Un petit livre aux éditions de Minuit, maison d'édition de goût qui semble aimer les mots et privilégier le "style". La langue française se manie, se manipule, se chérit de mille et une façons et les éditions de Minuit véhiculent une belle idée de ce qu'on peut faire des mots, ce n'est pas pour rien qu'on y retrouve Jean Echenoz, pour moi, le maître.
Mais n'est pas Echenoz qui veut et si j'ai trouvé quelque ressemblance dans l'écriture de Tanguy Viel et de mon "chouchou", quelques envolées à la hauteur du maître, j'ai été globalement moins emballé tout de même.
Un petit livre très bien ficelé, avec trois actes découpés dans le temps et dans une ambiance sombre de malfaiteurs de la vieille époque assez bien rendue: nous allons vivre le casse du siècle ( ou plutôt un "autre" casse du siècle, nos héros ne sont pas des Spaggiari !), et comme le dit le chef de la bande, ce n'est pas un casse de plus, c'est " l'absolue perfection du crime ".
La première partie présente la "famille" avec celui qu'on appelle "l'oncle", une sorte de parrain de province, -nous sommes sans doute à Brest, un "chefaillon" d'une bande de truands à la petite semaine. Il y a aussi Marin que le narrateur ne porte pas dans son coeur puisque le livre commence presque par une bagarre entre les deux hommes; il y a Andreï et aussi Lucho que l'on recrute rapidement, trop rapidement et aussi Jeanne et puis "la tante". Tout ce beau monde se réunit, les hommes descendent cognac sur cognac et l'ambiance est toujours tendue, on n'est pas là pour s'amuser, même si le soir, on traine les bars. " Parce qu'on n'aurait dérogé pour rien non plus à l'idée de sortir la nuit, comme le négatif de nos journées , se montrer en ville le soir, vestes noires, cheveux peignés comme il faut, parfums, on s'accoudait aux comptoirs sur les hauts tabourets, et on se sentait observés, c'est-à-dire respectés."
L'oncle a alors la brillante idée de faire un casse au casino...non, pardon, de réussir "l'absolue perfection du crime". Mais on perçoit rapidement que la perfection ne sera pas atteinte car l'auteur nous fait comprendre par le truchement du narrateur et avec l'emploi du conditionnel que, fatalement, ça va mal se passer: " Tant qu'à faire, on n'a qu'à se déguiser en bagnards, on gagnera du temps. Mais ça n'a faire rire personne, ni moi au fond...(..) Même Lucho, il avait fini par dire que si ça foirait on saurait pourquoi, supportant mal de ma part, dira-t-il aussi, qu'on cherche la poisse à tout prix."
Dans la deuxième partie, on est au coeur même de l'action, puisque l'ingénieux casse est réalisé (la méthode est comique...mais je ne parlerai pas, ne révélerai rien !). Les malfaiteurs vident les coffres et on se partage la monnaie. Et puis...tout dérape alors..et ...
Et enfin, sept ans plus tard, on retrouve notre héros à sa sortie de prison et arrive alors le temps de la vengeance. Les Mercedès ont alors changé de forme, les bars ne se nomment plus de la même façon mais...rien n'a changé vraiment, surtout pas ses ex-collègues qu'il se met alors à traquer.
Un policier donc mais rien de commun avec le noir de Frédéric Dard (je choisis cet exemple pour l'époque) car le style de Tanguy Viel est plutôt original et recherché,...pour ne pas dire un peu trop alambiqué parfois ! Les phrases sont un brin tortueuses, longues à souhait, truffées de virgules et d'appositions, il n'y a aucun dialogue...tout cela est un peu empesé. Conséquence: il n'est pas aisé d'entrer dans le roman. Et puis, au fil de la lecture,, on se fait au récit du narrateur, on s'habitue à la forme, passé les 50 premières pages, je peux même dire que j'ai regretté la fin qui arrive un peu vite, un peu sans surprise.
A découvrir si l'on ne connait pas car l'auteur mérite toutefois un arrêt, mais peut-être pas le détour... l'avantage étant pour le lecteur un engagement de courte durée: 174 pages seulement.