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J’ai globalement un peu moins aimé cet autre petit roman de Jean Echenoz, même si sa lecture est très agréable. Peut-être ai-je senti que ce roman était une esquisse, une ébauche pour les romans suivants (notamment le plus abouti « Je m’en vais » écrit 7 ans plus tard) ? .Une fois de plus, surtout à cette période pour son œuvre, l’auteur écrit un roman sans véritable histoire, et c’est plutôt le style qui captive, qui épate, qui étonne. Les phrases y sont toujours, encore, merveilleusement construites, le vocabulaire est juste, pointu, les métaphores délectables, c’est un phrasé inimitable. Par exemple…et j’aime beaucoup ce genre de petites scènes…
- « Un peu de vin fit Meyer. Merci, déclina la jeune femme en se servant un verre d’eau. Jamais bu d’aussi mauvaise eau municipale, observait-elle ensuite avec douceur, repoussant du bout de son soulier pointu, les questions dégonflées à ses pieds. »L’originalité et l’intérêt de ce roman réside dans son « étrangeté »… Lire « Nous trois », forcément, c’est l’histoire de deux plus un, là ce sont deux hommes et une femme…chacun étant épris de la même femme. Femme fortuite et froide, femme multiple, femme désirée qu’Echenoz , par un jeu de circonstances et de hasard va faire croiser dans la vie de ces hommes amoureux. L’étrangeté, le jeu, le questionnement nous poussent à lire, à vouloir savoir comment et jusqu’où l’auteur va jouer avec le lecteur et ses personnages.
On ne peut pas vraiment dire que le roman est un roman sentimental, l’histoire d’amour est plutôt reléguée au second plan. Deux moments forts de l’histoire (on ne peut pas dire les moments-clefs !), si l’on peut considérer qu’il y en a une réellement : au début du livre, tout commence avec Meyer ,le héros, qui part à Marseille pour ses vacances, mais là, un cataclysme l’y attend puisque la ville est secouée par un tremblement de terre et détruite ; et à la fin, Echenoz envoie le même Meyer dans les airs, et il est cette fois au travail, depuis la Guyane avec le lancement d’une fusée. Autour de ces événements donc, la rencontre des trois personnages.
Pour finir…et donner un peu le goût de ce livre. Encore un extrait qui illustre bien l’humour de l’auteur. A propos de la Guyane. « …Meyer, la Guyane, à première vue, ça ne l’emballe pas tellement, qui ne voit là qu’une langue de terre moite et pourrie de parasites, baignée de fièvres et de militaires pleins de bière. Pour faire décoller nos fusées, que ne choisit-on un coin aéré, plus frais, tout aussi français. Saint-Pierre et Miquelon, par exemple ? Question de pognon, répondit Blondel, vous savez bien. Pas la peine de chercher plus loin. Plus on se trouve proche de l’Equateur, plus vite on sort de l’attraction terrestre et moins ça coute cher en carburant. De toute façon, les militaires pleins de bière s’adaptent tout aussi bien au froid. »…C’est sans doute pas faux !