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Titre du blog : Le pivot d'Héricy
Auteur : laugo2
Date de création : 12-04-2009
 
posté le 22-04-2012 à 07:52:56

Les champs de bataille de Dan Franck

 

                   

 

Ce livre traite du procès de René Hardy, l'homme qui fut accusé d'avoir livré le résistant Jean Moulin (alias Max) au gestapiste Klaus Barbie le 21 juin 1943.Un récit extrêmement bien documenté et aussi une fiction, presque un essai où l'auteur exprime des idées et ses convictions .Le militant gauchisant (ce n'est pas péjoratif) Dan Franck a réussi à me captiver en proposant de récrire une page de notre Histoire, comme si elle avait été mal rédigée, mal jugée, dans un contexte de sortie de guerre qui aurait fait qu'une partie en aurait été omise.

Les faits tout d'abord: René Hardy fut un résistant, (il s'occupait de faire sauter les voies ferrées); membre et responsable de l'Armée Secrète, il s'était lié au réseau de la Résistance par ses accointances avec une partie de l'extrême droite française, notamment le nationaliste Barrès.

Alors qu'il se rend à Paris en train pour rencontrer un chef de la Résistance (qui se fera arrêter), René Hardy (alias Didot) est repéré par certains anciens résistants passés à l'ennemi (on dit qu'un résistant est « retourné ») et se retrouve entre les mains de l'obersturmführer Klaus Barbie. Celui-ci est au courant qu'Hardy est amoureux fou alors de Lydie Bastien (soupçonnée, elle aussi, de trafiquer avec les Allemands...) et Barbie lui fait un chantage, il lui demande ou lui aurait demandé en échange d'une vie sauve de lui livrer des informations, on ne sait pas exactement...S'ensuit l'arrestation de Jean Moulin à Caluire, près de Lyon, avec 6 autres résistants dont Raymond Aubrac (décédé le 10 avril 2012). René Hardy, le seul qu'on arrête avec une corde et non des menottes est aussi le seul à réussir à s'échapper,...Hardy aurait-il trahi et livré Jean Moulin aux allemands ?

René Hardy sera jugé deux fois en 1947 et, par deux fois, faute de preuve, il ne sera pas condamné. (Albert Camus lui apporta son soutien). Pourtant des preuves accablantes auraient pu le faire condamner...alors...?

...Alors Dan Franck écrit le troisième procès de René Hardy. Un procès imaginaire: dans sa cuisine, un juge, obsédé par cette histoire, instruit l'affaire Hardy et dans un face à face terrible, il rejuge le résistant soupçonné. Les deux hommes s'affrontent et c'est à travers des instructions extrèmement haletantes que l'auteur nous plonge dans le coeur d'un procès fictif. Le juge et Hardy jouent tous deux au jeu du chat et de la souris pour ne pas se faire coincer par l'autre, chacun sort ses arguments, récrit l'histoire, retrace le récit du mois de juin 194, c'est absolument haletant. Par sa tension ce huis-clos m'a rappelé le film 'Garde à vue", avec un huis-clos terrible entre Serrault et Ventura.

Au-delà de cela, l'auteur emet l'hypothèse d'un complot d'une partie des résistants, ceux appartenant à l'extrême-droite, naviguant en eaux troubles, peut-être en cheville avec une partie de la milice française de même obédience. Et puis, par extrapolation, il met bien en opposition les deux vues de la société, les valeurs morales divergentes entre la gauche et la droite qui tracent des horizons bien différents. Reprenant les faits d'armes des mouvements de gauche et leurs personnages charismatiques (pendant la guerre d'Espagne, l'Algérie, mai 68, le Che, 1981...), ce livre est d'une parfaite érudition et l'auteur nous fait partager ses convictions, ses points de vue sur les événements historiques. Cette oscillation entre: - la fiction (avec le dénouement de ce troisième procès imaignaire et l'écriture si achevée des dialogues) - et la réalité de notre société actuelle que le juge présente, est une belle façon de rendre hommage à Jean Moulin. Passionnant.