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Yasunari Kawabata a été prix Nobel de littérature en 1968. Une sommité pour le Japon, à l'image de "Haruki Murakami' aujourd'hui. Dans Wikipédia, il est indiqué qu'il est un écrivain obsédé par la quête du beau, la solitude et la mort. D'ailleurs, en 1972, il mit fin à ses jours et choisit le gaz comme mode de départ.
" Les pissenlits" est une sorte d'oeuvre posthume puisqu'elle est parue en feuilleton entre 1964 et 1968 et n'a pas été achevée. Editée en 2012 en France, c'est un écrit hors norme et intemporel.
Ce roman démarre avec l'internement en hôpital psychiatrique d'une jeune femme nommée Ineko qui souffre de cécité partielle, maladie qui semble liée à la mort de son père décédé accidentellement lors d'une promenade à cheval avec elle. Depuis, elle "voit" disparaître les humains par intermittence. L'hôpital se trouve dans la petite ville d'Ikuta, située en bord de mer et ce sont sa mère et son amant, le dénommé Hisano qui l'accompagnent. Une fois laissée Ineko à l'hôpital, Hisano est sa putative belle-mère commence à dialoguer interminablement sur les causes de l'internement. Leurs pensées pour elles sont incessantes, liées par un amour commun mais différent dans leur façon d'aimer Ineki. " ...je pense que sa cécité ne survient que face à une personne qu'elle aime (...).Autrement dit, elle n'aura pas de crise en se promenant en ville parmi des passants qui n'ont aucun raport avec elle." Dans cette journée et cette nuit d'échanges et d'explications, les deux personnages entendent dans le lointain la cloche du temple que les patients de l'hôpital sonnent. Cette cloche leur sert de lien avec Ineko car ils l'imaginent commencer sa thérapie, la frappant comme exutoire, entamant sa guérison au milieu des fous.
Ce récit est empreint d'une multitudes d'interrogations, de réflexions philosophiques. C'est un peu répétitif mais parfois ce n'est pas inintéressant. Comme par exemple, à propos du destin et de la responsabilité de la mort d'un proche..."En général, n'est-ce pas, lorsque les membres d'une famille ou des proches sont confrontés à la mort d'une personne, ils souffrent d'une sorte de culpabilité mêlée de remords ou bien ils sont poursuivis par des tourments moraux. N'essaient-ils pas alors de les dissimuler sous le masque de la tristesse et du regret ? Qu'elle soit le fait de la maladie ou qu'elle résulte d'un accident, la mort d'un être humain est hors du pouvoir des vivants"
Evidemment rien de très gai tout le long du roman...la mort du père, le chagrin de l'amant, la désolation de la mère et la fille à l'asile, ajoutons-y un peu d'hallucinations...ça fait un peu beaucoup...et ça tourne un peu en rond. Après avoir suivi dans la première partie les inquiétudes des deux survivants, l'auteur fait un retour en arrière lorsqu'Ineki eut ses premiers symptômes, perdant de vue momentanément une balle de ping-pong lors d'une compétition. Ineko et sa maman s'entretiennent à propos de cette fameuse cécité sporadique et font le lien avec une hallucination du père, Kizaki, lieutenant-colonel de l'armée nippone et qui faillit se suicider le jour de la capitulation en 1945 après avoir erré une semaine dans les montagnes. Kizaki, prêt à commettre l'irréparable, entrevit une jeune vierge de la montagne qui le sauva...
A la fin de ce roman plein d'une symbolique (que je n'ai pas toujours perçue...), on retrouve Ineko et son amoureux Hisano dans l'évocation d'une énième vision étrange: Ineko, qui ne voit parfois plus le corps de son amant durant une étreinte, se met à contempler un arc-en-ciel aux teintes de pêche...
Roman inachevé, j'ai presque envie de terminer ma critique de la même façon......voilà, ça se termine comme cela, un récit trop étrange et trop poétique pour moi...
Commentaires
Bon jour,
Je ne connais pas cet auteur mais selon votre critique il me fait penser dans une certaine mesure à Edmond Jabes.
Je vais sûrement acheter ce livre. Merci à vous.
Note : il y a une coquille : " feuilleton entre 1964 et 198 et n'a pas été achevée" - 1968 sans doute.