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Il y a 3 ans et demi, j'avais lu le titre majeur de M. Rufin, (j'écris Monsieur car, quand même, Monsieur Rufin fait partie de l'Académie Française, il en est d'ailleurs le cadet...), à savoir "Rouge Brésil" et puis, plus tard, j'avais regoûté au plaisir de sa plume historique et fouillée en lisant "L'Abyssin". N'est pas Prix Goncourt qui veut, ni qui peut.
Monsieur Rufin est un homme brillant, tout ce qu'il touche se transforme en réussite et ses écrits, au même titre que sa vie, sont passionnants.
Le roman "Le grand Coeur" est un roman historique qui s'attache à retracer la vie de Jacques Coeur, sorte d'aventurier d'un autre temps comme les aime Jean-Christophe Rufin. Dans Rouge Brésil, l'histoire se déroulait à la Renaissance (1555) et l'on partait à la découverte de l'Amérique avec un chevalier dénommé Yves de Villegagnon; pour L' Abyssin, nous partagions la vie de Jean-Baptiste Poncet, apothicaire sous Louis XIV; cette fois-ci Jean-Christophe Rufin nous fait plonger dans la période du bas Moyen-Age sous le règne de Charles VII.
Jacques Coeur fait l'objet de nombreux ouvrages (personnellement je n'en n'avais jamais entendu parler...preuve d'une inculture notoire !) car son oeuvre et son parcours sont pour le moins atypiques et marquent un tournant dans l'Histoire médiévale française. Né vers1400, ce qui en fait un contemporain de Jeanne d'Arc, et fils d'un simple maître fourreur, il va réussir une prodigieuse ascension sociale et vite être un proche du roi Charles VII. Il va quitter la ville de Bourges où il grandit et fait ses premières armes dans le commerce pour retrouver Paris où il devient "Maître des Monnaies": son travail est de fabriquer des pièces d'or et d'argent en réquisitionnant les fameux métaux dans la population afin de fournir de l'argent au roi. Pour combattre l'ennemi anglais et lever des armées, il faut de l'argent frais.Charles VII va reconnaître ses talents et en faire son grand "argentier", un sorte de banquier ou ministre des Finances du royaume.
Doué pour les affaires et son sens du négoce, et alors que le monde médiéval qui l'entoure est tourné vers les croisades, la guerre et la chevalerie, il va créer une sorte de société commerciale avec les pays d'Orient. Il se rend en Egypte, en Syrie et, plutôt que d'affronter le monde musulman ennemi, il y voit la possibilité d'un énorme commerce dont il pourra tirer des profits. Marchand international, il va concurrencer les Italiens (Gênes, Venise, Florence) et devenir armateur. Des profits pour le roi, bien sûr, mais aussi pour lui et sa fortune va devenir immense, et comme le laisse entendre l'auteur qui romance à merveille sa fastueuse vie, Jacques Coeur va devenir l'homme le plus riche du royaume. Il rachète moults châteaux dans le Royaume à des seigneurs ruinés par la guerre de Cent ans et entre 1443 et 1453, Jacques Coeur va fait construire un prodigieux palais à Bourges. (...j'irai un jour le visiter...au printemps !).
Cette ascension déplait à certains et le moment de la disgrâce sonnera en 1451 quand il sera accusé de crime de lèse-majesté, accusation assez absconse, qui révèle un monde d'intérêts, de jalousies et de trahisons dans l'entourage du Roi. Il semblerait que sa fortune ait provoqué quelques rancoeurs, et sans doute celle du Roi aussi qui a ressenti la puissance de son "argentier"...à moins que...à moins que son arrestation et son emprisonnement ne soit dû à une toute autre raison, une histoire de coeur justement; on prête une liaison à Jacques Coeur avec Agnès Sorel, une maîtresse du Roi Charles VII.
Grandeur donc et décadence, la fin de la vie de Jacques Coeur est toute aventurière, inutile de la raconter, JC Rufin, parfait auteur idéal du roman historique, le fait superbement.
J'ai ressenti dans ce livre la même verve et la même passion pour les grands récits d'aventures qu'avec ses précédents écrits avec un attachement particulier de Rufin cette fois pour son héros. Le fait que le récit soit raconté à la première personne et que la situation de départ du roman ne soit éloignée de la situation finale que par le récit de sa vie (500 pages, quelques heures de lecture) une sorte de biographie de sa vie, apporte une proximité attachante envers le héros présenté comme un homme bon et simple, avec la vision originale d'un précurseur sur le monde à venir : la Renaissance est proche. La plume est toujours soignée, on trouve le vocabulaire historique et les quelques mots inusités dont raffole l'écrivain, c'est donc bien un Rufin, le rythme de l'histoire toujours soutenu et le titre attractif...Un bon livre assurément pour qui souhaite s'immerger dans la fin du Moyen-Age.
Commentaires
Bon jour,
Je ne connais pas cet auteur, mais j'aime votre critique que vous déployez avec maestria. Je vais commander ce livre pour mon anniversaire qui est ... bientôt.
J'ai eu l'occasion de lire quelques livres qui retracent la vie, en roman ou non, de certains grands hommes ou femmes comme par exemple : "François I er" de Jean Jacquart, il y a déjà un certain temps.