Ce livre est à ranger dans la catégorie "Essai romancé", genre que j'ai déjà eu le plaisir de goûter avec les romans de Marc Dugain (le serial killer Kemper dans "Avenue des géants" , Poutine pour "Une exécution ordinaire", Hoover dans "La malédiction d'Edgar" que je compte lire) ou encore de Jean Echenoz (Ravel dans le roman éponyme, Zatopek dans "Courir"). Choisir un personnage, une époque et mêler éléments réels et fictifs.
L'auteur a forcément étudié de près la vie du scientifique Albert Einstein, la très grande bibliographie présentée en fin de livre en atteste. Lettres , biographies et articles de presse ont été utilisés et passés au crible pour faire revivre la vie d'Einstein et de sa famille (Einstein a eu 3 enfants, Liserl, une petite fille qui mourra très jeune, Hans-Albert né en 1904 et Eduard né en 1910).
Ce roman n'est-il donc qu'une énième biographie du savant? Non, puisqu'il n'est pas le personnage central du livre, cette zone d'ombre qui entoura sa vie, à savoir son fils Eduard. " Je suis né un 23 juillet, au matin, à Zürich (...) le mois de ma naissance, la comète de Halley a traversé le ciel (...) comment rivaliser avec un astre? Je m'emploie à résoudre cette question. Je suis né à Zürich, je mourrai à Zürich. Je tourne dans la ville sans trop m'éloigner, comme lié par une force invisible. Je serai la comète de Zürich."
Dès le début du roman, on retrouve le jeune Eduard âgé de 22 ans au Burghölzli, l'hôpital psychiatrique de Zürich. Il y est interné à cause de ses crises de folie: il souffre de schizophrénie. Sa mère, la dévouée Mileva, porte sa croix en s'occupant d'Eduard. "La vie a chaviré. Le monde s'est obscurci. Son nouvel univers se trouve délimité par le tracé de la route qui va de la maison au Burghölzli. Les mois défilent au rythme des internements et des sorties. Elle vient chercher Eduard à la porte du Burghölzli pour le conduire chez elle. Quelques semaines plus tard, un accès de démence ramène Eduard entre les murs."
Jeune et brillante étudiante d'origine serbe, Mileva a abandonné ses études pour se consacrer à ses 3 enfants alors qu'Albert la délaissait dès 1914 pour sa cousine Elsa. Et durant toute sa vie, elle s'occupera de Hans-Albert et surtout d'Eduard à Zürich tandis qu'Albert Einstein vivra à Berlin puis émigrera aux Etats-Unis pour échapper au régime nazi.
Dans le roman, Laurent Seksik retrace en alternance les vies du père Albert, évoquant les périodes historiques qu'il traverse -la montrée du nazisme en Allemagne et le maccarthysme aux USA-, de la mère Mileva, femme délaissée qui consacre son énergie à son fils et celle d'Eduard dans son hôpital.
Eduard a été un brillant étudiant, un musicien doué mais, arrivé à l'âge de 20 ans, tout s'est effondré, il a alors eu des crises de folie et de violence. Le traumatisme de la séparation de ses parents dans sa jeune enfance est sans doute lié à ce trouble. Il passera le restant de sa vie entière à l'hôpital psychiatrique.
A la révélation de la schizophrénie et du premier internement d'Eduard, Albert Einstein rendra alors en 1933 une dernière visite à son fils. (la photo de la jaquette du livre) Puis ce sera le départ pour les Etats-Unis et l'abandon total et le reniement de son fils : " Retrouver son fils le remplit d'effroi. Il doit assumer la terrible vérité. Voir son fils lui est plus douloureux que de ne pas voir son fils. Comment imaginer cela? Comment admettre cela? (...)Il a peur de son ombre. Son ombre, sa descendance. Sa descendance qui vit à l'ombre. A perpétuité."
Eduard lui, délivre ses angoisses et son mal-être. Le mal d'être le fils d'Einstein. " ...d'habitude, les gens n'en ont qu'après mon père, comment papa a découvert la relativité, blablabla, vous connaissez la rengaine...Tout le monde a sa petite idée sur Einstein. Des types comme lui, il n'y en a qu'un par siècle. Hors mon père, je n'ai pas d'existence légale. Qu'ai-je fait pour ne pas exister? Rien. Je n'ai rien pu faire. Il n'y a pas de place dans ce monde pour un autre Einstein. (...) Mon père nous a abandonnés ma mère, mon frère et moi en août 1914 sur le quai de Berlin. Depuis, la guerre est déclarée."
Voici donc mes quelques commentaires sur ce roman entre documentaire et fiction dont je garderai un avis partagé.
Si j'ai aimé l'écriture de L.Seksik pour les passages narrant la folie du fils Eduard et la transcription de son malaise à être le fils du savant, j'ai trouvé le livre assez plat, presque un exercice d'écriture autour de documents historiques et bibliographiques. En exagérant, ce livre est presque un article de Wikipédia qu'on aurait gonflé à l'hydrogène et dont le sujet n'a finalement que peu d'intérêt. Pas mal donc, sans être passionnant.
Commentaires
Mo Yan? C'est très intéressant et j'attends l'article. Bonne lecture.
J'ai entendu parler de ce livre mais à vous lire je crois que je ne vais pas me le procurer. Bon début de semaine.