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C'est le premier roman de cet écrivain belge wallon que je découvris avec "Agaves féroces". (sorti en janvier 2014), un roman qui m'a beaucoup plu pour son originalité et son style. "Les conquêtes véritables " date de 2008 et est paru aux éditions namuroises...pas vraiment grand public. Mais l'auteur gagne vraiment à être connu.
Ce roman raconte l'histoire (plus ou moins autobiographique?) d'un jeune écrivain qui occupe avec sa famille la maison du grand-père de sa femme récemment décédé (le grand père pas la femme...), la sienne étant en travaux (la maison...toujours pas la femme !).
Dans cette belle demeure bourgeoise, il tente vainement de trouver l'inspiration parmi les livres, claquemuré dans l'immense bibliothèque, dans cette odeur de vieux et de renards empaillés, contemplant les rayonnages et buvant des thermos de café. La bibliothèque n'a qu'un seul thème: elle n'est composée que de livres traitant de Napoléon, de Bonaparte, du petit corse, il n'y en a que pour lui, on y trouve le récits, les descriptifs de toutes ses batailles, Waterloo morne plaine, bien sûr, bien sûr, tous ces généraux, et Blücher et Grouchy, et Cambronne et aussi Joséphine, on sait tout de ses maîtresses, de son art de la guerre, de ses pensées, fictives ou réelles, vous l'avez donc compris, la bibliothèque est peuplée exclusivement de livres, revues, études qu'on a fait sur l'Empereur. Bon, c'est tellement monomaniaque que s'en est stressant pour notre jeune auteur, rêvant de trouver un livre sur un sujet différent...par exemple le macramé...pourquoi pas?
Et c'est d'autant plus stressant pour le jeune écrivain que le grand-père a réussi, lui, juste avant sa mort à écrire un ouvrage.
Le roman est composé de petits textes de deux pages, de quelques paragraphes très vifs, très denses et très drôles, faisant alterner le récit historique de la vie des soldats ou de Napoléon il y a deux siècles et les affres de ce jeune écrivain, coincé dans cette maison qu'il occupe comme un bernard l'hermite. Et l'écrivain a bien du mal à trouver sa voie, à trouver le fil conducteur de son futur roman, il aimerait rendre hommage à son aïeul, au vieil écrivain, se placer dans le contexte de tous ces livres, de toute cette bibliothèque...mais le poids de Napoléon est écrasant. Qu'écrire qu'il n'a pas narré, qu'écrire pour être lu, être intéressant et à la hauteur?
Comme c'est dit dans la préface, l'écrivain se laissent alors aller à des " rêveries et réflexions volontiers incongrues, extravagantes. Et qui ne demandent qu'à s'emballer et extravaguer davantage." Et tout n'est alors "qu'un flux de digressions, divagations, anachronismes loufoques, inventions, exagérations, histoires à dormir debout, coq-à-l'âne et autres élucubrations." On se régale de l'inspiration de Nicolas Marchal évoquant son héros qui en manque cruellement. C'est vraiment très drôle et très surprenant. Tenez quelques exemples...très difficiles à extraire, il y a tant de passages extras !
Le chapitre 20 notamment, là où l'écrivain parle de ses fameux livres qui l'entourent et le hantent..."Ca oui ils ricanent de me voir tout penaud soupirant très emmerdé devant mon écran. Il me pousse des envies." Alors il veut les détruire.." Je te les embarque en bloc dans une camionnette banalisée et j'en fais des paquets que je sers sur une brocante miteuse"...[...] même ceux dont personne n'a voulu je les déglingue dans la Meuse nuitamment plic ploc des petits bruits de merde molle qu'ils feraient dans l'eau sale et les poissons les accueilleraient fraîchement dans l'eau sale vous pouvez me croire [...]... je m'en garderais une dizaine enfin pour les brûler page par page les suicider d'une falaise [...] les pendre au bout d'une corde imbibée de curare dans une cave gazée au monoxyde de carbone, les cribler de balles neuf millimètres ou plus si je trouve, les faire bouffer aux chiens d'un casseur de voitures du côté de Sar-Saint-Laurent (c'est vous dire) les enterrer vifs dans un champ de colza, les déposer sur la Nationale 4 puis les écraser rouler dessus avec un pick-up rouge tout plein de flammèches jaunes [...] tout en klaxonnant ma rage, ou alors, ces maudits bouquins, mais alors là ça serait tout à fait ignoble, je pourrais les lire (carrément)." Quelle inspiration, et quelle pirouette !
Un peu plus loin, l'auteur nous parle de l'enfermement du passionné des livres..." Le livre. Juste au mitan d'un splendide paradoxe. La passion (pour Napoléon, mais encore pour la chasse, les bateaux-mouches, la forme, les déesses incas, les boutons de culotte des plus de 120 kilos, les bardes gaéliques, les voitures de sport rouges) a ceci de particulier que, quand on s'y enfonce: plus on peut la communiquer et moins on peut la communiquer."
Et puis alors? Pourquoi ce titre? Nicolas Marchal, en évoquant Napoléon parle de ces conquêtes militaires mais il parle surtout de l'écrivain avec ses recherches d'inspiration, de style et de sujet. Etre armé devant une page blanche comme devant un champ de guerre? Certains se passionnent pour les batailles de Napoléon, d'autres tout simplement pour les mots...Ceux de l'auteur, avec toute son ironie et sa verve, sont particulièrement plaisants. Ce livre se dévore. Délivrant son message,-son amour de la littérature-, Nicolas Marchal a écrit son premier livre qui est bien plus qu'une grande farce littéraire. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire les réflexions, le cheminement mental, les délires de cet auteur ...
Vive la Belgique !!!
Commentaires
Un roman assez étrange, il me semble, que je lirai peut-être, à moins que je ne l'offre à un admirateur de Napoléon. merci pour ce partage.