"La promesse", elle est faite au début du livre, et si elle est "de l'aube", cela signifie qu'elle se situe pendant l'enfance du petit Romain Gary, né Romain Kacew, né à Vilnius en 1914 et qui grandit en Pologne en compagnie de sa mère qui lui espère le plus grand destin possible.
C'est à 44 ans, sur la plage de Big Sur qu'il retrace sa vie, une vie tout à fait exceptionnelle. Mais june vie qui ne l'est amais encore assez pour sa mère qui veut en faire un "grand homme". Au moins un ambassadeur de France !Ou bien "un second Guynemer" lorsque l'on évoque l'aviation. Ou bien, en toute simplicité, elle lui prédit :"Tu seras Victor Hugo! Prix Nobel !".
Romain,lui, nous dit alors "...je pensais à toutes les batailles que j'allais livrer pour elle, à la promesse que je m'étais faite, à l'aube de ma vie, de lui rendre justice, de donner un sens à son sacrifice et de revenir un jour à la maison, après avoir disputé victorieusement la possession du monde à ceux dont j'avais si bien appris à connaître dès mes premiers pas, la puissance et la cruauté". Le ton est donné.
Dès le plus jeune âge, cette maman omnipotente n'épargne rien à son fils et lui fait suivre toutes sortes de cours pour trouver son génie: des cours de violon,-mais le pauvre Romain est une catastrophe, des cours de danse, -l'essai est manqué également, des cours de chant mais Romain annonce alors avec ironie : "'il y a entre moi et mes cordes vocales un malentendu complet". Il y aura aussi des cours de dessin où l'enfant est plutôt doué mais...qui évoque à la mère une vie d'artiste et de bohème inconcevable dans son esprit. Elle veut de la...grandeur.
C'est finalement vers l'écriture que se dirigera dès le plus jeune âge le petit Romain. (le chapitre III est excellentissime lorsque Romain cherche un pseudonyme d'écrivain) et ce livre autobiographique prouve que ce n'était pas une erreur d'orientation.
La première partie du livre se situe en Pologne, lorsque la mère façonne des chapeaux pour dames et que le jeune Romain fait ses premières armes dans la vie. Il conte ses amours, ses joies et ses peines avec une certaine drôlerie il faut bien dire (chapitre XI: son premier amour avec Valentine qui lui en fait voir de toutes les couleurs...). La proximité avec sa mère est de tous les instants " ma mère se livrait à une prospection systématique pour tenter de découvrir en moi la pépite secrête de quelque talent caché."
Matériellement, la vie en Pologne était difficile pour le couple mais la mère n'épargnait rien de ses efforts pour élever leur niveau de vie et elle projetait d'émigrer en France. Le rêve n'était pas américain mais bien français: " L'amour, l'adoration, je devrais dire, de ma mère pour la France a toujours été pour moi une source d'étonnement....J'ai toujours été moi-même un grand francophile. mais je n'y suis pour rien. J'ai été élevé ainsi."
Dans la deuxième partie du livre, Romain et sa mère s'installe à Nice. Là, Romain se met à écrire sérieusement. A ses côtés, sa maman fait des pieds et des mains pour subvenir à leurs besoins: " Ma mère transforma une chambre de notre appartement en chenil, prit en pension des chiens, des chats et des oiseaux, lut les lignes de la main, prit des pensionnaires, assuma la gérance d'un immeuble, agit comme intermédiaire dans une ou deux ventes de terrai. Je l'aidais de mon mieux en essayant d'écrire un chef-d'oeuvre immortel." Les études de Romain vont cahin-caha, notamment dans les sciences exactes. A l'oral de chimie, quand on lui demande à quoi sert le plâtre, il répond: "Le plâtre sert à fabriquer les murs". " C'est tout ?" lui demande alors l'examinateur." -Comment, est-ce tout? C'est déjà énorme! Monsieur le Professeur, enlevez les murs et 99 pour cent de notre civilisation sont par terre." Toujours beaucoup d'humour donc...
Mais parfois, les mots de Romain Gary ne sont plus autobiographiques et affirment des vérités. Certaines sont saignantes pour un homme qui retrace et fait un bilan de sa vie.Sur la vieillesse par exemple..." Les hommes agés n'ont jamais eu d'ascendant sur moi, je les ai toujours considérés comme étant hors jeu et leurs conseils de sagesse me semblent se détacher d'eux comme des feuillesmortes d'une cime sans doute majestueuse mais que la sève n'abreuve plus". Sur l'homosexualité..." Que l'on ne s'imagine pas que je jette ici contre les homosexuels une exclusive quelconque. Je n'ai rien contre eux - mais je n'ai rien pour eux non plus. des personnalités pédérastes les plus éminentes m'ont souvent conseillé discrètement de me faire psychanalyser, pour vois si je n'étais pas récupérable... J'ai une nature méditative, un peu triste et je comprends même assez qu'à notre époque, après tout ce qui lui est déjà arrivé, depuis les camps de concentration,l'esclavage sous mille forme et la bombe à hydrogène, il n'y a vraiment aucune raison pour que l'homme ne se fasse pas...par-dessus le marché." ...!!! Un franc-parler qui montre une certaine personnalité...
La troisième partie du roman aborde la période de la guerre. Romain pilote des avions et n'a qu'une idée en tête: rejoindre De Gaulle. Mais rejoindre l'Angleterre ne sera possible qu'après un détour par l'Afrique du Nord. C'est alors une véritable vie d'aventurier pleine d'anecdotes croustillantes qui est contée car Romain vit au milieu des "as" de l'aviation: Gibraltar, Glasgow, Londres, Bangui...
Et toujours une présence de tous les instants , mais à distance, de la maman. "Jusqu'à mon retour à Nice, 3 ans et 6 mois plus tard[...] ces lettres sans date, hors du temps, devaient me suivre fidèlement. Pendant 3 ans et demi, j'ai été soutenu ainsi par un souffle et une volonté plus grands que la mienne et ce cordon ombilical communiquait à mon sang la vailance d'un coeur trempé mieux que celui qui m'animait"...
Le livre se termine alors sur le retour de Romain auprès de sa mère.
Admirable de densité et avec ce style si grandiloquent, " La promesse de l'aube" est un livre qui marque assurément, il y a une vraie "puissance" dans l'écriture de Romain Gary, une force de vivre, une terrible envie de plaire... Et alors qu'il termine par ces mots, regardant l'océan depuis la plage de Big Sur: "...J'ai vécu.", je ne dirais qu'une chose: "Je l'ai lu" !!!
Commentaires
Ah super, merci pour cette critique!je viens de lire "La tête en friche" de Marie-Sabine Roger (super livre d'ailleurs!) dans lequel on parle des Promesses de l'Aube et j'avais du coup envie de le lire...c'est confirmé avec ton avis ;-)
J'ai trouvé aussi que c'était un très beau livre, et la personnalité de l'auteur est assez fascinante.