retrace la vie de Chûichi après-guerre depuis son entrée au lycée puis dans une quincaillerie où il est engagé comme employé pensionnaire. Eloigné de son foyer et de cette maison appelée Marukama-yé (sorte de magasin familial où l'on trouve toutes sortes d'articles), Chûichi va découvrir le monde de l'entreprise et faire son éducation amoureuse.
Le Japon d'après-guerre...s (2ème guerre mondiale puis guerre de Corée 1950-1953) se reconstruit. Tout en racontant l'histoire de son personnage principal, l'auteur va montrer la transformation du pays, sa profonde évolution : " Les baraquements de bric et de broc se dressent dans les décombres des villes rasées par les bombardements, le mouvement de la société reprend, les ateliers recommencent à produire, on cherche sa voie. La reconstruction, bien qu'avec difficulté, avance. Les jeunes devenus grands quittent la maison pour chercher du travail et s'en vont combler les interstices des villes lointaines qui se développent." Les champs sont transformés en lieu d'habitation, les écoles se remplissent, une gare routière est construite dans le quartier... " La ville s'était mise à vibrer d'activité."
Alors que son frère cadet Shûji obtient un diplôme de technicien, Chûichi se voit proposé par son père de reprendre la petite entreprise familiale. Mais la société évolue et le Marukama-yé qui faisait principalement commerce d'outils agricoles se voit supplanté par les commerces plus en rapport avec le monde moderne. Il faut trouver un autre débouché, ce qui sera fait avec le commerce de tuiles. Les travaux dans la cité continue et les aménagements des routes vont obligés la famille Shimoyama à déplacer et reconstruire le magasin sur l'actuel terrain appelé " Le dépotoir".
Puis Chûichi se marie...mais cet épisode sentimental sera un échec et, par la suite de quelques traumatismes familiaux, le coeur de Chûichi va peu à peu se fermer. Restant seul avec sa mère, il va se couper du monde et de la modernité de la société japonaise.
Dans la troisième partie du livre appelée "Le pélerinage", nous retrouvons le temps présent et les médias qui s'intéressent à cet incendie d'ordures. Un homme alors alerté par le reportage TV va reconnaître sa maison ; c'est le frère du Chûichi, le dénommé Shûji qui va revenir sur les lieux de son enfance à la rencontre de son aîné, un grand frère avec lequel il est plus ou moins fâché. Après des retrouvailles compliquées, les deux hommes âgés vont alors entreprendre "Le pélerinage"...
Ce roman est une fresque poétique plutôt réussie et offre une vision détaillée de la société nippone avec cette opposition entre monde moderne et traditionnalisme. Aujourd'hui le commun des mortels a l'image d'un pays ultra-moderne, très high-tech mais il ne faut pas oublier que ce pays a lourdement été frappé par les guerres et qu'il a subi d'importantes transformations tout en restant empreint de règles familiales et religieuses marquées.
L'auteur, spécialiste de l'identité culturelle de son pays, écrit avec ce roman une belle histoire nostalgique dans laquelle il faut faire l'effort de rentrer mais qui ne déçoit pas, la sensibilité de son écriture faisant merveille jusqu'aux dernières pages du livre.
Le prototype du roman policier suédois...qui traîne. Si le tout début de l'histoire démarre à cent à l'heure...on reste en seconde vitesse la plupart du temps dans ce longuet roman. Plus de 500 pages qui en paraissent...1000.
Tout commence par un double meurtre dans un centre de rééducation psychiatrique pour jeunes filles. L'infirmière du centre et une jeune pensionnaire sont assassinées à coups de pierre et de marteau. Tout laisse penser à une sorte de rituel, de jeu, tout du moins pour la jeune fille Miranda. Suite à ces crimes, l'ensemble des jeunes filles internées est traumatisé et elles sont évacuées de ce centre.
L'enquête commence et c'est un policier appelé Joona Linna qui est envoyé en renfort de la police locale. J.Linna est le meileur d'entre tous...mais il a contre lui des poursuites de l'nspection générale des services qui lui reproche d'avoir fait capoter une enquête précédente. Il n'aura donc pas aucune responsabilité pour élucider les crimes et ne sera là que pour assister, aider et, naturellement, l'entente avec le policier Gunnarsson n'est pas très cordiale.
Joona Linna découvre la scène du crime, les lieux sont barbouillés d'hémoglobine; il remarque ce que les autres ne voient pas, (naturellement...). Il rencontre ensuite toutes les jeunes filles du foyer: Caroline, Lu Shu, Almira...les filles sont assez violentes, souvent suivent un traitement et l'ambiance est assez électrique entre elles. Et manque à l'appel...Vicky...Vicky Bennet qui a tout pour être suspectée... L'enquêteur rencontre aussi Daniel qui est l'éducateur des jeunes filles et l'ex-mari de l'infirmière cruellement assassinée.
A partir de là, on cherche Vicky à travers la Suède, on remonte le cours de sa vie pour savoir chez qui elle a pu disparaître, dans quelle famille d'accueil elle a pu atterrir dans son enfance. Tout le pays est mobilisé, d'autant plus qu'un petit garçon a été kidnappé et qu'il y a tout lieu de penser qu'ils sont ensemble. Parallèllement à cette recherche, une jeune femme appelée Flora et qui se dit médium voit des images troublantes en relation avec les assassinats.
Toute cette enquête est donc bien longue et cela en fait un polar qui part dans pleins de directions, (les crimes, le passé de la principale suspecte, l'enquête autour de Jonna), le roman est complètement haché par des chapitres d'une ou deux pages et le rythme de l'enquête n'avance pas. Lars Kepler est le pseudonyme d'un couple d'écrivains suédois donc - Alexander et Alexandra Ahndoril- et je me suis demandé si le roman n'était pas écrit alternativement, à savoir, chaque membre du couple écrivant un chapitre, ce qui expliquerait la longueur, la langueur de ce policier. Jamais d'humour...c'est vraiment très très froid...
Sur la fin, il y a un sursaut, c'est un peu plus enlevé et la résolution de l'énigme n'est pas mal vue. Ca se tient et on est presque mis en haleine. Et puis...on croit que le roman est terminé et bien non, on finit par retourner dans la vie de l'inspecteur Linna...
Au final, très très moyen...pas le polar de l'année assurément !
Nevertheless... thanks my niece of BLR !
The niece of BLR le 01-06-2014 à 11:41:31 #
You're welcome my uncle!!
Effectivement ce n'était pas le meilleur...je me rattraperai au prochain ;-) UN peu long et surtout aucune cohérence entre le début et la fin!
Bises
christineb le 12-05-2014 à 21:46:49 # (site)
Moi qui ne suis déjà pas très roman policier... je crois que je ne lirai pas ce livre. Bonne semaine.
♥♥♥
Un roman dont on parle beaucoup en ce début d'année dans le monde littéraire. Encensé par la majeure partie de la critique, j'aurais tout de même quelque retenue à être extrêmement élogieux.
Edouard Louis est un jeune écrivain né en octobre 1992; âgé de 21 ans, il est un brillant intellectuel spécialisé en sociologie (normalien de l'Ecole Normale Supérieure). Son parcours, puisque c'est de cela qu'il s'agit dans ce roman largement autobiographique, n'est pas banal. Edouard a grandi à Hallencourt, un village situé près d'Abbeville en Picardie. Il vient d'un milieu modeste, très "populaire" qu'il dépeint avec réalisme et explique son cheminement pour sortir de sa condition. Par ailleurs, il révèle sa difficulté à vivre son homosexualité.
Edouard Louis ne s'est pas toujours appelé ainsi, on le prénomme "Eddy". Pourquoi Eddy? " ...mon père avait décidé de m'appeler Eddy à cause des séries américaines qu'il regardait à la télévision [...] Avec le nom qu'il me transmettait, j'allais donc me nommer Eddy Bellegueule. Un nom de dur." Son père en était un aussi, un dur, un véritable homme, comme auparavant l'était son propre père, buveur impénitent et par ailleurs violent: l'image du mâle dominant en campagne.
Très vite, Eddy brise le rêve de son père: avoir un fils, un vrai, un qui joue au foot et qui plus tard boit des bières et se tape des nanas. Non, Eddy, lui, pose problème: " pourquoi Eddy il se comporte comme une gonzesse?. Eddy a des manières et se trouve beau lorsqu'il essaie les vêtements de sa soeur. "...Mes goûts aussi, toujours automatiquement tournés vers des goûts féminins sans que je sache pourquoi. J'aimais le théâtre, les chanteuses de variétés, les poupées...".C'est ainsi, et cela a bien du mal à être compris et accepté. Notamment au collège où Eddy se fait molester fréquemment et est la risée de tout le monde. Eddy accepte sa douleur et la considération qu'on a de lui. "Bellegueule est un pédé puisqu'il reçoit des coups (ou l'inverse)."
Au village, c'est pareil. Etre un jeune homosexuel passe mal. Le livre d'Edouard Louis est édifiant dans la description de son milieu. Le rôle de la femme par exemple..." ...dans le village, les femmes faisaient des enfants pu devenir des femmes, sinon elles n'en sont pas vraiment. Elles sont considérées comme des lesbiennes, des frigides."
L'auteur décrit sa soeur, au caractère très dur pour pouvoir exister, sa mère, qui est tombée enceinte à 17 ans et qui a arrêté son CAP cuisine. Une vie toute tracée. La vie au village pour les femmes, c'est comme ça".. la plupart du temps elles gardent les enfants -je m'occupe des gosses- et les hommes travaillent ils bossent à l'usine [...] l'usine de laiton dans laquelle mon père avait travaillé et qui régissait toute la vie du village".
Dans ce milieu, un objet est omniprésent: la télévision. " ...Nous en avions 4 dans une maison de petite taille, une par chambre et une dans l'unique pièce commune, et l'apprécier ou ne pas l'apprécier n'était pas une question que l'on se posait."
Les hommes, comme je le disais plus haut, sont des mâles. Eddy parle largement de son père dans son chapitre "la bonne éducation". Un père alcoolique qui, à force de s'user à l'usine s'est détruit le dos et passe désormais son temps à boire des pastis devant la télévision. " il ne fallait pas, jamais, le déranger devant sa télévision. C'était la règle..." ou encore " A table, mon père parlait de temps en temps, il était le seul à en avoir le droit." Une famille où l'on ne se dit plus bonjour ou bon anniversaire, un père qui ne comprend pas son fils, qui se moque de lui avec ses amis, terrible, terrible ambiance.
Un univers d'une véritable misère sociale. A ce titre le livre est absolument impressionnant. Tout ce qui est décrit dans cette première partie appelée "Picardie" et qui se déroule dans les années 2000 est d'une violence extrême. Eddy tente dans cet environnement détestable de trouver sa place malgré les railleries incessants du fait de ses manières, du fait de son homosexualité: une terrible jeunesse.
La deuxième partie du livre "L'échec et la fuite", c'est sans doute la partie la plus difficile à lire dans ce livre. Il y a tout d'abord ce chapitre appelé "Le hangar" qui raconte l'éveil amoureux d'Eddy et les relations entre jeunes garçons du village. Les descriptions sont...saisissantes.
Puis, pour tenter de lutter contre son homosexualité dans une période de la vie où l'on peut douter de tout, doute exacerbé par l'environnement sociétal, l'échec, c'est l'échec d'être "normal": Eddy tente de s'inventer une vie d'hétérosexuel et c'est le dégoût de soi-même qui s'ensuit lorsqu'il est avec une fille et qu'il est obligé de passer par un scénario horrible mettant en scène des hommes. Ces passages m'ont un peu dérangés...je l'avoue. Question d'âge?
Le dernier chapitre s'intitule "La porte étroite" et raconte le départ d'Eddy pour Amiens. Changer de vie, s'échapper de ce milieu. Et c'est grâce au théâtre qu'Eddy pourra intégrer le lycée et l'internat.
La suite pour ce qu'on en sait est une belle réussite.
Mon avis sur le livre est assez mitigé. Si j'ai apprécié toute la première partie et la description de ce milieu qu'on ignore, qu'on ose à peine croire réel, la peinture de ce "Germinal" des temps modernes et, par ailleurs, la complexité pour quelqu'un de devenir ce que l'on est (!) et assumer donc sa différence...j'ai trouvé un peu trop "trash" certains passages de la fin du livre. C'est un peu...dur à lire, presque insupportable..
Mais finalement...n'est-ce pas la vie d'Eddy qui était surtout insupportable?
On peut en savoir plus sur Edouard Louis alias Eddy Bellegueule sur son site:
http://edouardlouis.com/
christineb le 02-05-2014 à 21:58:54 # (site)
Comme les romans de Lionel Duroy, celui-ci n'a pas été sans conséquence familiales et sociales pour son auteur: il faut un certain courage pour les écrire.
♥♥♥♥♥
William March a 24 ans lorsqu'il s'engage dans l'US Marine Corps (les fameux "Marines") et vient combattre en France en 1917. Il en aura 40 lorsqu'il publiera cet ouvrage tiré de sa propre expérience de la guerre , roman situé entre le documentaire et la fiction.
Si les livres sur la 1ère guerre mondiale sont légions, l'idée de ce livre est tout à fait originale dans sa forme. L'auteur va présenter la Grande guerre en traitant d'une suite de points de vue, de points de vie...en tout, 113 moments, témoignages des 113 soldats de la compagnie K, compagnie militaire américaine envoyée sur le front de la guerre en 1917.
Le livre commence par une revue d'effectifs...Sont listés les noms et grades de tous les soldats..."soldat Joseph Delaney, soldat Rowland Geers,caporal Jerry Blandford, caporal Pierre Brockett, soldat Archie Lemon...etc". Il y a des lieutenants et un capitaine aussi, et même page 162, le récit du soldat inconnu.
Chaque homme livre donc son témoignage en une ou deux pages, rarement plus: du recrutement sur le sol US à l'embarquement pour la traversée de l'Atlantique, là où l'humeur de chacun est encore positive et optimiste jusqu'aux pires moments des combats et des atrocités. Et puis, les dernières anecdotes concernant le retour au pays, la guerre alors finie. Chaque soldat raconte son vécu, ce sont comme des flashes de vie sur une guerre.
Alors il est difficile d'extraire une histoire plutôt qu'une autre tellement chaque texte est bouleversant et nous fait prendre conscience de la stupidité de cette guerre extrême, où chaque homme n'est qu'un pion obéissant à des ordres aveugles, où chacun tente d'échapper à son destin et où chacun revient meurtri à jamais une fois le chaos arrêté.
J'ai choisi aléatoirement ou presque 3 extraits de ce livre, choix chronologiques pour imager la retranscription de l'avant, du pendant et de l'après de cette guerre inhumaine..(ou trop humaine?). Le premier est sans doute autobiographique même si le soldat cité est le Soldat Joseph Delaney.
" Au début, ce livre devait rapporter l’histoire de ma compagnie, mais ce n’est plus ce que je veux, maintenant. Je veux que ce soit une histoire de toutes les compagnies de toutes les armées. Si ses personnages et sa couleur sont américains, c’est uniquement parce que c’est le théâtre américain que je connais. Avec des noms différents et des décors différents, les hommes que j’ai évoqués pourraient tout aussi bien être français, allemands, anglais, ou russes d’ailleurs."
L'atrocité de la guerre avec Mark Mumford...
" Bernie Glass, Jakie Brauer et moi, quand on a sauté dans la tranchée, on a vu personne sauf un tout jeune Allemand rondouillard qui était mort de trouille. Il était en train de dormir dans un abri et quand on a sauté, les baïonnettes fixées à nos fusils, il est sorti de son abri en courant [...] Jakie l'a rattrapé [...] et Bernie a fait mine de l'attaquer avec sa baïonnette deux ou trois fois, juste pour lui faire peur et je peux vous dire que ça a bien marché [...] Il nous a suppliés dele laisser partir, mais on lui a dit que c'était pas possible [...]Alors il a dit qu'il préférait être tué tout de suite, parce que les Américains tranchaient les mains et les pieds de tous leurs prisonniers. De votre vie, vous avez déjà entendu quelque chose d'aussi idiot? [...] Bernie s'est mis à rire:
- J'ai une idée : on va s'amuser un peu. Dis-lui que d'après le règlement, quand on fait un prisonnier, on doit lui tailler ses initiales sur la peau du ventre avec un couteau de tranchée ! [...] j'ai bien cru que le gamin allait tourner de l'oeil. Il est devenu tout pâle et il s'est mis à gémir[...] et puis il a déboutonné sa tunique et on a vu qu'il portait un ceinturon "Gott mit uns". Jakie le voulait en souvenir. [...] Bernie a dit:
- Tu peux pas faire ça,ça serait du vol.
- Bon d'accord je vais lui acheter alors.
[...] Mais quand Jakie s'est penché pour défaire la boucle du ceinturon, le petit gamin allemand a poussé un cri et lui a tranché la gorge d'une oreille à l'autre avec un couteau qu'il avait caché sous sa tunique !"
D'autres ont eu plus de chance que le dénommé Jakie Brauer. Notamment le soldat Howard Bartow.
" Pendant tout le temps où j’ai été sous les drapeaux, j’ai été pris dans un seul barrage. Je n’ai pas utilisé mon fusil une seule fois. Je n’ai même jamais vu un soldat allemand, à part quelques prisonniers à Brest dans un camp. Mais quand on a défilé à New York, personne savait que je n’avais pas vécu ce qu’avaient vécu les autres gars de la compagnie. Et moi aussi j’ai eu droit aux vieilles gâteuses qui versaient leur larme et aux roses lancées à la tête des combattants, au même titre que Harold Dresser, Matt Passy ou Jack Howie. Faut savoir se servir de sa cervelle dans l’armée si on veut survivre ! »
113 histoires, 113 points de vue qui font de ce roman un témoignage multiforme poignant: récits de combats, récits évoquant le rapport à la hiérarchie, à l'amitié entre soldats, textes montrant l'atrocité de la blessure et de l'amputation, écrit traitant du rapport à la religion dans ce contexte où Dieu est si absent, manifeste patriotique exalté à la gloire des USA, réflexions sur l'atrocité de la guerre...
C'est à lire. C'est superbe.
♥♥♥♥
C'est le premier livre de Stewart O'Nan (parution 1997) qui a été porté à l'écran en 2007 sous le titre "Snow angel" mais qui n'a pas été distribué en France.
Un roman dramatique qui propose une peinture de la société américaine profonde, celle qui est composée de football américain, de Motel, de Burger Hut, de magasin Woolworth et de gros 4x4 genre Maverick, les hommes boivent des bières et regardent les matches des Steelers à la télévision. Cliché ou pas, on est bien plongé au coeur de la WASP, le coeur de la nation américaine originelle.
Pennsylvanie 1974...un meurtre. L'assassinat d'une femme Annie Marchand. C'est sur cet événement détonnant que va revenir Arty (Arthur Parkinson), un jeune adolescent dont la vie a été marquée par cette femme. Tout d'abord, elle a été sa baby-sitter lorsqu'il était enfant puis, c'est lui qui va être un témoin majeur de l'autre terrible épisode de ce roman (...que je vais taire volontairement).
Annie Marchand élève sa fille seule, elle a bien un petit copain (Brock) mais ce ne sera assurément pas le deuxième homme de sa vie. Elle est séparée de Glenn, le père de Tara et leurs rapports sont bien compliqués. Glenn, lui, est une sorte de looser qui a du mal à se stabiliser et qui va de petit boulot en petit boulot. Mais son amour pour sa fille Tara est indéfectible, et il vient parfois s'occuper d'elle.
Le roman raconte donc la tragédie qui va se jouer dans ce contexte familial difficile, dans ses relations tendues qui se nouent entre les personnages.
A côté de cela, on suit la vie d'Arthur, jeune ado de 14 ans, qui fume quelques pétards avec son copain Warren et dont l'activité principale est de jouer de la musique dans la fanfare du lycée. Ses parents se déchirent également et finissent par se séparer et Arthur, grâce à ce déménagement -il vit alors avec sa mère seulement, va chercher le réconfort avec une petite copine nommée Lila.
Voici globalement les deux trames de ce roman assez tragique sur le final. Trames qui tentent de se lier sans jamais vraiment l'être, c'est comme s'il y avait deux observateurs des vies voisines d'Annie et d'Arthur. L'écriture est agréable, souvent ponctuée de descriptions du quotidien, émaillée de moults détails de petites choses de la vie courante. Les rapports souvent conflictuels entre les personnages sont très bien rendus et l'ambiance générale du livre est empreint d'une certaine noirceur. Sur la fin, j'y ai toutefois trouvé un peu de longueur avec ce côté inéluctable d'un cauchemar annoncé.
En tout cas, une jolie découverte de ce prolixe auteur "on ne peut plus américain" à mon sens. Peut-être à relire donc si l'on cherche à se plonger dans cette Amérique profonde. Tous ces romans sont parus aux éditions de l'Olivier.
christineb le 24-03-2014 à 21:24:38 # (site)
Tara? Comme le nom de la propriété dans Autant en emporte le vent, si je ne me trompe?
Bonne semaine.
♥♥♥♥
Une lecture qui m'a été proposée par une élève de ma classe.
C'est un livre autobiographique du célèbre navigateur Yves Parlier qui profite de sa participation à son troisième Vendée Globe (course en solitaire) en 2000-2001 pour raconter sa course autour du monde.
Ce livre est aussi le récit de sa vie depuis sa plus jeune enfance. Yves Parlier évoque sa jeunesse et son cheminement jusqu'à cet énorme exploit sportif. C'est aussi un livre complet et bien écrit qui parle de la mer.
"Partir, comme si je renversais une frontière, pour mieux la reconstruire lorsque je reviendrai. Je sais qu'en mer, il n'y a plus de ruptures. Entre les jours et les nuits qui se succèdent, les semaines et les mois qui courent après le temps. Juste suivre le chemin que me tracent les vents et les courants, le mouvement perpétuel de la Terre autour du Soleil. En mer, lorsque je ne vois plus les côtes, c'est l'infini de la planète qui me regarde avancer. Partir pour un tour du globe, cela ne se compare à rien d'autre. " C'est beau, non?
Ce livre n'est pas simplement un road-book à travers les océans, le récit d'une course ou un manuel de navigation. Yves Parlier parle de ses passions, de ce qui l'a mené à vivre cette vie d'aventurier et à devenir un héros des temps modernes. Question littérature, la lecture dans ses jeunes années du livre d'aventures "Damien" écrit par Gérard Janichon a été prédominante et a été une véritable révélation pour lui.
Au-delà de sa passion de la voile, c'est la passion du sport en plein air, sa communion et parfois son combat avec ou contre les éléments qu'il évoque. Cet homme depuis son plus jeune âge, aime les défis et tous les sports un peu extrême y compris les sports de montagne: le ski, l'escalade ou le parapente. Yves Parlier a le goût du risque. D'ailleurs, le début du livre parle de son accident de parapente qui le handicape et le fait souffrir lors de son tour du monde en solitaire.
Très jeune, dès 12 ans, il construit son premier radeau en bois et en polystyrène et deux ans plus tard, son premier kayak ! Un peu plus tard lorsqu'il cassera son mât, il démontrera encore son ingénuosité à réparer seul avec son propre matériel.
Le 9 novembre 2000, la course démarre des Sables d'Olonne et Yves Parlier file avec empressement à bord de son voilier Aquitaine Innovations. Dès le départ, il est en tête, il bat même un record , celui de la plus grande distance parcourue en une journée (420 miles...record battu depuis). Dans le milieu de la voile, on le surnomme l'extra-terrestre, un surnom qu'il doit à des choix de navigation surprenants, choix qui lui font gagner ainsi des courses au nez et à la barbe d'autres navigateurs prenant des routes plus raisonnables et mesurées. Ses concurrents sur cette course se nomment principalement Michel Desjoyeaux, Roland Jourdain ou Ellen MacArthur.
Durant plus d'un mois, tout ira bien: passant dans l'hémispère sud en longeant l'Afrique et passant le cap de Bonne-Espérance, il franchit le méridien de Greenwich en tête. Mais le 17 novembre 2000, il casse son mât aux abords des îles Kerguelen. Tout chavire et ses rêves de victoire l'abandonnent, malgré tout le navigateur refuse d'abandonner. Le réglement de la course impose une course sans assistance, sans aide aucune, Yves Parlier devra seul affronter son avarie s'il souhaite continuer.
Ayant déjà renoncé à la précédente édition du Vendée Globe, Yves Parlier refuse d'abdiquer cette fois. Il doit réparer son mât, retailler sa voilure; il gagne alors l'ïle Stewart située au sud de la Nouvelle-Zélande. Après bien des péripéties et des problèmes techniques, il réussit à reconstruire son mât en confectionnant un four de fortune et avec uniquement le matériel à son bord (Yves Parlier est ingénieur en matériaux composites)...il repart enfin vers le Cap Horn...il lui reste tout l'océan Pacifique à traverser et l'océan Atlantique à remonter. Rien que ça !
Et les vivres commencent à manquer puisque la prévision était de faire la course en cent jours...Le passage sur le rationnement de l'alimentation et l'épisode de pêche à la dorade est vraiment terrible. Yves parlier se débrouille donc comme...un "Robinson des mers"..allant même jusqu'à consommer des algues pour survivre ! Il arrivera aux Sables d'Olonne avec une carence en acides aminés, cela signifiant que son organisme commençait à consommer ses propres muscles...
Enfin, le navigateur, qui ne sera pas mis hors course, arrivera aux Sables d'Olonne après 126 jours de mer le 16 mars 2001. A la fin de son livre, il parle avec une énorme émotion de son retour sur terre. Revoir ses amis, sa famille, affronter les gens et les médias. Et aussi il évoque l'avenir de son voilier Aquitaine Innovations, voilier avec lequel il aura vécu de nombreuses aventures maritimes et qu'il va vendre pour démarrer un nouveau projet. Assurément une connivence exceptionnelle entre un marin et son bateau.
Un livre qui m'a beaucoup plu et qui m'a fait découvrir un homme attachant, envers qui on peut éprouver beaucoup de respect et d'admiration, une sorte d'aventurier des temps modernes comme on en rencontre que dans les domaines de la montagne et de la mer. Respect!
Et un grand merci à Adélie..!
Après avoir lu "Mapuche" (2012) qui se déroulait en Argentine et "Zulu" (2008) en Afrique du Sud, voici encore un peu d'exotisme au pays du thriller. Caryl Férey est un expert pour tenir en haleine son lecteur et lui offrir à chaque roman un voyage lointain. Cette fois, c'est en Nouvelle-Zélande que le maître du polar français (à mon avis..) situe son histoire.
Dans "Haka", toujours les mêmes ingrédients hormis un titre très emblèmatique du pays visité: un policier déjà expérimenté, avec un passé plutôt tourmenté, une équipe de policiers proches de leur supérieur hiérarchique, une enquête assez complexe qui mêle plusieurs pistes et un final très sanglant où le "bon et juste" ne sort pas sans égratignure. Et toujours aussi la description et l'utilisation pour l'enquête d'une société qui laisse en marge une partie de son Histoire et de ses racines.
Jack Fitzgerald est un policier chevronné d'origine maorie qui vit avec ses blessures, à savoir la disparition de sa femme et de sa fille. Ni lui, ni personne n'a jamais élucidé ces disparitions et c'est ce qui le motive lors de chaque enquête, chaque arrestation...retrouver sa famille et résoudre cette énigme qui le hante, il est entré dans la police pour cela. L'enquête de "Haka" démarre très fort puisque le chef de la police d'Auckland, un dénommé Hickock, le sollicite pour le meurtre d'une jeune femme à qui on a découpé le pubis...et cette atrocité ressemble comme deux gouttes d'eau à un autre crime perpétré quelques années plus tôt...c'est ce que lui apprend le professeur Waitura, une jeune et charmante psycho-criminilogue avec qui il doit travailler. Lui, le quadragénaire solitaire et bourru, se voit obligé d'enquêter avec cette jeune et charmante femme. Le tandem est installé...le sérial killer n'est pas loin...et c'est parti pour 400 pages de suspense !
Ames sensibles s'abstenir bien sûr, car la route est pavée de morts, pas mal d'hémoglobine aussi et le zeste de culturel spécifique à la Nouvelle-Zélande. Les traditions tribales sont parfois très sanglantes...je n'en dis pas plus !
Par rapport à "Zulu" et "Mapuche", j'ai trouvé l'écriture moins élaborée, voire même un peu abrupte et relativement pauvre mais peu importe car il y a aussi une force dans le récit, une intensité qui permet d'éviter de se focaliser sur la justesse ou la beauté des mots. Caryl Férey est un écrivain qui exprime parfaitement une certaine noirceur et on est là pour en prendre plein la..... et se faire embarquer dans un thriller... pas là pour faire de la littérature!
Au final, un bon livre, un bon moment à passer avec peut-être un manque de clarté entre les différents axes de l'enquête et quelques ficelles un peu faciles. C'est un roman moins abouti que ceux que j'ai lus précédemment et qu'il avait écrit...postérieurement !
jakin le 28-02-2014 à 10:26:46 # (site)
Compliments pour la photo du jour et pour cette excellente critique....elle m'a fait pivoter !
Jakin,
christineb le 28-02-2014 à 08:55:44 #
Bravo pour la photo du jour; ce genre de livres me donnerait plutôt des cauchemars...
♥♥♥♥
Les éditions Zulma que je re-fréquente...
" A l'instar de ces fleurs en papier japonais, la ville s'épanouit dans l'élément aqueux. Elle brille, développe des contours improbables, se diffuse comme une tâche d'encre sur un buvard.
Pour le panda, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. il est aussi heureux de voir les deux hommes rentrer qu'il était en les voyant partir. Son truc c'est de garder les bras ouverts. Il ne tient ni ne retient. Il est à prendre ou à laisser, c'est égal."
Cette histoire se passe en Bretagne, on ne sait où exactement plutôt dans l'Arcoat que dans l'Armor, comprenons nous bien si nous ne maitrisons pas parfaitement le breton, dans les terres plutôt que près des côtes. Voici comment Pascal Garnier décrit la ville avec finesse: " Il pleut depuis tôt ce matin, une pluie fine qui s'harmonise parfaitement à la ville, qui lui donne une parfaite élégance, un vernis de respectabilité. "
Gabriel, notre héros, est un voyageur solitaire qui y arrive par le train. Logé dans une chambre d'hôtel, il sympathise rapidement avec la réceptionniste Madeleine, -" Sans être très belle, elle n'est pas laide. Disons qu'elle hésite entre les deux. Mais elle est franchement brune."- et un cafetier appelé José qui a sa femme à l'hôpital. Dans cette petite ville, dans ces petites vies, chacun offre son quotidien en forme de désillusion, de routine et de simplicité. Plus tard dans le roman, Gabriel rencontre un jeune couple en errance et tout ce beau s'acoquine autour d'une histoire sans relief mais racontée non sans charme.
Et ce panda, cette peluche alors? Gabriel, qui est une fine gâchette, la gagne dans une fête foraine installée dans la ville. Avec sa carabine, " les 5 ballons multicolores agités par le ventilateur éclatent un à un.(...) Gabriel a un mouvement de recul devant cette chose noire et blanche qui lui tend les bras en souriant.(...) Ce n'est pas que c'est lourd mais terriblement encombrant. On ne sait pas comment le prendre ce panda, par une oreile? par une patte? à bras-le-corps? (...) La peluche n'en a cure, elle considère le monde et la faune qui l'habite d'un même sourire béat qu'on lui mette la tête en bas ou non ." Du coup, Gabriel offre le panda à José et il trône dans son café le Faro.
Gabriel et José deviennent de vrais amis et c'est ainsi durant tout le roman, ce voyageur de passage dans la cité bretonne entre dans la vie des personnes qu'il rencontre et pour aucun, rien n'est facile ou simple. Lui, il s'intéresse aux autres, à leur vie et leur malheur, toujours prêt à leur faire des petits plats. Cela ne fait pas dans la gaieté, le climat breton rejaillit sur l'ambiance du livre. D'autant plus que le récit est entrecoupé des pans de la vie passée de Gabriel, et, en avançant dans la lecture, on comprend fort bien qu'il y eut un traumatisme qui a poussé Gabriel dans cette forme d'errance bretonne.
J'ai aimé ce roman surtout pour le style de Pascal Garnier, tout en finesse, sa façon de créer une atmosphère très douce et réelle à la fois; dans la façon de raconter les gens simples et de tisser des liens entre les personnages. Un côté provincial charmant, des dialogues très vrais font passer un bon moment avec ce roman. Une belle écriture et la découverte d'un auteur.
christineb le 15-02-2014 à 21:47:35 # (site)
C'est amusant, je viens de poster un article sur un livre paru aussi aux éditions Zulma... Vous parlez de simplicité de l'écriture, cela me tente bien. Bon dimanche.
Je n'irai pas au bout de cette lecture. Ca ne me parle pas. Page 122 tout le monde descend.
A quoi bon se forcer à lire un livre sur lequel on bute (il y a tant d'écrivains à découvrir, de bons livres à lire !)...où chaque page est difficile, où, d'une fois sur l'autre, on ne sait plus très bien de quoi il retourne. Et même le fait de lire un écrivain ayant reçu le Prix Nobel n'y change rien...
J'avais pourtant aimé le pavé, la saga "Beaux seins, belles fesses", histoire qui m'avait entrainé dans la grande Histoire de la Chine du XXème siècle.
Cette fois-ci, on est dans les années 80, c'est une histoire d'amour et de mariage au fin fond de la campagne, province du Shandong, celle où l'on cultive l'ail.
Gao Ma est un jeune homme amoureux de Jinju, une jeune paysanne, il la rencontre discrètement dans les champs car sa famille l'a déjà promise à Liu Shengli dans un mariage arrangé. "Liu Shengli a 45 ans...il ne peut même pas porter un seau d'eau, tu ne vas tout de même pas te donner à de la chair à cercueil !" lui dit Gao Ma alors que Jinju semble résignée...Mais rien n'arrête Gao Ma qui affronte la famille de Jinju et finit par enlever sa belle.
Parallèllement à ceci, on suit l'histoire de Gao Yang qui se fait arrêter par les gendarmes. Mo Yan décrit l'administration corrompue qui maltraite les simples paysans de la campagne et souhaite éteindre violemment une révolte qui poind...
Voilà, je ne suis pas allé plus loin. L'écriture de Mo Yan ne m'a pas emballé, c'est un peu trop "paysan", trop éloigné de mon monde et j'ai trop senti que l'histoire est un prétexte à une dénonciation de la société chinoise, la corruption, l'Etat, la Sécurité. On sent trop les "choses" venir, l'évidence d'un récit qui oppose le Peuple chinois à ses dirigeants. Le style reste très authentique, très "asiatique" avec des descriptions de la nature, une poésie des éléments, de l'environnement paysan...mais ça a été vraiment insuffisant pour me tenir en haleine.
Et donc pas touché du tout par cette mélopée...
" En août les tournesols regardent le soleil
Quand l'enfant pleure on le donne à sa mère
Le Peuplelui s'appuie sur le Parti
Si l'ail ne se vend pas on va trouver le chef de Disctrict."
(Fragment de chanson lors de la mévente de l'ail. )
christineb le 07-02-2014 à 21:51:43 # (site)
Bon... pas sûr que j'ai envie de lire ce roman non plus.
Bonne fin de semaine.
♥♥♥♥
Un livre paru en 2013 aux éditions Anarchisis de Toulouse. Inconnu au bataillon...mais c'est une belle découverte car "Un blanc " présente une grande originalité et pas mal d'humour.
L'idée du roman est de raconter un voyage, une expédition scientifique en Antarctique de nos jours. Constituée par un géologue, un sismologue, un ornithologue, un cyanobactériologue, un climatologue, un ichtyologue...et un photographe, un médecin plus quelques matelots, et encore le sponsor de cette fine équipe qui est conduite par le capitaine de l'Astrofant, un dénommé Adolfin Smitt. L'Astrofant, c'est ce bateau "capable de résister aux tempêtes de la mer la plus funeste au monde". Récupéré auprès de la garde côtière canadienne, l'Astrofant est une sorte de brise-glace qui doit emmener tout ce joli monde fêter l'avènement du nouveau millénaire et tirer un feu d'artifice au plus profond de l'Antarctique. Tout semble parfaitement simple, parfaitement préparé et orchestré. Naturellement il n'en est rien.
L'histoire assez mouvementée du périple est traitée d'une façon très originale. On nous dit dans la préface que "rien n'est inventé"... "que ce livre n'est pas le fruit d'une imagination débordante, de l'application d'un romancier"..." et que sa génèse est due à la découverte des carnets de bord du cuisinier du bateau, un certain Hog Patier mais aussi grâce au récit du capitaine ou bien encore...grâce à l'enregistrement de la conversation du premier officier du bateau dans une séance de contact avec les morts!!! N'oublions pas les notes microscopiques rédifées par la femme-médecin, notes prises sur des bristols de 2,2 x 2,9 cm...Excellent d'inventivité et de second degré...et cela, même si l'aventure se déroule bien en-deçà de 0°degrés Celsius.
Cette expédition va donc être racontée à plusieurs voix dans de courts chapitres, ce qui en fait un roman vif, très inventif et qu'on qualifie par ailleurs de parfaitement givré.Il faut avouer qu'il y a des trouvailles vraiment extra et le rôle et le récit du cuisinier Hog qui est un nain amateur de grosses femmes est tout à fait désopilant.
L'équipage de l'Astrofant va vite connaître une scission, une partie de ses participants dont le capitaine va se retrouver à terre pendant que les autres vont connaître les avaries, tout cela au mileu des icebergs, des pingouins, des ours et d'un coup de froid terrible !
"Un blanc" est vraiment très sympa à lire, très drôle, je ne suis pas coutumier des romans d'aventures quoique je me suis autrefois régalé des romans de JC Rufin ou de Robinson Crusoé qui avaient un caractère historique. La différence ici, c'est que tout est très actuel, très comique et presque possible. Mika Biermann renouvelle et actualise le genre et l'on passe un très bon moment à revivre le périple de l'Astrofant au milieu du froid polaire et des icebergs...
Ps: sur le site des éditions Anarchisis, j'ai apprécié le commentaire suivant...
Librairie Détours, Nailloux
"Si vous lisez Un Blanc, vous ne direz plus jamais que vous avez froid sans un frisson supplémentaire.
PS : La libraire se demande s’il ne serait pas judicieux que les Frères Coen se penchent sur ce texte."
christineb le 30-01-2014 à 22:01:57 # (site)
Une lecture adaptée à l'hiver! Je ne connais pas cet éditeur. Bonne fin de semaine.
Ce livre est à ranger dans la catégorie "Essai romancé", genre que j'ai déjà eu le plaisir de goûter avec les romans de Marc Dugain (le serial killer Kemper dans "Avenue des géants" , Poutine pour "Une exécution ordinaire", Hoover dans "La malédiction d'Edgar" que je compte lire) ou encore de Jean Echenoz (Ravel dans le roman éponyme, Zatopek dans "Courir"). Choisir un personnage, une époque et mêler éléments réels et fictifs.
L'auteur a forcément étudié de près la vie du scientifique Albert Einstein, la très grande bibliographie présentée en fin de livre en atteste. Lettres , biographies et articles de presse ont été utilisés et passés au crible pour faire revivre la vie d'Einstein et de sa famille (Einstein a eu 3 enfants, Liserl, une petite fille qui mourra très jeune, Hans-Albert né en 1904 et Eduard né en 1910).
Ce roman n'est-il donc qu'une énième biographie du savant? Non, puisqu'il n'est pas le personnage central du livre, cette zone d'ombre qui entoura sa vie, à savoir son fils Eduard. " Je suis né un 23 juillet, au matin, à Zürich (...) le mois de ma naissance, la comète de Halley a traversé le ciel (...) comment rivaliser avec un astre? Je m'emploie à résoudre cette question. Je suis né à Zürich, je mourrai à Zürich. Je tourne dans la ville sans trop m'éloigner, comme lié par une force invisible. Je serai la comète de Zürich."
Dès le début du roman, on retrouve le jeune Eduard âgé de 22 ans au Burghölzli, l'hôpital psychiatrique de Zürich. Il y est interné à cause de ses crises de folie: il souffre de schizophrénie. Sa mère, la dévouée Mileva, porte sa croix en s'occupant d'Eduard. "La vie a chaviré. Le monde s'est obscurci. Son nouvel univers se trouve délimité par le tracé de la route qui va de la maison au Burghölzli. Les mois défilent au rythme des internements et des sorties. Elle vient chercher Eduard à la porte du Burghölzli pour le conduire chez elle. Quelques semaines plus tard, un accès de démence ramène Eduard entre les murs."
Jeune et brillante étudiante d'origine serbe, Mileva a abandonné ses études pour se consacrer à ses 3 enfants alors qu'Albert la délaissait dès 1914 pour sa cousine Elsa. Et durant toute sa vie, elle s'occupera de Hans-Albert et surtout d'Eduard à Zürich tandis qu'Albert Einstein vivra à Berlin puis émigrera aux Etats-Unis pour échapper au régime nazi.
Dans le roman, Laurent Seksik retrace en alternance les vies du père Albert, évoquant les périodes historiques qu'il traverse -la montrée du nazisme en Allemagne et le maccarthysme aux USA-, de la mère Mileva, femme délaissée qui consacre son énergie à son fils et celle d'Eduard dans son hôpital.
Eduard a été un brillant étudiant, un musicien doué mais, arrivé à l'âge de 20 ans, tout s'est effondré, il a alors eu des crises de folie et de violence. Le traumatisme de la séparation de ses parents dans sa jeune enfance est sans doute lié à ce trouble. Il passera le restant de sa vie entière à l'hôpital psychiatrique.
A la révélation de la schizophrénie et du premier internement d'Eduard, Albert Einstein rendra alors en 1933 une dernière visite à son fils. (la photo de la jaquette du livre) Puis ce sera le départ pour les Etats-Unis et l'abandon total et le reniement de son fils : " Retrouver son fils le remplit d'effroi. Il doit assumer la terrible vérité. Voir son fils lui est plus douloureux que de ne pas voir son fils. Comment imaginer cela? Comment admettre cela? (...)Il a peur de son ombre. Son ombre, sa descendance. Sa descendance qui vit à l'ombre. A perpétuité."
Eduard lui, délivre ses angoisses et son mal-être. Le mal d'être le fils d'Einstein. " ...d'habitude, les gens n'en ont qu'après mon père, comment papa a découvert la relativité, blablabla, vous connaissez la rengaine...Tout le monde a sa petite idée sur Einstein. Des types comme lui, il n'y en a qu'un par siècle. Hors mon père, je n'ai pas d'existence légale. Qu'ai-je fait pour ne pas exister? Rien. Je n'ai rien pu faire. Il n'y a pas de place dans ce monde pour un autre Einstein. (...) Mon père nous a abandonnés ma mère, mon frère et moi en août 1914 sur le quai de Berlin. Depuis, la guerre est déclarée."
Voici donc mes quelques commentaires sur ce roman entre documentaire et fiction dont je garderai un avis partagé.
Si j'ai aimé l'écriture de L.Seksik pour les passages narrant la folie du fils Eduard et la transcription de son malaise à être le fils du savant, j'ai trouvé le livre assez plat, presque un exercice d'écriture autour de documents historiques et bibliographiques. En exagérant, ce livre est presque un article de Wikipédia qu'on aurait gonflé à l'hydrogène et dont le sujet n'a finalement que peu d'intérêt. Pas mal donc, sans être passionnant.
christineb le 21-01-2014 à 21:48:16 # (site)
Mo Yan? C'est très intéressant et j'attends l'article. Bonne lecture.
christineb le 12-01-2014 à 21:37:16 # (site)
J'ai entendu parler de ce livre mais à vous lire je crois que je ne vais pas me le procurer. Bon début de semaine.
♥♥♥♥♥
C'est une véritable perle livrée dans son écrin bleuté aux éditions Zulma. Perle d'un pays insulaire et froid: l'Islande. Son auteur Bergsveinn Birgisson est spécialiste de littérature médiévale scandinave. Il y a des raisons d'être sceptique...sauf si on vous le recommande chaudement.
Pour ce roman, " La lettre à Helga", le BB local -dont on ne sait pas si il a un attachement particulier avec les animaux, oublie quelque peu son sujet de prédilection, à savoir la mythologie nordique.
Ce livre est juste une lettre, une longue lettre qui est écrite par un vieil homme de 90 ans, Bjarni Gislason. Une lettre qui retrace sa vie, une lettre adressée à Helga, l'amour de sa vie, une lettre trop tardive et inutile aussi...mais si belle, si émouvante et c'est peut-être parce qu'elle est inutile qu'elle est si belle. Il est rare que je sois atteint par autant de sincérité dans une fiction. Touché, presque coulé sous la puissance et la beauté du discours sentimental, celui-ci juxtaposé à la description de la rustique vie d'un fermier islandais et d'une nature sauvage. Pour finir avec ce panégyrique élogieux, voici une lettre que chaque homme amoureux devrait pouvoir écrire.
Toute sa vie Bjarni Gislason a élevé brebis et moutons dans la campagne islandaise dure à vivre. Il y a vécu avec sa femme Unnur, une femme malade qu'il a soutenue tout le long de sa vie. Helga, elle, habite la ferme juste en face celle de Bjarni; elle vit avec un dénommé Halgrimur, un homme rustre passionné par les chevaux et qu'elle suspecte d'aimer encore plus les pouliches de toute l'ïle...
Bjarni le vieil homme plonge dans ses souvenirs, raconte et explique comment il est devenu amoureux d'Helga. Un simple hasard. C'est lors d'une recherche de moutons que les gens les ont vus ensemble...et qu'ils ont commencé à jaser. " J'en ai eu gros le coeur quand la médisance a fait son chemin dans la contrée, ou plutôt, comment dire, la médisance a gonflé sa grosse bulle autour de mon coeur." Bjarni alors ne contrôle déjà plus, l'amour est en lui:" On eût dit qu'une grosse bestiole s'agitait en moi, s'évertuant à imbiber de suc gastrique l'incident suave qui était sur toutes les lèvres et que je n'avais pas eu la chance de vivre, bien qu'il me fût imputé."
Les visites de Bjarni à la ferme voisine sont fréquentes, (de plus en plus fréquentes), Bjarni en plus de son travail sur sa propre terre, occupe l'emploi de contrôleur de fourrage (!) pour la coopérative; il procure des remèdes et du vermifuge pour les animaux d'Helga, trop seule pour gérer la ferme. Bjarni vient également mener son bélier Kutur aux brebis d'Helga. Tout un symbole. Bjarni découvre alors le corps d'Helga. Le ver est dans le fruit. " Tu mis à vif en moi une attirance qui ne fit que s'exacerber et qui pouvait se transformer en brasier à tout moment, sous le moindre prétexte. Si je voyais une bosse de terrain rebondie ou une meule bien ronde, leurs courbes se confondaient dans ma tête avec les tiennes, de sorte que ce n'était plus le monde extérieur que je percevais, mais toi seule dans toutes les manifestations du monde." C'est beau, un vieux paysan qui parle d'amour.
Libéré après tout ce temps du poids de l'adultère, Bjarni , le vieux paysan au seuil de sa vie, livre alors ses souvenirs de l'acte charnel avec Helga. "Réputation et respectabilité, je m'en contrefiche. Qu'est-ce qu'on peut en avoir à foutre quand tout est fini? Tout bien considéré, il faut que j'avoue n'avoir jamais connu d'extase terrestre comparable à nos rapports, là, dans la grange, en ce jour de printemps, éternel dans mon souvenir. Lorsque je pus enfin pétrir tes formes généreuses et me noyer dans la plénitude de tes lèvres en cette brève et bienheureuse saison des amours de ma vie. Ce qui devait arriver arriva..." La suite est très animale, les phrases sont magnifiques, brûlantes dun amour amour sauvage et brute, pleines de rusticité.
L'auteur s'attache également à narrer la vie du vieil homme qui se remémore quelques moments de sa vie de paysan. Des phrases décrivant la nature environnante offrent au lecteur de superbes passages; on y voit la mer tourmentée et le fjord, on y sent le vent de la tempête sur la colline, on voit les moutons brouter ou se serrer dans les enclos, on découvre la vie des hommes sur cette terre hostile qu'ils tentent d'apprivoiser et qu'ils ne peuvent quitter.
Mais l'amour est toujours en toile de fond. Bjarni revient toujours vers le souvenir d'Helga, et même parfois avec ironie. " Te voir nue dans les rayons de soleil était revigorant comme la vision d'une fleur sur un escarpement rocheux. Je ne connais rien qui puisse égaler la beauté de ce spectacle. La seule chose qui me vienne à l'esprit est l'arrivée de mon tracteur Farnall. (...) Tu vois comme ma pensée rase les mottes, chère Helga...".
Inutile d'en dévoiler plus en ce qui concerne le récit, juste dire qu'un exceptionnel roman l'est aussi par son dénouement. Ce livre renvoie aux événements que l'on vit, aux choix que l'on fait pour tout dans sa vie et l'amour n'y échappe pas.
Bjarni, à l'heure du bilan, délivre sa confession et ses mots avec une totale sincérité. L'auteur lui fait délivrer son message avec une poésie brute, animale. C'est magnifique d'émotion et de "littérature".
Voilà pour moi une bien belle découverte et je crois que sans un conseil avisé, je ne me serais jamais lancé dans ce texte. Un livre qu'on aurait aimé écrire et qu'on se contentera d'acheter pour le posséder.
Et Bjarni de terminer par ces mots.
" Je le vois bien à présent, dans la clarté du dénouement, que je t'aime moi aussi."
Ce livre existe en livre audio, lu par Rufus...sans doute très bien.
http://www.audiolib.fr/livre-audio/la-lettre-helga-de-bergsveinn-birgisson-lu-par-rufus
christineb le 03-01-2014 à 21:24:19 # (site)
Une belle histoire pour un début janvier. Bonne année et bonnes lectures!
Encore un récit bien dans la veine des éditions de Minuit. Seulement une centaine de pages, de courts chapitres, des dialogues seulement dans un style indirect, très peu de personnages et une localisation imprécise. Le narrateur est lui aussi un personnage de l'histoire qui n'est pas mis en scène réellement. Il raconte l'histoire sans être présent comme si on lui avait raconté quelques temps après.
Cela se passe en province, là où le mot notaire n'est pas éloigné du mot "notable". Sans doute une petite ville dans la campagne française profonde : il y a un café sur la place principale -le Jolly Café- qui rassemble les jeunes, un collège et un lycée professionnel ; les vieux, eux, ont leur maison de retraite. On imagine des pavillons un peu vieillots, des jardins, une atmosphère désuète, une vie tranquille ou ralentie, il y a sans doute des bois car on y chasse, aussi une rivière non loin avec une centrale hydro-électrique. Près du cours d'eau, c'est paisible, on peut lire sur la rive en se faisant bronzer.
C'est d'ailleurs ce que fait Clemence, la fille de Mme Rebernak. Et c'est aussi ce qui agace Mme Rebernak. Depuis que Freddy le cousin est sorti de prison et est venu reprendre contact avec sa ville et sa famille, Mme Rebernak ne craint plus qu'une chose: que cet homme au sulfureux et glauque passé ne s'en prenne à sa fille. Alors, perchée sur sa mobylette, elle surveille sa fille non-stop dans la petite ville. D'autant plus que se prépare la fête d'anniversaire de Paul, le petit ami de Clémence et également fils du bienveillant notaire Maître Montussaint.
Et à force de redouter quelque chose, il se trouve que cela arrive. Je ne vais pas en dire plus mais...tous ces hommes autour de Clémence. Forcément.
Une intrigue vraiment simple avec un dénouement accrocheur. Bien sûr, le choix du récit avec le narrateur extérieur fait qu'il y a une froideur et une distance par rapport à l'histoire. En même temps cela confère une sensation de drame, il se dégage une pression, comme quelque chose d'inéluctable qu'on sent venir. Notamment grâce au personnage de Mme Rebernak, veuve laborieuse dépendante qui est particulièrement bien campé et qui nous guide vers la catastrophe.
C'est bien mené, j'ai bien accroché à cette grande nouvelle ou ce petit livre (au choix) qui se lit d'une traite (ou deux).
christineb le 28-12-2013 à 21:38:48 # (site)
Je ne connais pas du tout, je vais essayer de trouver ce roman.
"Mauvaise étoile est le 5ème roman de Roger Jon Ellory. Le chouchou de la maison Sonatine a encore frappé. Un peu moins fort cette fois à mon goût.
Après le superbe et poétique "Seul le silence", les romans noirs contextuels comme "Vendetta" (évoquant la Mafia) ou "Les anonymes" (relatant l'implication politique et les méthodes de la CIA), Ellory nous entraine cette fois-ci dans un road-book sanglant qui se déroule au Texas, en Arizona et en Californie dans les années 60.
Reprenant un pan de sa vie personnelle (Ellory n'a jamais connu son père), l'histoire commence par la présentation des deux jeunes héros qui sont demi-frères: Elliott Danziger et Clarence Luckman - "l'homme chanceux... !". Ces deux-là qu'on appellera plutôt Digger et Clay ne sont pas vernis: orphelins dès l'âge de 5 ou 6 ans suite au meurtre de leur mère par le père de Clay , ils vont fréquenter les pensionnats et les maisons de corrections. Elevés dans ce qui ressemble à un univers carcéral éloigné de toute tendresse, la vie ne leur fait pas de cadeaux.
Puis, tout bascule lors leur rencontre avec un certain Earl Sheridan, un dangereux criminel qui va les prendre en otages lors d'une évasion.
Cet événement va précipiter les jeunes hommes vers le mal, dans la voie de la violence extrême et du meurtre.
Les trois personnages s'échappent donc et tentent de fuir la police à travers le sud des Etats-Unis. Et alors commence ce road-book sanglant, l'escalade sans retour, une course effrénée vers la barbarie: agressions, meurtres, viols. C'est inéluctable, une dérive implacable vers l'incontrôlable. Earl Sheridan est un fou sanguinaire qui ne craint plus rien ni personne et il devient pour l'un des deux frères une idole, un modèle...
Les deux jeunes hommes, entrainés donc dans ce bain de sang, vont alors nous montrer jusqu'où va les guider la mauvaise étoile qui les a vu naître et les accompagner lors de leur jeunesse. Vont-ils enfin gagner leur Eldorado, leur vie va-t-elle être un peu plus douce?
Côté police, nous suivrons alors la traque engagée par les agents du FBI Nixon et Koenig et l'attachant et perspicace policier John Cassidy.
On peut reconnaître que chaque roman d'Ellory est différent, qu'il ne tombe pas dans une routine, une sorte de recette d'écriture. Ellory prend des risques et se renouvelle.
Dans "Mauvaise étoile", l'auteur a délibérément choisi la violence comme sujet, montrant l'engrenage de celle-ci, s'appliquant à à surenchérir tout le long du roman jusqu'à la chute finale. Dénouement qui ne manque pas de piment certes ..mais finalement bien long à venir. Il faut vraiment arriver à la page 485...pour être un peu surpris et se dire.."pu.... que va-t-il se passer maintenant? " !!! Ellory s'est un peu éparpillé je trouve et la répétition des meurtres est plutôt lassante; également cette multiplication des personnages secondaires avec le récit de leur vie.
Voilà. Reste que c'est un bon roman...et que je reste un fan inconditionnel de Roger, impatient de lire le prochain ouvrage.
Cette histoire se déroule dans les années 1920/1940 en Algérie, pays qui partageait alors son destin entre deux voies, celle des envahisseurs et colonisateurs français possédant les richesses et l'autre, celle des autochtones, population opprimée et souvent misérable. Deux mondes opposés, contradictoires dans leurs quotidiens et leurs aspirations.
Notre héros est un jeune arabe qui se prénomme Turando. Sa vie commence pour le moins difficilement: privé d'un père qui n'a jamais regagné le foyer suite au choc causé par la Grande Guerre, Turando erre avec famille dans le ghetto de Sidi Bel Abbes car son village a été complètement détruit. Il vit d'expédients, cotoie la misère la plus noire au milieu d'autres jeunes et seuls les plus résistants s'en sortent. Il ne fait pas bon être faible dans cette jungle.
Turando doit apporter à sa famille quelque argent car son oncle, le chef de famille avec qui il est en conflit, le méprise et le pense inutile. Il accepte alors n'importe quel petit boulot, le plus souvent exploité par des hommes méprisants et avides de profit: Turando découvre la bassesse de la nature humaine.
Venant de son bled, le jeune homme ne connait ni le confort ni la modernité de la civilisation. C'est un véritable choc en même temps qu'une fascination qu'il éprouve en voyant Sidi Bel Abbès pour la première fois: les rues, le bitume, les maisons etc...Grâce à des amis du ghetto, il devient cireur de chaussures et se confronte pour la première fois aux français, aux blancs, aux riches. Cela ne lui réussit pas. Malgré tout, suite à une bagarre avec un boxeur blanc, Turando va faire une rencontre déterminante: un colon appelé DeStefano le repère et lui propose de venir s'entrainer dans son écurie de boxe. Turando accepte contre l'avis de son oncle qui ne voit là qu'une forme d'exploitation humaine et qui contredit la religion. De combat en combat, il va alors devenir un champion de boxe, profitant de ce sport comme d'un ascenseur social.
A partir de là, on va donc suivre la vie de Turando, aspiré par la gloire et l'argent, gravissant les échelons jusqu'à aller à Alger pour y disputer le titre de champion d'Afrique du Nord. Véritable guerrier sur le ring, Turando est un sentimental qui n'oublie pas d'où il vient, qui ne renie pas sa famille ni son peuple, finalement constamment tiraillé entre deux mondes qui s'affrontent.
Parallèllement, Turando découvre les femmes et l'amour mais rien n'est simple quand on est amoureux d'une française plus âgée: aux yeux des siens, on trahit les règles de la vie musulmane et aux yeux des blancs, on reste un "bicot" qui transgresse et salit la race blanche.
L'essentiel est dit, inutile d'en dévoiler plus.
Ce roman assez sombre m'a sutout plu pour sa fin, ses 50 dernières pages qui montrent les qualités d'écriture de Yasmina Khadra et offre un dénouement fort en intensité et en lyrisme. C'est beau, violent et tragique, comme souvent chez Y.Khadra. Pour le reste, j'ai trouvé la mise en route du roman un peu longue, une thématique et un contexte déjà visités qui lassent un peu ( cf "Ce que le jour doit à la nuit") et même un peu de similitude dans le vocabulaire employé.
Au final donc... un livre qui vaut pour son final !!!
christineb le 07-12-2013 à 21:15:38 # (site)
Yasmina Khadra, ce n'est pas facile à lire, je trouve, mais très intéressant pour comprendre l'Algérie.
Merci pour cet article.
Commentaires
christineb le 08-06-2014 à 21:59:57 # (site)
Un roman japonais que je ne connais pas. J'ai bien envie de le lire. Merci.