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Prenant comme pseudonyme le nom d'un volatile pour son personnage principal, Jean Echenoz nous indique que le burlesque donnera son plein dans cette comédie policière.
Gérard Fulmard habite Paris et a 46 ans; sans enfant, sans famille, aucun lien social à part une visite régulière chez un psychiatre qu'il soupçonne de s'intéresser plus à ses émoluments qu'au bénéfice d'une quelconque thérapie. Demandeur d'emploi. c'est en passant devant l'agence de détective Duluc qu'il décide de lancer sa propre affaire: le Cabinet Fulmard Assistance. Il est vrai que Gérard passe son temps devant des films policiers et a, il le pense, une bonne connaissance du métier d'enquêteur. Il ouvre donc sa petite entreprise chez lui, rue Erlanger dans le 16ème arrondissement de Paris. Les clients n'affluent pas et l'on voit bien, après une première sollicitation pour une recherche de personnes puis une entourloupe où il se fait piéger et manque d'y laisser sa vie que Gérard n'est pas plus habile pour le rôle d'enquêteur qu'un fulmard le serait pour vivre dans nos contrées tempérées(...le fulmard est un oiseau marin de l'hémisphère Nord).
Et puis, parallèllement à cet anti-héros, Jean Echenoz choisit de nous entraîner à l'intérieur des organes d'un micro-parti politique : la FPI (Fédération Populaire Indépendante.) On se demande d'ailleurs ce que ce parti peut véhiculer au niveau "populaire" puisque son bureau, ses dirigeants habitent vers Neuilly dans un complexe ultra sécurisé et réservé aux nantis. Et, on se demande, vu la faune qui compose cette nomenklatura dirigeante, si l'auteur ne s'est pas inspiré du clan Le Pen. En tout cas, il y a des remous à la tête de la FPI et un bon nombre de dirigeants aimeraient bien prendre la succession du maître à penser, un dénommé Franck Terrail, bien fatigué de la politique et de la vie. Et pour faire une bonne transition à la tête d'un parti, il est parfois bon d'éliminer le ou les gèneurs...surtout lorsqu'on trouve un homme de main, un peu naïf mais motivé par son rôle à jouer.
On retrouve dans "Vie de Gérard Fulmard" le style inimitable de Jean Echenoz et sa lecture est toujours une vraie jouissance; inconditionnel, j'y ai retrouvé son talent de composer de belles phrases, à rebonds, l'utilisation d'un vocabulaire méticuleusement choisi et l'art de faire des digressions truculentes. A lire et à déguster les anecdotes sur la rue Erlanger, lieu de vie de notre Gérard...
A classer dans la catégorie "policier" pour l'histoire et son intrigue, quelques éléments empruntés au genre, mais un policier écrit par Jean Echenoz ne peut en être un seulement et c'est ce qui fait son charme.