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Un excellent policier ethnologique à la manière de Caryl Férey. Et comme Férey (lauréat du prix polar SNCF 2005 pour Utu, policier se déroulant en Nouvelle-Zélande, au pays des maoris), Ian Manook a obtenu pour ce roman exotique le même prix en 2014. Et comme Férey dans ses nombreux polars, l'intrigue mèle étroitement la culture, la politique et l'Histoire du pays...et pour Yeruldelgger c'est un beau voyage en Mongolie que nous offre l'auteur. (mais pas... en train, malgré son prix).
Notre héros, Yeruldelgger, est un commissaire de police mongol; très franc-tireur, à la fois craint et haï par sa hiérarchie, c'est un homme redoutable, écorché vif, un homme en colère depuis la mort de sa fille 5 ans auparavant. Une histoire non résolue qui a détruit la vie familiale du policier.
Les événements qu'il va avoir à affronter le ramènent dans son passé puisque Yeruldelgger doit enquêter sur la mort d'une fillette retrouvée enterrée dans les steppes mongoles, loin d'Oulan Bator, la capitale. Et puis, coïncidant avec cette affaire, trois Chinois sont assassinés dans une usine, une scène du crime assez violente, mais ça met dans l'ambiance...Et puis encore, alors que c'est la fête des amoureux pour les Chinois, deux prostituées sont atrocement tuées, rasées, le corps tailladé de croix gammée...un bilan lourd pour un jeu d'intrigues très complexes.
Franc-tireur, mais pas complètement isolé dans la police, Yeruldelgger se voit aidé d'une équipière appelée Oyun, sorte de jeune intrépide super héroïne et de Solongo, son amie amante, médecin légiste, une vraie pro. Connaissant parfaitement le "milieu" et la société mongole, entouré de cette équipe de choc, notre policier presque sans foi ni loi va tenter donc de résoudre toutes ces affaires.
Et franchement, durant les 600 pages qui vont nous livrer moultes péripéties et rebondissements, on se régale. Un roman super rythmé, la plupart des chapitres sont assez courts, les scènes d'action nombreuses et parfaiement écrites...on s'y croirait! Et dans ce thriller parfois "trash" certains passages de lecture sont assez violents (...remember Gengis Khan), bien à l'image de la rudesse de ce pays de montagnes et de déserts!
Particulièrement bien documenté sur la vie en Mongolie, Ian Manook va aussi transformer ce polar en véritable guide de voyage: avec Yeruldelgger, vous en saurez un peu, voire beaucoup plus des croyances et traditions de cet étrange pays rural; et même au niveau culinaire, dans ce pays de buveur de lait fermenté de jument et autre thé au beurre salé, vous n'ignorerez plus rien de la cuisson des marmottes dans lesquelles on doit insérer des pierres pour les cuire de l'intérieur !!!
Dans une nature omniprésente autour d'Oulan Bator où l'homme est parfois tiraillé entre progrès et traditions, ce roman livre un tableau exceptionnel de ces lointaines contrées. Et pour ajouter encore une corde à son arc (ça peut être utile pour chasser le yak ou l'ours!), "Yeruldelgger" n'oublie pas le contexte géopolitique de ce pays longtemps occupé par les Russes et maintenant terre de convoitise des voisins chinois.
A lire donc. A noter que l'édition de poche présente le premier chapitre de la suite, "Les temps sauvages"...et que ça donne bien envie de s'offrir un nouveau voyage en Mongolie.
Un polar à l'ancienne très agréable à lire avec tous les ingrédients pour passer un bon moment: l'ouest américain comme un territoire qui a ses propres codes et lois, un détective privé spécialisé dans les affaires d'adultère, reconnu dans sa ville de Meriwheter et qui s'adonne (le mot est faible) à la boisson, des connections entre la police, le job et la petite mafia locale, des trafics en tous genres...
Pour cet opus (qui mérite sûrement la lecture d'autres épisodes), Milo Milodragovitch, notre héros (ou anti-héros) au coeur solitaire, a comme mission de retrouver la trace d'un jeune homme disparu depuis plusieurs semaines. Et c'est sa très belle soeur Helen qui va proposer ce job à Milo...qui en tombe irrésistiblement amoureux.
Une histoire où il y a des morts, des bagarres et des fusillades, des règlements de compte, des enquêtes annexes pour Milo qui doit retrouver le jeune Richard Duffy. On passe pas mal de temps à entrer et à sortir des bars, - c'est là que Milo obtient ses infos dans la petite ville, à récupérer notre héros avec des castagnes dantesques et à cautériser les plaies à coups de verres de whiskey.
Les personnages rencontrés tout au long du livre sont tous des cas, des marginaux de tous types (tenanciers de bars, anciens flics véreux, magouilleurs, truands du crime organisé, ex avocat devenu alcoolique, jeune femme en errance, caïd bagarreur...). Et le personnage de Milo est assez croustillant également puiqu'il a un fils élevé par le chef de la police locale avec qui il entretient des rapports professionnels et familiaux assez tendus...
Chaque rencontre du détective assoiffé pour faire avancer les recherches plonge un peu plus notre héros dans une sorte d'errement solitaire qui ne fait pas bouger l'enquête. L'auteur s'amuse avec les personnages et les situations cocasses, nous entrainant dans un road-bar-trip savoureux et un peu déjanté qui vaut par la qualité de ses dialogues et un style incisif. Fausse piste, qui porte bien son nom avec une traduction approximative "The wrong case", mérite une lecture de vacances où l'on ne cherchera pas à tous prix à savoir comment l'énigme sera résolue mais à passer un bon moment dans l'Ouest américain à courir après une vérité bien difficile à établir...une ambiance de cinéma en noir et blanc...
Et puis, subitement, après quelques trois cents pages dans la vie du fameux Lilo Milodragovitch, on découvre le pourquoi du comment...
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Prenant comme pseudonyme le nom d'un volatile pour son personnage principal, Jean Echenoz nous indique que le burlesque donnera son plein dans cette comédie policière.
Gérard Fulmard habite Paris et a 46 ans; sans enfant, sans famille, aucun lien social à part une visite régulière chez un psychiatre qu'il soupçonne de s'intéresser plus à ses émoluments qu'au bénéfice d'une quelconque thérapie. Demandeur d'emploi. c'est en passant devant l'agence de détective Duluc qu'il décide de lancer sa propre affaire: le Cabinet Fulmard Assistance. Il est vrai que Gérard passe son temps devant des films policiers et a, il le pense, une bonne connaissance du métier d'enquêteur. Il ouvre donc sa petite entreprise chez lui, rue Erlanger dans le 16ème arrondissement de Paris. Les clients n'affluent pas et l'on voit bien, après une première sollicitation pour une recherche de personnes puis une entourloupe où il se fait piéger et manque d'y laisser sa vie que Gérard n'est pas plus habile pour le rôle d'enquêteur qu'un fulmard le serait pour vivre dans nos contrées tempérées(...le fulmard est un oiseau marin de l'hémisphère Nord).
Et puis, parallèllement à cet anti-héros, Jean Echenoz choisit de nous entraîner à l'intérieur des organes d'un micro-parti politique : la FPI (Fédération Populaire Indépendante.) On se demande d'ailleurs ce que ce parti peut véhiculer au niveau "populaire" puisque son bureau, ses dirigeants habitent vers Neuilly dans un complexe ultra sécurisé et réservé aux nantis. Et, on se demande, vu la faune qui compose cette nomenklatura dirigeante, si l'auteur ne s'est pas inspiré du clan Le Pen. En tout cas, il y a des remous à la tête de la FPI et un bon nombre de dirigeants aimeraient bien prendre la succession du maître à penser, un dénommé Franck Terrail, bien fatigué de la politique et de la vie. Et pour faire une bonne transition à la tête d'un parti, il est parfois bon d'éliminer le ou les gèneurs...surtout lorsqu'on trouve un homme de main, un peu naïf mais motivé par son rôle à jouer.
On retrouve dans "Vie de Gérard Fulmard" le style inimitable de Jean Echenoz et sa lecture est toujours une vraie jouissance; inconditionnel, j'y ai retrouvé son talent de composer de belles phrases, à rebonds, l'utilisation d'un vocabulaire méticuleusement choisi et l'art de faire des digressions truculentes. A lire et à déguster les anecdotes sur la rue Erlanger, lieu de vie de notre Gérard...
A classer dans la catégorie "policier" pour l'histoire et son intrigue, quelques éléments empruntés au genre, mais un policier écrit par Jean Echenoz ne peut en être un seulement et c'est ce qui fait son charme.
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J'ai toujours apprécié les romans policiers exotiques de Caryl Férey qui combinent les intrigues politiques et le contexte politique des pays où se situent l'action: l'Afrique du Sud avec Zulu, l'Argentine avec Mapuche.... Caryl Férey est un grand voyageur et cette fois c'est au fin fond de la Sibérie qu'il entraine son lecteur.
Avec Norilsk, l'auteur n'a pas écrit un policier bien qu'il en détaille le synopsis à la fin du livre. Norilsk est un récit de voyage mettant en lumière l'action de l'homme sur une des régions les plus désertiques du monde et assurément la plus froide et sûrement la plus polluée.
Alors, qu'est-ce qui pousse Caryl Férey à partir dans cette région du monde où il n'y a rien ? Une sorte de challenge, animé d'une certaine curiosité, celle du voyageur, l'envie de découvrir en deux semaines ce bout de terre situé en Sibérie, à trois cents kilomètres au nord du cercle polaire. Il faut avouer que passer deux semaines dans la plus grosse cité minière du monde avec un froid pouvant aller jusqu'à - 60°c...c'est excitant! Et pour l'accompagner dans cette "mission", Caryl convainc son ami appelé "La Bête", une sorte de pied nickelé, un grand escogriffe borgne qui, par ses péripéties va égayer le récit.
Rallier la Russie et plus encore la Sibérie n'est pas une mince affaire...car sans autorisation du FSB (ancien KGB), impossible de se rendre à Norilsk, elle est interdite aux touristes étrangers ou même russes. Cette ville est un ancien goulag alors...forcément, les Russes n'aiment pas trop les visiteurs étrangers. et puis, et puis, il y a les activités industrielles! Norilsk regorge de minerais et est le plus grand site mondial de'extraction de nickel. Pas simple d'entrer un monde de culture totalitariste où la statue de Lénine est encore bien présente, témoin d'une Histoire révolue.
Mais, une fois arrivés, c'est pour plus simple pour les deux deux voyageurs: chaque pays a ses codes et, comme il ne faut pas éborgner l'image ancrée à celle des soviétiques: Caryl férey nous parle des propensons stratosphériques des russes pour la boisson. Que peut-on faire à Norilsk sinon boire? En tout cas, une belle façon de sympathiser pour nos deux larrons en foire qui n'hésitent pas à croiser le verre de vodka avec les ouvriers, les mineurs, s'inscrivant presque dans la tradition russe du "zapoï". Cette tradition qui semble encore bien ancrée dans les campagnes russes et qui consiste à se saouler pendant plusieurs jours de suite...Ils n'iront toutefois pas jusque-là. Mais cela leur permet d'être au plus près de la population locale ouvrière travaillant dans les mines. Les deux Français sont accueillis avec surprise mais beaucoup de chaleur (!), normal dans cette glaciale contrée. "Norilsk me rappelait Roubaix, une ville à qui l'on a cassé la gueule et qui couvait des trèsors d'humanité." nous dit Caryl férey.
Mais boire n'est pas la seule occupation, les deux amis, acompagnés d'une charmante hotesse appelée Bambi vont découvrir la ville-usine où autrefois 500 000 prisonniers furrent contraints d'extraire le nickel, le cuivre, le charbon...Alors le paysage est plutôt mortifère avec ses usines désaffectées ou pas, ses pylônes, ses poteaux, ses champs de pipe-line ou autres carcasses métalliques laissées à l'abandon au bas de terrils fumants. Quel spectacle ! Quelle désolation. Mais cela existe bien sur notre planète...quelque part, dans l'Est.
De ce voyage extraordinaire, "Inoubliable" d'après l'auteur, le voyageur rapportera quelques cailloux, de splendides photos (la jaquete est superbe) et le souvenir de belles rencontres humaines.
A lire pour ceux qui aiment l'Est, le récit d'un voyage atypique dans un monde inconnu du grand public
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Un livre assez insignifiant et l'où on n'a qu'une hâte...en finir! Rien d'emballant dans ce déballage d'anecdotes "Point de vue, Images du monde" ! Un dur commentaire mais je n'ai pas compris au final, l'idée directrice qui a généré ce livre...Comme quoi, il ne suffit pas d'être académicien pour passionner les foules.
Ce roman m'a attiré pour son titre et par le pitch historico-politique ( la période transitoire 4ème / 5ème République, l'exil d'une russe blanche, les ballets roses dont je n'avais jamais entendu parler) ...et m'a bien déçu, n'y trouvant qu'un "court" (heureusement) fourre-tout, prétexte à une prose ampoulée voire pédante.
En gros, pour faire simple...l'auteur a voulu, en présentant le personnage de la comtesse Berdaiev, exposer les collusions, les influences, les dérives ou petits arrangements et l'éventuelle fragilité et chute du pouvoir politique : ce pouvoir qui permet tout, contrôlant la police ou la justice (jusqu'à une certaine limite), attirant à lui tout à la fois le milieu journalistique, l'aristocratie ou bien encore le milieu de la prostitution de mineurs ! Vaste sujet...vastes sujets...
Trois parties pour ce roman dont les titres sont un peu curieux:..."les nuits d'Ibiza" (ce qui est juste le lieu de rencontre de la comtesse avec un amant) où vous pourrez trouver un maelstrom des personnages du roman..."la chamane de Sibérie" , partie très historique qui présente la famille et les amis de la comtesse russe, la fameuse chamane faisant une révélation d'une importance toute relative pour la trame du roman (mais...y'en a t-il une?) et enfin..."autonomie d'un scandale", troisième partie bâclée où l'on revient "un peu" dans le sujet de l'affaire politique. ( réactualisée, qui pourrait être dans ses conséquences, une sorte d'affaire DSK).
En bref, un petit ouvrage de 220 pages de blabla avec une galerie foisonnante de personnages , de verbiage pompeux et franchement...inintéressant.
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