Le pivot d'Héricy

Mes critiques littéraires

posté le 11-11-2019 à 12:43:45

Le jour d'avant de Sorj Chalandon

 

 

 Encore un excellent roman du journaliste Sorj Chalandon qui traite d'un thème cher aux gens du Ch'Nord: la mine. La mine et ses mineurs, et plus précisément, Chalandon revient sur la tragédie du 27 décembre 1974. Ce jour-là, à Liévin, un coup de grisou emporte 42 mineurs dans la fosse n°3.

 Cette catastrophe touche tout le pays minier et de nombreuses familles. Parmi elles, la famille Flavent, qui ne s'en remettra jamais, voit disparaître l'aîné de ses fils, Joseph. Le père, l'agriculteur qui avait tenté d'écarter celui-ci de l'attrait de la mine, écrira avant de mourir ce billet à son autre fils Michel: "Venge-nous de la mine".

Michel Flavent, lui, le frère inconsolable que l'on retrouve dans le roman à la fin de sa vie, adorait son grand frère plus que personne au monde. Durant quarante ans, ne faisant pas le deuil de Joseph, Michel va compiler l'ensemble des coupures de presse, cherchant à comprendre les raisons de cette  catastrophe, à trouver un responsable à ces 42 morts. Vivant dans l'idolâtrie, le culte de son aîné, il va garder une trace du passé de son frère, réunir le matériel des mineurs comme des trophées, créant une sorte de mausolée dans son garage.

Alors, complètement détaché des choses de la vie suite à la perte de sa femme, Michel va revenir dans le Nord accomplir la vengeance demandée par son père...mais tout ne va pas se dérouler comme prévu...

La force de ce roman, c'est que l'histoire est absolument véridique ; le texte se lit presque comme un documentaire et c'est une véritable immersion dans le Nord, le monde ouvrier et ses corons. Sorj Chalandon a fait un remarquable travail d'historien contemporain. il nous décrit les conditions de travail des mineurs (la fameuse pénibilité...), le peu de considération des cadres envers le monde minier, la course au rendement qui démarre au plus bas de la hiérarchie. On est presque dans Germinal au XIXème siècle.

De plus, la romance autour de cette catastrophe est complètement plausible, avec une montée progressive de la vengeance et de la rage qu'on sent chez Michel, le livre devient au fil des pages une sorte de thriller social à la française; une fois lu les première pages, on s'attend à tout...et on n'est pas déçu par la trame narrative.

Bravo à Sorj Chalandon pour avoir écrit cet hommage aux mineurs, métier désormais révolu en France mais pas si éloigné de nous (et qui est encore vécu dans d'autres pays actuellement...). Un livre de mémoire et d'une grande humanité, dégageant une profonde compassion pour toutes ces gueules noires..ceux qui ont sacrifié leur vie pour le charbon et la mine.

A lire.... 

 


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posté le 29-10-2019 à 06:07:36

Un seul parmi les vivants de Jon Sealy

   1/2

  Ce roman rappelle la littérature américaine du 20ème siècle, pour ma part, je me suis souvenu de John Steinbeck (les fameux "raisins de la colère") ou bien encore, d'Erskine Caldwell (pour "la route du tabac") et aussi, Jim Thompson avec le superbe "1275 âmes." 

   L'histoire se déroule au temps de la prohibition dans les années 30. On est en Caroline du Sud, pas très loin de Charlotte, dans une bourgade appélée Bell, une petite ville provinciale qui vit du maïs et du coton dans les champs, et aussi du textile pour les usines.  Consommateur de whiskey comme environ la moitié de la population du comté, le vieux shériff Chambers Furman gère avec dilettantisme la contrebande ; il gère également les âmes et veut terminer sa carrière sans trop penser à Alma, sa femme qu'il a si longtemps délaissée. Manque de chance pour sa tranquilité, un double homicide est perpétré devant le bar clandestin du coin, le Hillside Inn, propriété d'un certain Lartham Tull, trafiquant notoire de la petite ville. Tout laisserait à penser que c'est Mary Jane Hopewell, un employé de Tull qui aurait tué ses deux collègues, d'autant plus que le dénommé Mary Jane Hopewell, vétéran de la première guerre mondiale, prend la fuite et qu'il est accusé par le barman du Hillside Inn. Mais cela serait trop simple et le shériff n'est pas convaincu de sa culpabilité.

 Il faut rappeler qu'à cette époque le business du bourbon attise les convoitises et quand on fait pousser son propre maïs, on en distille un peu pour soi...et de là à monter sa petite entreprise...il n'y a qu'un pas! Alors qui aurait pu tuer les deux employés de Tull? Règlement de comptes?

Dans cette Amérique rurale qui est marquée par une grave crise économique et sociale, Jon Sealy raconte une enquête sur les aléas du commerce du whiskey, bien sûr, mais l'intérêt du livre réside dans l'évocation du le contexte et les thèmes sociaux ou psychologiques qu'il aborde: la misère, l'alcool, la famille, l'avenir de la jeunesse, le désespoir...une sorte de Germinal finalement d'une autre époque, d'un autre continent.

  Un très bon roman où l'on ne s'ennuie pas, peuplé de personnages bien campés, qui vont se retrouver mêlés au-delà de l'enquête pour un final éblouissant et...sanglant.

 

 

 

 

 


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posté le 01-10-2019 à 06:04:29

Les assassins de Roger Jon Ellory

 

 

 

 

Un excellent polar, je me suis régalé de cette lecture. Inconditionnel de l'auteur, je n'avais pas lu Ellory depuis plusieurs années (fin 2013), "Mauvaise étoile" m'ayant un peu déçu.

Profitant de mon voyage à New York...je me suis littéralement plongé dans cette histoire de sérial killer. La plume et le talent narratif d'Ellory m'ont tenu en haleine tout du long avec un dénouement extrêmement visuel et cinématographique. Incroyable comme l'écriture d'Ellory me provoque des images, comme je projette dans mon cerveau les scènes d'actions, les personnages...tout ce qui fait que le livre m'envahit, me passionne. D'autant plus que les nombreux crimes du roman (17, 18...) sont perpétrés à New York, comme je l'ai déjà dit, lieu de mon dernier voyage.

 " The anniversary man" est le titre original de ce thriller. Pourquoi ce titre? Tout simplement parce qu'un assassin finit par créer une psychose sur New York en reproduisant méticuleusement des crimes ayant eu lieu dans le passé aux mêmes dates anniversaires ! Seulement le lien n'est pas compris immédiatement par le NYPD. Le fait que ces crimes sordides aient lieu dans différents quartiers de NY qui ont chacun leur commissariat et leurs inspecteurs déroutent la police et empêchent de comprendre que c'est le fait d'un seul meurtrier, le fameux "serial killer"...

  C'est John Costello, un rescapé lui-même d'un tueur dans les années 80 qui renseignera la police. Ce personnage bien étrange ayant réchappé d'un meurtrier au marteau (!), mènera la police sur la piste de l'assassin: John Costello sait tout des serial killers et de leurs forfaits, plongé qu'il est dans une sorte de rédemption depuis sa mauvaise rencontre, c'est un puits de connaissances sur tous les crimes commis aux Etats-Unis. Avec cet informateur mystérieux, l'inspecteur Irving n'aura d'autres choix pour mener l'enquête que de passer au crible tous les tueurs en série des 50 dernières années tout en consultant le calendrier pour anticiper sur les crimes à venir...et si, et si c'était...Costello qui manigançait tout?

  A lire, à déguster et dans presque 600 pages, vous saurez tout de cette histoire policière avec un final particulièrement haletant  (Ellory est un maître du suspense !) Un livre qui m'a provoqué cette rare sensation:  connaître la fin le plus rapidement possible tout en regrettant de quitter l'histoire, poser le livre, espérer que ça dure encore un peu... 

Je recommande !!!! 

 

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posté le 20-08-2019 à 06:15:53

Oh... de Philippe Djian

 

 

 

 

 

 

 

 

Raconter l'histoire d'une femme qui subit un viol quand on est un homme, un sacré pari qu'a tenté Philippe Djian, se mettre à la place de la victime. C'est un peu bizarre quand on y pense...est-ce qu'une femme aurait pu écrire un tel scénario? Car P.Djian  traite dans son roman le post-viol, les conséquences particulières qui le suivent: Qu'est-ce qui peut se passer dans la tête d'une femme qui se fait agresser par un inconnu qu'elle finit par reconnaître? quelle est la part du "fantasme" dans un viol? La réalité est sans doute bien différente...

 

C'est donc l'histoire de Michèle qui est contée: quadragénaire indépendante sans réel souci financier, elle a crée une boîte de productions de scénarii avec Ana, sa meilleure amie, sa confidente (...et malgré cela, elle est aussi l'amante de son mari), divorcée de Richard qui est devenu son ami, et à qui elle reproche de reconstruire sa vie; nonobstant elle est aussi la mère de Vincent, un jeune homme qui s'est mis lui-même dans une situation familiale compliquée, et pour compléter le tout, fille d'un père psychopathe, en prison depuis trente ans pour avoir assassiner les enfants d'un club Mickey sur une plage !!! Rajoutons à ce tableau familial une mère septuagénaire qui sort avec des compagnons plus jeunes qu'elle (une fameuse couguar...!) et qui l'exaspère au plus haut point!!!

C'est l'hiver et Michèle subit donc un viol...mais refuse d'en parler et de porter plainte. S'enfermant dans le silence de sa douleur (peut-être minimisée...), il faut quand meme préparer les Fêtes car c'est la tradition, ne rien changer aux habitudes et réunir tout ce petit monde avec lequel il faut composer ...! En bref, sans raconter l'histoire, on ne peut pas dire que l'univers de la vie de Michèle soit particulièrement simple et serein...D'autant plus qu'il y a ce violeur qui rode...mais qui est-il?

"Oh..." est un roman dans lequel j'ai eu du mal à entrer car il n'est pas simple d'entrer dans l'écriture de Djian. Une écriture que je qualifierais de sèche, bourrée de phrases courtes, très factuelle et avec peu de lien parfois entre les actions. On saute du coq à l'âne entre paragraphes et, au début de la lecture, c'est assez surprenant. De même pour les dialogues qui sont ouverts, écrits de manière traditionnels et ponctués de réflexions des personnages sur leurs propos ou les effets de leurs propos. Enfin, il n'est pas facile de poser le livre, arrêter sa lecture car il n'y a aucun chapitre...tout le texte est en continu...!

Bizarrement, est-ce le thème qui m'a géné ou bien la façon de le traiter, je ne peux pas dire que j'ai adoré ce livre mais il ne m'a pas laissé insensible. Le suspense autour de Michèle m'a tenu en haleine et tout le long des événements familiaux qui se succèdent, on sent la tension du personnage principal. C'est habilement fait. Un bon roman qui offre un dénouement insolite!

 


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posté le 11-08-2019 à 06:24:36

Petit pays de Gaël Faye

 

 

 

 

 

Je ne sais vraiment pas comment cette histoire a commencé.

C'est la première phrase du livre autobiographique de Gaël Faye, chanteur, écrivain du Burundi. 

L'histoire se déroule dans ce petit pays d'Afrique de l'est, peuplé d'une dizaine de millions d'habitants. Etat cousin, ancienne colonie belge et jeune pays limitrophe du Rwanda, il  est composé comme celui-ci de deux ethnies dont on a malheureusement entendu parler lors du génocide rwandais: les Tutsis et les Hutus.

 

On est en 1992 et Gabriel, 10 ans, est un enfant métis, fils d'un papa français expatrié et d'une maman rwandaise tutsi. Papa et maman ne s'entendent plus très bien mais cela n'empêche pas trop Gabriel et sa soeur de grandir dans un climat bienveillant. Autour de lui, un groupe d'enfants, des hutus, des tutsis, tous insouciants, pleins de vie, rieurs et joueurs. Gabriel, métis français, grandit dans la juxtaposition des deux cultures. "Petit pays", c'est la joie de l'enfance qui est racontée et tout le charme de l'Afrique et sa nature, ses traditions, ses couleurs: c'est le récit de la beauté des paysages, voire même de ses odeurs tellement l'écriture de Gaël Faye est heureuse, belle et véridique. On s'y croirait ( moi, en tout cas qui n'ait jamais visité l'Afrique Noire). Tout le début du roman est une succession de moments de joie, d'anecdotes heureuses: la circoncision des copains jumeaux, le vol des mangues, la récupération du vélo volé, la correspondance scolaire...etc.

 

Mais l'insouciance laisse la place aux craintes d'une contagion de la guerre car les deux pays sont très liés et les populations hutus et tutsis très mèlées, c'est la peur d'une reprise et extension des combats interethniques.

" Les après-midis d'ennui finissent enfin par expirer à petits pas fuyants et c'est dans cet intervalle, dans ces instants épuisés que je retrouvais Gino devant son garage, sous le frangipanier odorant, et qu'on s'allongeait tous les deux sur la natte du "zamu", le veilleur de nuit. On écoutait les nouvelles du front sur le petit poste grésillant. Gino ajustait l'antenne pour atténuer la friture. Il me traduisait chaque phrase, y mettait tout son coeur."

  Et c'est la deuxième partie du livre qui commence alors, on bascule petit à petit dans l'horreur, la guerre reprend et fait tâche jusqu'au bout de cette impasse protégée du monde, là où tous les personnages et tous les enfants, toutes ethnies confondues, vivaient fraternellement. Alors il n'y a plus d'arrêt possible à la sauvagerie, aux vengeances, aux meurtres et les familles sont déchirées. Ce qui se passe et s'est passé au Rwanda contamine le monde de Gabriel au Burundi. Extrait.

"- Tu as vu ce qu'ils ont fait à nos familles, au Rwanda, Gaby? a repris Gino. Si on ne se protège pas, c'est eux qui vont nous tuer, comme ils ont tué ma mère.

[...] ...j'étais perturbé par ce qu'il venait de révéler sur sa mère. Je me disais que son chagrin était plus fort que sa raison. La souffrance est un joker dans le jeu de la discussion, elle couche tous les autres arguments sur son passage. En un sens, elle est injuste."  

 

 

  Grâce à la lecture, au récit de Gaël Faye, j'ai passé un superbe moment en Afrique avec cette alternance du début du roman, plutôt très joyeux et la fin tragique dans son ensemble ...un petit roman mais un grand livre plein d'émotions qui se lit d'une traite (un trajet en avion en Bulgarie a presque suffi...!). Un voyage passionnant et noir (j'en rajoute) qui nous renvoie à l'européen, l'homme blanc et toute la période de la colonisation qui a tracé des frontières absurdes et déclenché des conflits par intérêt mercantile.

Merci à Gaël Faye pour ce beau livre émouvant, fort et subtil dont voici les dernières lignes...

Le jour se lève et j'ai envie de l'écrire. Je ne sais pas comment cette histoire finira. Mais je me souviens comment tout a commencé.  

 


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posté le 29-07-2019 à 14:45:14

Soumission de Michel Houellebecq

 
 

Encore un Houellebecq et je ne m’en lasse pas. Encore un héros français désenchanté. Encore un quadragénaire qui traite son mal de vivre à coups de cigarettes et d'alcools, Et encore le tout dans dans une société et une civilisation sur leur fin. Un ensemble pouvant mener porter à la névrose. 

Cette fois-ci le héros se prénomme François et est un professeur d’université parisien reconnu, expert de l’écrivain Joris-Karl Huysmans (1848-1907). Il s’est passionné dans ses années d’études pour l’œuvre et s’identifie à son auteur. Au cours du roman, François se retrouve seul, plongé dans ses réflexions après le décès simultané de ses parents et le départ pour Israël de son amie. Un personnage qui aime les plats surgelés et qui ne supporte pas les détecteurs de fumée dans les chambres d’hôtel ou dans les monastères, François a tout des critères du héros houellebecquien.

Le contexte de l’histoire est assez, voire très politique car ce sont les élections présidentielles et le climat est tendu, le deuxième tour opposant une certaine Mme Le Pen  à Mohamed Ben Abbes. Résultat, suite au ralliement des socialistes, un président musulman est élu en France.

Les changements dû à l'islamisation de la société ne vont pas tarder à intervenir et pour François ce sera la fermeture de l’université Paris III où il enseigne. Effectivement, les enseignants devront désormais être musulmans. Renonçant à embrasser la foi musulmane, le professeur se voit offrir de partir en retraite avec une énorme pension : l’Arabie Saoudite finance désormais les universités. Il n’a donc plus d’emploi. Définitivement seul et sans raison de vivre, François va alors noter les transformations de la société, voyageant dans le sud-ouest, dans le Poitou (une tentative de retraite à l’abbaye de Ligugé avorte) ou dans les Alpes pour régler l’héritage de son père.

Bien sûr, Houellebecq, avec ce roman (rappelons que c’est un roman sans vérités absolues…mais ne serait-ce pas un essai plutôt?) que certains pensent prémonitoire, aborde un sujet particulièrement épineux quant au futur de notre société européenne, judéo-chrétienne. Alors, c’est délicat, c’est polémique et ça ne plait pas forcément, ni pour les musulmans qui y voient une critique, ni pour les chrétiens ou les athés qui voient une menace. Pour pousser le bouchon un peu plus loin, il choisit un titre provocateur à son roman: « Soumission ». Si on s'arrête à cela (au titre et au côté sulfureux de l'auteur), on peut craindre le pire et on risque une très mauvaise interprétation de ce que ce livre est..

En commençant la 5ème et dernière partie du roman, et après quelques longueurs il me semble, (et aussi, comme à son habitude, on retrouve quelques pages "trash")  on rentre dans le vif du sujet avec cette phrase de l’ayatollah Khomeyni «  Si l’islam n’est pas politique, il n’est rien ». Houellebecq livre alors une fin tout à fait remarquable à ce livre, donnant des pistes et des explications aux choix de l’islam, à l’interprétation du Coran, à la force de cette religion qui s’impose (ou s’imposera) alors, universelle le tout avec beaucoup de dérision et de cynisme.

Son héros, lui, sans plus grand-chose à attendre de la vie, ne trouve finalement que des avantages à céder aux appels de l’Islam…et vit une fin au conditionnel : « une nouvelle chance s’offrirait à moi ; et ce serait la chance d’une deuxième vie, sans grand rapport avec la précédente. Je n’aurais rien à regretter».

Vous non plus en lisant ce livre, vous 

ne regretterez rien, soit vous continuerez de le détester (mais au moins vous aurez fait un effort et votre propre jugement ), soit vous serez heureux d'avoir lu un roman très optimiste en fait !


 


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posté le 17-04-2019 à 06:29:11

Travail soigné de Pierre Lemaitre

 

 1/2 

 

 

  Une enquête, -la première du commandant de police Camille Verhoeven dans cette "trilogie Verhoeven"-, pour arrêter le tueur en série qui s'applique à reconstituer les crimes atroces que la littérature policière a pu inventer.

  Sans les détailler tous car certains (me) sont parfaitement inconnus, le meurtrier s'inspire donc des écrits de James Ellroy ("La dahlia noir") ou de Brett Easton Ellis (American Psycho") pour réaliser les crimes les plus sordides que leur imagination a crées. Des cadavres de femmes dans des situations scénarisées au maximum sont retrouvés, le tueur reconstituant avec minutie chaque crime abject inventé dans l'esprit des auteurs de polars.

  Tout commence dans l'enquête à Courbevoie en 2003 avec un double meurtre de prostituées, et là, Verhoeven se trouve donc confronté avec toute son équipe à un crime inhabituel: on écarte rapidement les milieux mafieux, les macs de ces chères dames et finalement toute l'équipe se retrouve le bec dans l'eau....pas d'indices, rien, rien, rien sauf que...le lien avec le livre ""American Psycho" est fait grâce à un libraire spécialisé dans les polars. Pour faire court et ne pas tout dévoiler, c'est en recherchant donc dans la littérature que l'énigme va être débouée...

  L'enquête est menée par Camille Verhoeven qui présente la particularité d'être très petit (par la taille) mais pas par la personnalité puisqu'avec son aura compensant sa petitesse, il dirige efficacement sa brigade composé de quelques inspecteurs compétents et sait se faire respecter de sa hiérarchie. Et puis, parallèllement à l'enquête, on suit dans ce roman la première grossesse d'Irène, l'épouse de Verhoeven: grossesse compliquée d'autant plus que Camille le commandant n'est pas très disponible et qu'il culapabilise de ne pas accompagner plus sa femme...

  "Travail soigné", titre du roman qui qualifie ces crimes et aussi qualificatif de l'écriture de ce polar qui m'a plu sans vraiment m'emballer. Un sérial killer, normalement ça détonne et ça s'emballe!!!...mais là, c'est assez mou. Est-ce parce que l'enquête remonte le temps et qu'aucun nouveau crime n'est commis après le premier au début du livre? Possible. Est-ce parce que "Travail soigné" est le tome 1 d'une trilogie et que l'auteur s'est efforcé de camper chaque personnage avec application Possible. Du coup, ça nuit au rythme, c'est un peu ...laborieux et "bateau": j'ai cru vivre comme à la télévision une enquête policière dans une mauvaise série française...Quant au final....c'est un peu bâclé, une "pirouette", l'impression que l'auteur ne savait pas comment finir adroitement une fin tragique (reconnaissons qu'il n'est pas simple de faire gagner le Mal...).

A lire éventuellement mais rien à voir avec la délectation du superbe roman "Au revoir là-haut".

 

 

 

 

 


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posté le 05-03-2019 à 06:26:51

Sérotonine de Michel Houellebecq

 

 

 

 

C'est tapi dans l'ombre de Florent-Claude Labrouste que se cache Michel Houellebecq, l'écrivain qui dérange notre actuelle période trouble et anxiogène. Impossible de lire ce roman sans penser que le personnage central du livre, un homme de 46 ans, ingénieur agronome et dépressif solitaire ne pourrait pas ressembler un tant soit peu à notre trublion anthopologue.

 L'histoire commence en Espagne, c'est absolument drôle et remarquablement écrit mais c'est principalement en France, et notamment en Normandie ou, entre Paris et la Normandie, que se déroule ce roman. Un récit qui nous fait suivre les pérégrinations de Florent-Claude, un homme qui lutte pour la vie, un homme dépourvu d'envie et plus particulièrement d'envies sexuelles et amoureuses puisqu'il consomme des anti-dépresseurs dont les effets secondaires agissent sur sa libido. 

 Pour Florent-Claude, il s'agit de faire le décompte des charges, faire le bilan d'une vie d'homme, de sa vie amoureuse et de nous faire découvrir les femmes qu'il a aimées, ou tout du moins tenter de le faire: Yuzu, Kate, Claire et Camille. Aucun mariage, aucun divorce si ce n'est le divorce d'un homme avec la vie, une rupture avec le bonheur, sans reproche et sans concession. Parlant de Claire, il écrit "Claire a eu sa part de mélodrame sans véritablement s'approcher du bonheur- mais cela qui le peut? pensait-elle. Plus personne ne sera heureux en Occident, plus jamais, nous devons considérer le bonheur comme une rêverie ancienne, les conditions historiques n'en sont tout simplement plus réunies."

 L'analyse est certes désespérante, clinique, ultime et un peu vrai pour chacun d'entre nous, à différents niveaux, celui de Florent-Claude étant situé sur l'avant-dernière marche et peut renvoyer chaque lecteur à sa propre conception du bonheur. Un peu plus en avant dans le roman, après de très belles lignes nostalgiques où Houellebecq décrit son Amour et ses conditions pour Camille (le bout du quai 22 de la gare Saint-Lazare.), voici encore: " J'ai connu le bonheur, je sais ce que c'est , je peux en parler avec compétence et je connais aussi sa fin, ce qui s'ensuit habituellement. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé comme disait l'autre  [...] la vérité est qu'un seul être vous manque et tout est mort, le monde est mort et l'on est soi-même mort, ou bien transformé en figurine de céramique, et les autres aussi sont des figurines de céramique, isolant parfait du point de vue thermique et électrique, alors plus rien absolument ne peut vous atteindre, hormis les souffrances internes, issues du délitement de votre corps indépendant [...] il y a juste que j'étais seul , littéralement seul, et que je ne tirais aucune jouissance de ma solitude...". C'est beau ldésespoir quand c'est si bien décrit. 

 Il y a dans ce livre quelques très belles pages, des lignes d'écriture qui provoquent un peu l'admiration pour cet écrivain si dérangeant. Personnage médiatique qui joue des médias et de lui-même, oui? Et alors? Lire ces pages c'est presque à chaque chapitre être confronté à une part de soi-même un peu oubliée par le tourbillon de la vie et nos préoccupations quotidiennes; lire Sérotonine a été une somme de moments délicieux, à déguster, sachant qu'à chaque fois que j'allais prendre le livre, j'allais me sentir amusé, porté et transporté, dans état de réflexion et qu'à chaque fois que je le reposerai, je serai admiratif et heureux d'avoir lu de belles et longues phrases. Un moment de bonheur, somme toute.

 Dans ce livre, à travers la description du monde rural. il y a aussi la description d'une certaine France, celle d'avant, celle des paysans qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts et dont certains de leurs représentants vont jusqu'au suicide. Accablés de dettes, de normes européennes, de l'incompréhension des pouvoirs publics et des consommateurs, il semblerait qu'on ne puisse rien pour eux, comme un cachet de Captorix (le nom de l'anti-dépresseur) ne peut rien pour soigner Florent-Claude.

 Alors même si la thématique générale de ce roman -comme souvent pour Houellebecq- pourrait porter certains à ne pas oser lire ce livre -ou bien, seraient-ils dérangés par le personnage?-, je vous recommande la lecture de Sérotonine, peut-être désespérant mais éminemment singulier.

 


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posté le 26-12-2018 à 06:13:58

Pour mémoire d'Alain Genestar

 


Un beau cadeau d'anniversaire, vraiment très bon choix que cette lecture, témoignage tragique d'une femme exceptionnelle à qui la France a rendu un vibrant hommage en cette année 2018. 

Paru un mois avant sa Panthéonisation, ce petit ouvrage écrit par Alain Genestar (rédacteur en chef de Paris Match, du JDD) retrace la visite du camp d'Auschwitz de Simone Veil avec sa famille. Cette visite faite en 2004 avec 2 de ses fils et 6 de ses petits-enfants est retranscrite avec une émotion toute singulière qu'on peut parfaitement comprendre. 

 Ouvrage plein de retenue, de pudeur, de classe, ce petit livre de 70 pages paru chez Grasset est composé de deux parties: la première, écrite par le journaliste, présente le projet et le déroulement de la visite pleine d'émotions. La deuxième partie est l'interview qu'Alain Genestar a recueilli de Simone Veil après la visite.

 Document témoignage, il faut pouvoir imaginer l'effort surhumain (un de plus!) que Mme Veil s'est infligée en revenant à Auschwitz: les images qui ont pu revenir en tête, repasser à l'endroit où les trains arrivaient, où se postait Mengele qui faisait la sélection, les cris les aboiements des chiens, les ordres des Nazis, la faim, le froid, les images du trvail forcé à creuser des fossés ou etc...

 Alors pourquoi revenir? On dit que le coupable revient sur les lieux de son crime, c'est beaucoup moins vrai pour la victime. L'explication , c'est sans doute le directeur du musée d'Auschwitz qui la donne dans cette phrase : "Ce n'est pas le passé qui a besoin de notre mémoire, mais l'avenir". Car, effectivement, Simone Veil, en s'infligeant ce retour, a tenu à faire envers sa famille cet acte de transmission de la mémoire, "une façon de souder entre nous quelque chose de très profond". Et pour tout le monde et notamment la jeunesse qui grandit dans une Europe pleine de tensions et de dérives nationalistes, dire qu'il ne faut rien oublier, ni pardonner.

 Pour mémoire, un livre reportage poignant d'une grande dame pour une grande cause. 

 

 


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posté le 24-12-2018 à 06:33:10

Le ghetto de Wilno

 

  Un livre acheté à la bibliothèque du mémorial de la Shoah à Paris basé sur le témoignage historique d'Avrom Sutzkever, poète juif écrivant en yiddish et ayant survécu au génocide organisé par les nazis dans la ville de Vilnius (Wilno en polonais car la Lituanie faisait à cette époque partie de la Pologne).

Ce livre fait partie d'un recueil de témoignages appelé "le livre noir" "dos shvartse bukh", élaboré par le comité antifasciste juif. et écrit par 38 auteurs témoins de l'extermination des populations juives. L'ensemble de ces témoignages a pu servir lors du procès de Nüremberg et Avrom Sutzkever y témoigna en 1946.

  L'auteur est né en 1913, il avait donc 28 ans et venait de se marier lorsque les nazis allemands ont crée 2 ghettos à Wilno pendant l'année 1941. Rappelons que la Pologne a été l'enjeu d'un partage en 1939 entre l'Allemagne et la Russie, qu'elle s'est faite envahir totalement, Wilno passant alors sous le contrôle de la Russie. Puis, en juin 1941 les Allemands attaquent la Russie et dans un premier temps conquièrent des territoire à l'est, dont Wilno appelé aussi "Jérusalem de l'Est". Les Juifs, nombreux dans cette partie de l'Europe, berceau de leur culture, n'ont alors pas le temps de s'enfuir et de gagner la Russie. Les populations non-juives lituaniennes accueillent alors les Allemands comme des libérateurs.

  Ce livre, qui est en fait un témoignage des atrocités subies par les Juifs de Wilno, est d'une puissance incroyable. On a du mal à pouvoir penser que l'Homme (mais les nazis étaient-ils encore des hommes?) peut se livrer à une telle barbarie; aucun animal ne pourrait inventer un tel machiavélisme, ne pourrait être aussi cruel, et même si certains animaux doivent tuer pour se nourrir.

  Par rapport à cela, et la mise en place du système de ghetto mis en place par les nazis, on ne peut être qu'admiratif de la résistance et de l'organisation de la population juive pour survivre. Car durant les trois années de persécutions des nazis allemands, les Juifs ne vont cesser de vivre, à tous prix; Sans parler de l'inventivité et de tous les stratagèmes pour survivre (trouver de la nourriture, se soigner ou bien cacher, épargner les siens...), la vie suit son cours  à l'intérieur du ghetto: une école est créee, la vie artistique suit son cours avec l'oganisation de concerts de pièces de théâtre et d'expositions. Incroyable. Plus la barbarie était source d'angoisse, plus elle motivait les gens à vivre normalement.

Certains ne restent pas sans combattre; ils risquent gros...et la vie de leurs semblables en cas  la Résistance  aussi s'organise. Certains meurent en héros, en martyr. Les Juifs de Wilno ne se sont pas laissés faire.

En septembre 1943, les Nazis Allemands décidèrent de liquider le ghetto: les Juifs survivants furent envoyés en Estonie ou dans d'autres camps d'extermination: une horreur. Des rafles sélectives, des tueries, des éxécutions sommaires, des crémations et l'ordre d'Himmler de tout  faire disparaître, de tout brûler Terrible témoignage. il fallait déterrer les "figuren"( ce sont des cadavres enterrés qu'il est interdit d'appeler corps ou hommes), parfois à mains nus, vider ces charniers, les nettoyer (fouiller les poches, arracher l'or) et les brûler. Puis, récupérer les os encore visibles pour les réduire en cendres à tamiser.Les Nazis faisaient faire ce travail par des Juifs...C'est fou. 

 

Un livre d'une véracité extraordianaire où les chefs bourreaux Nazis sont nommés  et ont été poursuivis avec plus ou moins de succès (Martin  Weiss, prison à vie, responsable de la traque des Juifs, Franz Murer, surnommé le bourreau de Wilno, acquitté après deux procès etc...). Je me pose cette question: combien savait, combien ont pu participer à cette horreur et retourne à leur vie avec tous ces secrets abominables en tête?

 


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posté le 30-10-2018 à 06:31:29

Les fugueurs de Glasgow de Peter May

                                                     Autant j'ai été séduit par ma première lecture d'un roman de Peter May, autant ce roman ne m'a pas vraiment emballé. Comme un exercice de style ou un reportage journalisitique dans une histoire qui ne m'a pas convaincu. 

 

  Pourtant le "pitch" est aguicheur: Il y a 50 ans environ puisque l'action se déroule en 1965, 5 copains dans le vent, tous musiciens, organisent un départ en forme de fugue (puisqu'ils sont mineurs) et tentent l'aventure musicale à Londres. Ils ont formé un groupe de rock appelé "The Shuffles" qui fait des reprises, en particulier des Beatles. Evidemment (ou pas), tout ne se déroule pas comme prévu lors de leur voyage et ces jeunes garçons ne se retrouvent pas autant dans le vent que d'autres contemporains plus talentueux...Outre les problèmes d'argent, il y a les problèmes de coeur, de drogue et ils sont l'appât des mauvaises rencontres. Et puis, et puis, puisque nous lisons un policier,  un crime est commis avant l'éclatement du groupe.

  2015 donc 50 ans plus tard, 3 vieux briscards de la bande tentent à nouveau l'aventure pour donner des des explications à cette histoire.      Un crime, un autre, vient d'être commis et l'on va reprendre une deuxième fois le chemin de Londres avec le groupe en partie reconstitué. Certes, c'est assez rocambolesque puisque les "vieux" héros sont un tantinet arthrosés: Jack, le narrateur, embarque son neveu pour conduire la deuxième équipée; Dave s'extirpe de son triste contexte social en tentant de contrôler son alcoolisme chronique; Maurie, quant à lui, est en phase terminale et va devoir s'échapper en fauteuil roulant de l'hôpital pour intégrer le groupe (la scène de l'évasion a un côté très "club des cinq" !)...tout est prêt pour revivre le passé...

  De chapitre version ado en chapitre version senior donc, on va suivre les héros dans leurs voyages à travers l'Ecosse et l'Angleterre. Et bien que le livre soit assez intéressant puisqu'il dépeint à 2 époques différentes le Royaume-Uni avec l'engouement musical des sixties et le côté social (Peter May fait un peu penser à Ken Loach), je l'ai trouvé vraiment pauvre au niveau de son intrigue. Je n'ai jamais vraiment adhéré à ces personnages trop convenus et caricaturaux. La fin, quant à elle, est poussive et un peu mièvre...c'est vraiment tiré par les cheveux !

 


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posté le 18-09-2018 à 06:45:05

Fugue polonaise de Beata de Robien

 

 

Pour qui s'intéresse (ou bien est curieux, voire nostalgique) de l'époque de l'après-guerre dans un des pays du bloc commmuniste, ce livre peut vraiment plaire. C'est l'histoire de Bashia, une jeune fille de 16 ans, étudiante brillante en littérature et en Français pour lequel elle voue une véritable passion. On peut aisément comprendre pourquoi: sa maman a quité la Pologne pour la France et Bashia n'en a aucunes nouvelles.

Alors Bashia vit dans un grand appartement avec sa grand-mère, son père Karol et son oncle Roman ainsi que leur vieille servante restée attachée à la famille; une famille qui, avant le temps des Soviétiques, faisait partie de la bourgeoisie du pays. Ayant subi une migration à la suite de la refonte des frontière russo-soviétiques à la fin de la 2ème guerre mondiale, la famille Zborawska a été obligée de quitter leur grande maison pour la vie en HLM à Cracovie.

On est en 1953 (mort de Staline) et la Pologne vit sous administration communiste, le pays étant complètement sous le joug des russes. Pour l'exaltée jeune fille Bashia, pas facile de vivre dans un pays de privations, de délations et d'endoctrinement. D'autant plus que sa famille ne fait pas partie du Parti au pouvoir et est donc dans le collimateur de la police politique. Plusieurs raisons à cela: personne, sauf le père de Bashia qui est médecin, ne participe à la construction ou reconstruction de la Pologne; la famille Zborawska est issue de la bourgeoisie; l'oncle Roman refuse de travailler et critique le régime et enfin, la petite Bashia est plutôt révoltée dans son lycée et voue une admiration sans faille pour la France.

A tel point qu'elle tombe amoureuse de Christian, un jeune garçon français, communiste idéologiste qui vient découvrir le pays. Forcément, tous les 2 ne voient pas l'avenir de la même façon. Pour lui, le communisme c'est un idéal, l'espoir d'une société plus juste; pour elle, c'est un monde de sanctions et de délations où elle n'a aucun avenir et qu'il faut fuir absolument. Difficile histoire entre eux d'autant plus qu'elle découvre avec lui l'amour...et qu'il n'est pas partagé de la même façon.

Ce livre, facile à lire et riche historiquement, est remarquable. Il est bourré d'humour. La critique acerbe de la société communiste pose le décor historique et les événements sont soit tristes, soit truculents. Du vécu, assurément. Les personnages, hauts en couleur, ont chacun leur rôle: certains emboitent le pas au régime totalitaire et obtiennent des compensations et un relatif confort matériel, d'autres sont dans la contestation et subissent la suspicion et les représailles.

La fin qui se déroule en 2001 est vraiment très surprenante...mais n'en disons pas plus. A lire donc, je recommande ...et spécialement pour celles et ceux qui connaissent un peu la Pologne! 

 


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posté le 19-04-2018 à 05:55:17

L'homme de Lewis de Peter May

 

 


C'est à Barcelonnette dans la vallée de l'Ubaye, bien loin des rigueurs climatiques des îles Hébrides écossaises que j'ai découvert ce roman et cet auteur. Un vrai bon roman, franchement je me suis régalé. "L'homme de Lewis", je m'en suis rendu compte après le choix dans l'excellente librairie "Imaginez" est le 2ème tome d'une trilogie écossaise, mais il n'est pas obligatoire de lire le premier opus pour le savourer.

 

 Elément omniprésent, incontournable parmi ceux décrits par Peter May dans cette nature sauvage, la tourbe, cette matière qui se décompose et que l'homme utilise pour se chauffer, va être le lieu de découverte d'un cadavre. Ca pourrait être un départ d'intrigue tout à fait banal mais là, il se trouve que le corps du jeune homme retrouvé est dans la tourbe depuis au moins 55 ans...et qu'il est en parfait état. Enfin, presque, suffisamment pour qu'on y trouve quelques renseignements: l'homme a été étranglé, on lui a aussi tranché la gorge, sur l'avant-bras droit, il possède un tatouage d'Elvis Presley avec la mention Heartbreak Hotel (titre de 1956) et sur la peau de son dos, la couverture a déteint et a laissé la trame d'un tartan. Et puis L'ADN révèlera la parenté du corps avec un vieux monsieur appelé Tormod qui n'a plus toute sa tête...

  Parallèllement à ce crime, Fin MacLeod, ancien flic démissionnaire, retourne sur l'île de son enfance à la suite du décès de son fils à Glasgow. Et c'est à lui que le flic de service sur l'ïle va s'adresser pour dénouer cette énigme et fouiller le passé qui entoure le vieux Tormod.

 

  Je ne veux pas en raconter plus car l'intrigue est vraiment originale et savamment dosée entre l'histoire familiale de l'enquêteur (la perte d'un enfant, ça plombe une vie...!), le poids du passé (Fin, en revenant sur l'ïle...a eu une autre vie), les traditions insulaires et le contexte politico-religieux (l'antagonisme entre catholicisme et protestantisme). C'est une vraie réussite d'écriture car l'auteur alterne les chapitres du récit de l'enquête avec ceux racontés par Tormod qui va fouiller au fond de son cerveau pour nous faire revivre son enfance sur lîle de Lewis. Se souvenir, certes, mais tout est très confus chez Tormod, frappé par cette maladie gérontologique qui rend la mémoire très approximative voire faillible.

  Et puis, Peter May est un maître pour décrire la lande et le vent. Ce roman est un beau voyage dans les terres septentrionales d'Ecosse, là où les hommes d'une nature forte et rustique s'accomodent d'un environnement rugueux qui leur ressemble . "Le chuchotement de la mer emplissait la nuit. Elle semblait souffler, comme soulagée de ne pas avoir, pour un temps, à remplir son rôle d'élément sans cesse en colère. Une lune presque pleine était perchée dans le ciel et illuminait le sable et l'eau d'une lumière qui accentuait sur leurs visages à demi éclairés les zones d'ombres et les vérités enfouies. [...] Une poésie nocturne, portée tout au long de la plage par des vagues lentes, bouillonnantes comme la source d'Hippocrène." (source des Muses dans la mythologie ndlr).

  Un policier donc avec une intrigue qui nous tient en haleine jusqu'aux dernières pages mais pas seulement; j'ai aussi beaucoup aimé l'écriture sobre de Peter May...j'y reviendrai assurément.

 


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posté le 10-03-2018 à 04:16:03

En attendant Bojangles d'Olivier Bourdeaut

 

 

 

 

 

  

 Un livre qui fait danser les sentiments, j'ai adoré.

"Mes parents dansaient tout le temps, partout. avec leurs amis la nuit, tous les deux le matin et l'après-midi. Parfois je dansais avec eux. ils dansaient avec des façons vraiment incroyables, ils bousculaient tout sur leur passage, mon père lachait ma mère dans l'atmosphèrela rattrapait par les ongles après une pirouette, parfois deux, même trois. Il la balançait sous ses jambes, la faisait voler autour de lui comme une girouette, et quand il la lâchait complètement sans faire exprès Maman se retrouvait les fesses par terre et sa robe autour comme une tasse sur une soucoupe.

 

  C'est grâce à l'émission de François Busnel "La grande librairie" que j'ai découvert l'auteur Olivier Bourdeaut. De belle manière, il venait présenter son nouveau roman " Pactum salis". Et puisque son premier livre avait fait le buzz, il me prit l'envie de lire cet énigmatique "En attendant Bojangles".

  Mais qui est donc Bojangles...? Et bien c'est le nom d'un homme , "Mister Bojangles" et aussi le titre d'une chanson.

"I knew a man, Bojangles and he danced for you..." 

Et c'est sur cette chanson interprêtée par Nina Simone que danse à tout bout de champ un couple fou d'amour, composé de 2 personnages ô combien fantasques. L'histoire d'une famille qui s'aime, insouciante et déjantée.

  Dans cette famille, on ne pense qu'à faire la fête, vivre au jour le jour, boire des cocktails et faire fi des contingences et des règles, car tout est guidé par le plaisir et la douce folie de la maman qui donne le ton.  Chez eux, (..d'ailleurs, comment s'appellent-ils? On ne le sait pas mais juste que, chaque jour, le père donne un nouveau prénom à son épouse.)...chez eux, donc, on peut dire merde à la maîtresse d'école du fiston et ne pas s'excuser auprès des emmerdeurs pollueurs de la vie. ici, pas de ronchonchon admis.

 Le plus souvent, c'est l'enfant qui raconte l'histoire de sa famille, une histoire comico-tragique, loufoque et dramatique. Et puis, comme le père, après avoir fait fortune en étant "ouvreur de garages", est devenu écriivain, on lit partiellement le manuscrit qui va devenir le livre dans le livre. Alors c'est gai, c'est joyeux, c'est rigolo, l'écriture est virevoltante et poétique, c'est plein d'une candeur qui charme, les mots, les phrases s'enchainent dans ce récit du bonheur d'une vie de famille. Chaque page de ce livre révèle un trésor...( par conséquent, il m'est trop difficile pour citer un extrait!).

  Mais tout n'ira pas si bien jusqu'à la fin du roman car la douce folie qui, pour autant qu'elle va sublimer la vie de cette famille, va aussi la désorganiser, la désunir, la mortifier..dans son amplification ultime. 

  A vous de découvrir et de vous émerveiller de ce livre et de cette fin, belle et riche en émotions. 

 

"Certains ne deviennt jamais fous...Leurs vies doivent être bien ennuyeuses."

Charles Bukowski 

 

PS: à signaler, "En attendant Bojangles" est devenu une pièce de théâtre  (théâtre de la Pépinière à Paris) et si vous avez adoré le texte, vous adorerez la mise en scène et la superbe interprétation des 3 comédiens. 

 


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posté le 10-02-2018 à 06:27:12

Histoire d'un allemand de Sebastian Haffner

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  Ce livre, qui décrit l'arrivée du nazisme, a été écrit en 1938 en Angleterre puisque l'auteur s'y exila juste avant la guerre; chose extraordinaire, il ne fut publié qu'en l'an 2000. Il rencontra alors un énorme succés. Un livre qui le mérite vraiment.

  Sebastian Hafner est un simple conteur de son histoire mais qui est bien évidemment l'Histoire, la grande et tragique, l'Histoire d'un peuple et l'Histoire du monde...L"Histoire d'un allemand " est un titre bien modeste car c'est l'histoire d'un bien grand nombre. Quittant l'Allemagne nazie, le journaliste allemand ne se sent pas bien à l'aise avec son attitude, qui est celle de beaucoup d'Allemands à l'époque, il semble un peu culpabiliser. "Je vais conter l'histoire d'un duel...entre deux adversaires très inégaux: un Etat extrêmement puissant, fort impitoyable et un petit individu anonyme et inconnu."

 Toujours est-il que ce récit de souvenirs est un intense témoignage prémonitoire, écrit en 1938; il est une exceptionnelle explication du comment et du pourquoi l'immense majorité des Allemands ont suivi Hitler sans être intrinséquement des nazis, comment s'est construit cette folie collective..

  Dès 1919 et la sortie de la guerre, Sebastien Hafner et à travers lui, l'Allemagne, n'a pas compris sa défaite. Il compare sa douleur d'avoir perdu la guerre, lui, encore un enfant qui "doute quant à la validité des règles du jeu" et Hitler, caporal pendant la Grande Guerre, à qui cette défaite ne fait  éprouver que "rage, défi et la résolution d'entrer en politique". Et il ajoute: "Je ne puis m'empêcher de trouver la maturité du garçon de 11 ans supérieure à celle de l'homme de 29. Quoi qu'il en soit, dès cet instant, il était écrit que je ne serai pas en bons termes avec le troisième reich hitlérien.

  Après l'effondrement militaire allemand et la traité de Versailles qui humilie la nation, le peuple allemand, se sentant trahi par ses chefs militaires et politiques, va finalement basculer et faire naître le nazisme. S.Hafner explique parfaitement à travers son histoire singulière le destin de son pays. La jeunesse allemande, bercée par 4 années d'ivresse patriotique et belliqueuse, ne pouvait s'engager avec le mouvement des communistes rouges qui" voulait tout prendre, tuer les parents s'ils avaient de l'argent et installer un régime terrible comme en Russie".

  Démilitarisée, l'Allemagne vit des heures pénibles dans sa reconstruction et en 1919, S.Hafner décrit les troubles dans le pays (émeutes, grèves, attentats, putsch), parlant même d'une révolution, passage de l'Histoire forcément très méconnue chez nous, peuple français victorieux et également en pleine reconstruction. Les conditions étant réunies, l'auteur s'étonne que les allemands ne créérent pas dès cette année la troisième reich. Il évoque le fait que le peuple allemand  "qui fait sans nul doute preuve d'une bravoure exemplaire sur le champ de bataille devient couard ds qu'il s'agit de s'opposer à l'autorité". Intéressante remarque qui en dit long sur la différence entre Allemands et Français !

  En 1921, un homme surgit sur la scène politiques , c'est Walter Rathenau. Industriel issu d'une famille juive, Hafner le décrit comme un homme brillant 'il aurait pu être philosophe allemand en 1800, un roi de la finance internationale en 1850, un grand rabbin...". Pour Hafner, l'homme de la situation pour l'Allemagne. Mais son destin et celui de l'Allemagne tout autre, puisqu'il fut assassiné. Le pays se choisit un autre guide plus tard, malheureusement.

  La 1ère partie du livre mentionne toutes les conditions qui ont favorisées l'émergence du nazisme et S.Hafner: la crise économique (responsabilité imputée à l'étranger), les années ultra-sportives 1924, 1925,1926 où "le nombre de licenciés et de spectateurs fut multiplié par 10" et où l'auteur indique qu'un record en athlétisme  "provoquait exactement les même sentiments naguère que 20 000 russes faits prisonniers" - une sorte de folie collective qualifiée "d'abrutissement soudain, manifeste et généralisé de la jeunesse" et et dont les hommes politiques de tout bord n'avaient de cesse de faire des louanges. Et puis Hafner déplore le manque de culture, de dialogue et de débat d'idées des Allemands dans les années 20. sa faible aptitude à la vie privée et au bonheur individuel; pour lui, "seule une minorité entend quelque chose à la vie et se montre capable de lui donner un sens". D'où cette ivresse collective naissante...

  Le nazisme se met en place et Hafner a des mots absolument terrible. Terrible et magnifique. Qui peut aussi bien décrire cette folie qu'un Allemand, un homme qui a vécu de l'intérieur ces événements et cet avènement? Hitler devint chancelier. "Certes, c'était dans l'air depuis longtemps. Il fallait s'y attendre. Et pourtant, c'était tellement irréel [...]. L'espace d'un instant, je sentis presque physiquement l'odeur du sang et de la boue qui flottait autour de cet homme, je perçus quelque chose comme l'approche dangereuse et révulsante d'un animal prédateur..." De nombreux passages du livre sont magnifiquement écrits, l'intensité du texte est incroyable.

  Un peu après, les premières mesures prises contre les Juifs en 1933 passent presque dans un certain anonymat, une apathie collective. Hafner évoque bien ce fait en ces termes: la remise en cause de la cohabitation des Hommes sur terre ". C'est le boycott de tous les magasins. Et puis, "une campagne d'information contre les Juifs. Des tracts, des affiches, des réunions informèrent les Allemands qu'ils étaient dans l'erreur en tenant les Juifs comme des êtres humains. " !!!

L'horreur des propos (puis des actes) n'allait pas s'arrêter là (on le sait bien), et même si elle suscita l' effroi de certains, elle convainquit le plus grand nombre, et souvent par la force.

  S. Hafner, qui sent la menace et qui se déclare "aryen", ne boycottera ni sa petite amie juive Charlie , ni Frank son meilleur ami juif également. Les anecdotes qu'il raconte sont toutes plus affligeantes les unes que les autres et montre que ces nazis ont véritablement effectué une "chasse à l'homme". Terrible de réalité.

  Je pourrais reciter, récrire tant de passages de ce livre historique exceptionnel. Je concluerai cet éloge pour ce texte par une question plus globale que pose S.Hafner, d'une beauté simple pour le commun des mortels:

" Qu'est-ce que l'histoire? Où se joue-telle?

L'histoire de la décennie présente apparaît alors comme un tournoi d'échecs entre Hitler, Mussolini, Tchang Ka¨-Chek, Roosevelt, Chamberlain, Daladier et quelques douzaines d'hommes dont les noms sont plus ou moins dans toutes les bouches. Nous autres, les anonymes, sommes tout au plus les objets de l'histoire, les pions que les joueurs d'échecs poussent, laissent en plan, sacrifient et massacrent[...] et paradoxalement "les décisions historiques qui comptent vraiment se jouent entre nous, les anonymes, dans le coeur de chaque individu placé là par le hasard, et qu'en regard de toutes ces décisions simultanées, qui échappent même souvent à ceux qui les prennent, les dictateurs, les ministres et les généraux sont totalement désarmés."

  Voici un bien beau message pour notre vie, notre comportement personnel dans la société, un regard particulier et qui renvoie à l'actualité alors que notre monde parait en danger ou dangereux (sans doute une crainte due à la surmédiatisation récente). Non pas qu'il faille s'alarmer, mais il est important de penser que malgré Trump, Kim yo-Jong ou Daesh, c'est bien nous, chaque jour, qui faisons peu ou prou l'histoire des hommes.

 

 


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